La Chronique Agora

Les dépenses publiques créent-elles de la richesse ?

Ou bien, au contraire, sont-elles destructrices de richesses ?

De nombreux économistes affirment que la croissance économique est alimentée par l’augmentation de la demande globale de biens et services, affirmant en outre que la production nationale augmente toujours d’un multiple de l’augmentation des dépenses de l’Etat, des consommateurs et des entreprises. Il n’est donc pas surprenant que la plupart des commentateurs économiques estiment qu’une relance budgétaire et monétaire permettrait de soutenir la demande, évitant ainsi à l’économie américaine de tomber en récession.

Ces économistes estiment qu’une augmentation des dépenses de l’Etat et de la masse monétaire au travers de nouvelles injections de liquidités par la banque centrale permettrait de renforcer la demande globale et par conséquent d’accroître la production de biens et services. Cela implique que la demande crée l’offre. Mais est-ce vraiment le cas ?

Pourquoi l’offre précède nécessairement la demande

Dans une économie de marché, les producteurs ne produisent pas uniquement ce dont ils ont besoin pour leur propre consommation. L’essentiel de leur production vise à être échangée contre les biens et services d’autres producteurs. Ainsi, en économie de marché, la production précède nécessairement la consommation, cela signifie qu’une chose s’échange toujours contre une autre. Cela implique également qu’une augmentation de la production entraîne mécaniquement une augmentation de la demande de biens et de services.

D’après David Ricardo :

« Aucun homme ne décide de produire sans avoir pour objectif final de vendre ou de consommer sa production, et s’il décide de la vendre, c’est toujours avec l’intention de pouvoir acheter d’autres denrées qui lui seront immédiatement utiles ou contribueront à sa production future. Ainsi, en produisant, il devient nécessairement soit le consommateur de sa propre production ou l’acquéreur de la production d’autrui. »

Le pouvoir d’achat d’un individu dépend de sa capacité à produire des biens et des services de valeur. Plus un individu produit de richesses, plus il pourra acquérir de choses qu’il désire. Par exemple, si un groupe de cinq personnes produisent dix pommes de terre et cinq tomates, c’est globalement tout ce qu’elles pourront consommer. La seule façon de consommer plus, c’est de produire plus.

Et comme l’a écrit James Mill :

« Lorsqu’un vendeur achemine des marchandises sur un marché, son but est de trouver des acheteurs. Mais pour pouvoir acheter, encore faut-il avoir les moyens de payer. Il semble donc évident que le marché national est constitué de l’ensemble des moyens de paiement qui existent à l’échelle du pays. Mais sur quoi reposent ces moyens de paiement ? Ne sont-ils pas le résultat de la production nationale, du revenu annuel de l’ensemble de la population ? Mais si le pouvoir d’achat à l’échelle d’un pays correspond précisément à sa production annuelle, comme c’est indéniablement le cas, alors il apparaît que plus vous augmentez la production, plus le marché national se développe par là même, à la fois en termes de pouvoir d’achat global et de dépenses effectives… Ainsi, il apparaît que la demande à l’échelle d’une nation est toujours égale à sa production. Il ne peut en être autrement, car qu’est-ce qui détermine la demande ? La demande à l’échelle d’un pays correspond nécessairement à son pouvoir d’achat. Et qu’est-ce qui détermine son pouvoir d’achat ? Sans le moindre doute, l’étendue de sa production annuelle. Le volume de la demande et le volume de l’offre sont donc toujours exactement équivalents. »

L’accroissement de l’épargne est la clef de la croissance économique

Sans développer et moderniser les capacités de production, il est impossible d’augmenter l’offre de biens et de services et ainsi répondre à une demande globale croissante. De tels investissements supposent au préalable d’accroître les réserves d’épargnes afin de pouvoir subvenir aux besoins des travailleurs employés à la réalisation de ces projets.

Par conséquent, l’augmentation des dépenses publiques et la mise en oeuvre d’une politique monétaire laxiste ne permettront en aucun cas d’accroître la productivité de l’économie. Il est impossible d’augmenter la production globale sans investir à l’aide des réserves d’épargne accumulées.

Supposons, par exemple, que dans une journée un boulanger produise douze baguettes de pain et n’en consomme que deux, il en conserve donc dix. Il décide ensuite de les échanger pour acquérir une paire de chaussures chez un cordonnier. Dans cet exemple, le boulanger finance l’achat de ses chaussures à l’aide des baguettes qu’il avait conservées, ce qui contribue à faire vivre le cordonnier. De la même manière, le cordonnier a financé l’achat des baguettes de pain à l’aide des chaussures qu’il avait fabriquées, contribuant au bien-être du boulanger.

Supposons maintenant que le boulanger décide de construire un nouveau four afin d’augmenter sa production de pain. Pour réaliser son plan, le boulanger fait appel aux services d’un fabricant de fours, qu’il paie avec une partie de sa production de baguettes de pain. Cependant, si la production de pain venait à être perturbée pour une raison ou pour une autre, le boulanger ne pourrait plus payer le fabricant du four, de sorte que sa fabrication serait abandonnée. Par conséquent, ce qui détermine la croissance économique, ce ne sont pas seulement les outils, les machines et le réservoir de main-d’oeuvre, mais aussi le maintien d’un flux adéquat de biens de consommation répondant aux besoins du fabricant.

L’Etat ne crée pas de richesses

L’Etat ne crée pas de richesses, alors comment une augmentation des dépenses publiques pourrait-elle relancer l’économie ? Les fonctionnaires s’attendent à être rémunérés pour leur travail. L’un des moyens auquel l’Etat a recours pour les payer consiste à taxer les créateurs de richesses. En agissant ainsi, l’Etat affaiblit le processus de création de richesses et compromet les perspectives de croissance économique.

D’après Murray Rothbard : « Puisque la demande réelle résulte entièrement de l’offre de biens et services, et puisque l’Etat est improductif, il s’ensuit qu’en réalité les dépenses publiques sont incapables de stimuler la demande. »

Si les réserves d’épargne sont suffisantes pour financer les dépenses de l’Etat, alors une politique de relance monétaire et budgétaire pourrait donner l’illusion d’être une réussite. A l’inverse, si les réserves d’épargne venaient à diminuer, alors il serait impossible de raviver la croissance économique, quels que soient les plans de relance monétaire et budgétaire mis en oeuvre.

Dans ce cas de figure, plus l’Etat accroîtra ses dépenses et plus la banque centrale fera tourner la planche à billets, plus la situation des créateurs de richesses se dégradera, compromettant ainsi les perspectives de reprise économique.

Lorsque les politiques monétaires et budgétaires laxistes conduisent à gaspiller le pain fabriqué par le boulanger, ce dernier n’a plus les moyens de rémunérer les services du fabricant de four, ce qui l’empêche par conséquent d’augmenter sa production de pain.

Et au fur et à mesure que le gouvernement multiplie les plans de relance dispendieux, le boulanger voit la quantité de pain à sa disposition continuer de se réduire. Il pourrait même finir par manquer de moyens suffisants pour maintenir le fonctionnement du four existant, s’il ne pouvait plus par exemple s’offrir les services d’un technicien pour en assurer la maintenance. Par conséquent, la production de pain pourrait finalement diminuer.

A cause de l’augmentation des dépenses publiques et des injections de liquidités par la banque centrale, l’ensemble des agents économiques productifs verront leur épargne disponible se réduire. Cela aura pour conséquence d’entraver la production de biens et services et donc d’affaiblir la croissance économique globale. Non seulement l’intensification des politiques budgétaires et monétaires laxistes ne parvient pas à soutenir la production nationale, mais elle conduit même au contraire à un affaiblissement systémique du processus de création de richesses.

Selon J.B. Say : « Les seuls véritables consommateurs sont ceux qui produisent eux-mêmes, car eux seuls peuvent acheter par leurs propres moyens les marchandises proposées par d’autres [tandis que] les consommateurs stériles ne peuvent rien acheter par eux-mêmes, les moyens dont ils disposent proviennent de la valeur créée par les producteurs. »

Conclusion

La plupart des économistes et des commentateurs affirment que l’augmentation des dépenses publiques et des injections de liquidités par la banque centrale a pour effet de soutenir la demande globale et par conséquent d’accroître la production de biens et services. Cette vision des choses suppose que la demande crée l’offre.

Cependant, pour obtenir les biens et des services qu’ils désirent, les individus doivent d’abord posséder quelque chose de valeur à échanger. Autrement dit, pour demander des biens et des services, les individus doivent d’abord produire quelque chose d’utile. Par conséquent, c’est l’offre qui crée la demande, et non l’inverse.

L’augmentation des dépenses publiques détourne l’épargne du secteur privé productif vers le financement du secteur public improductif, sapant ainsi le processus de création de richesses. De la même manière, les injections de liquidités par la banque centrale entraînent un détournement de la richesse des agents économiques productifs vers les détenteurs de la nouvelle monnaie créée. Loin de stimuler la croissance économique, les politiques gouvernementales ne font que l’entraver.

Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.

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