La Chronique Agora

Décideurs, influenceurs et manipulateurs

Derrière l’inflation comme la guerre, il y a toujours des décisions prises, des annonces faites… et des phénomènes qui finissent par échapper à tout contrôle.

« La première panacée pour une nation mal dirigée est l’inflation monétaire, la seconde est la guerre. Les deux apportent prospérité temporaire et destruction indélébile. Les deux sont le refuge des opportunistes économiques et politiques. »
Ernest Hemingway (« Notes sur la prochaine guerre », Esquire, septembre 1935)

Et désormais, nous avons les deux : l’inflation et la guerre !

N’importe quel idiot peut comprendre que, lorsqu’on prête de l’argent à un taux inférieur à celui de l’inflation… que l’on entrave le rendement économique avec des réglementations, des confinements, des tarifs douaniers… que l’on gaspille des milliers de milliards de dollars… et que l’on tente de compenser la production perdue en imprimant des billets… on s’expose à des problèmes.

Nous l’avons répété (à n’en plus finir) au fil de ces chroniques.

La Fed a peu de responsabilités. Contrôler l’inflation arrive en première position. Pourtant, non seulement elle n’a pas remarqué l’inflation qu’elle était en train de provoquer… mais elle l’a ensuite diagnostiquée à tort comme « transitoire » … Et à présent, elle ne sait pas du tout comment s’y prendre pour faire rentrer le lion dans sa cage.

Des micro hausses de 25 points de base – entre aujourd’hui et l’éternité – ne feront jamais l’affaire. La Fed va courir après l’inflation, et non la devancer. Et des hausses de 50 points de base, comme évoquées par Jerome Powell la semaine dernière, ne feraient pas beaucoup plus de bien.

Mais retournons à notre thématique d’hier. En ce qui concerne l’inflation, la question n’est pas de savoir quels phénomènes la causent, mais plutôt « qui » en est à l’origine, tout comme pour cette hystérie entourant la guerre entre la Russie et son ancien satellite.

Un Who’s Who de la guerre

Dans le cadre de la guerre moderne, comme nous l’avons vu la semaine dernière, les généraux récupèrent des médailles et des sinécures. Les actionnaires de Raytheon voient leurs actions grimper. Tout le complexe militaire/industriel/du renseignement/des think tanks/des universités/de la presse acquière davantage de richesses et de puissance.

Alors il est peu surprenant que ce gigantesque complexe – contre lequel Dwight Eisenhower nous avait mis en garde il y a 60 ans, et qui est devenu plus vaste, plus riche et plus puissant depuis – veuille pousser le pays vers la guerre.

Mais même si ce complexe militaire/industriel/etc. est vaste… il ne constitue pas à lui seul le « qui » est à l’origine de cette obsession pour le conflit entre la Russie et l’Ukraine.

Alors, qui d’autre ?

Foreign Affairs suggère ceci :

« La guerre de Poutine fortifie l’alliance démocratique. »

Oui, cher lecteur… cela va au-delà de ce complexe… et il ne s’agit pas que des Etats-Unis.

Commençons par la question qui nous vient naturellement : le fait que les Etats-Unis soient puissants et en bonne santé ne suffit-il pas ? Est-ce que nos lecteurs ne feraient pas mieux de se concentrer sur cet objectif, au lieu d’être obsédé par « qui » gouverne mal un pays à l’autre bout du monde ?

Chaque jour apporte de nouvelles menaces « d’attaque contre la démocratie ». L’émeute du 6 janvier 2021 au Capitole… les affirmations « d’élection volée » de Trump… les tentatives de contrôler qui vote (ou à quelle fréquence)… et, à présent, l’assaut de la Russie contre l’Ukraine.

La différence entre un bon pays et un mauvais pays…

Mais qu’est-ce qui rend une démocratie… ou une « alliance démocratique » mondiale… si supérieure… si désirable ?

Bien entendu, nous – les pays « démocratiques » – nous n’envahissons pas de plus petits pays, n’est-ce-pas ? Euh… passons…

Mais au moins, nous n’avons pas que quelques riches et énormément de pauvres. Euh… passons peut-être là-dessus, également.

Et quid de la liberté d’expression ? On peut dire ce que l’on veut, sans craindre les répercussions, n’est-ce pas ? Mais si vous dites « ce qu’il ne faut pas », votre carrière est terminée.

Hum… au moins, nous n’essayons pas de mettre sous les verrous ceux qui disent la vérité, n’est-ce-pas ? Mais que dire d’Edward Snowden et de Julian Assange ?

Ce qu’il faut retenir, c’est ceci : si nos pays sont des démocraties, alors c’est le « peuple » qui tranche les questions importantes, et non l’élite ?

Aïe… En Amérique, les présidents changent… le parti au pouvoir change… mais les dirigeants du deep state – les décideurs, les influenceurs, les manipulateurs – demeurent les mêmes.

Ainsi que leurs politiques.

De Bush à Obama en passant par Trump et Biden, il y a eu un grand bouleversement « culturel » à chaque fois (un brouhaha dans la presse), mais pas de réel changement au sein de la direction. Les riches sont devenus plus riches. Les dépenses ont augmenté. La dette a augmenté. Aucune agence gouvernementale n’a été supprimée. Il n’a été mis fin à aucun programme. Si un apparatchik perdait son poste… il patientait simplement jusqu’au prochain gouvernement !

Suiveur ou meneur ?

Nous serions sacrément idiot de prétendre qu’il n’y a aucune différence entre la Russie et les Etats-Unis et, disons, l’Irak. Mais ces différences ne sont pas toujours aussi limpides et saisissantes qu’on l’imagine.

Les masses embrassent presque toutes des grandes causes.

Ce sont les contribuables, les consommateurs, la « chair à canon » pour la guerre et les « idiots utiles » pour tout programme de l’élite. Le citoyen ordinaire est toujours prêt à soutenir ses dirigeants… et à faire des bêtises.

Les Russes soutiennent Poutine. Les Ukrainiens soutiennent Zelensky. Les Américains soutiennent Biden. Et les Allemands ont soutenu Hitler jusqu’à ce que les Soviétiques éteignent la lumière.

Si on l’installait dans une pièce, qu’on lui montrait les faits, et tout l’argent dépensé, tous les programmes, tous les bureaucrates, les bons samaritains, les espions, les gratte-papier, et qu’on lui présentait sa part de la facture, l’électeur moyen frémirait sûrement d’horreur.

Mais il ne se sentirait tout de même pas compétent pour juger toute administration ou tout programme.

Est-ce que l’armée de l’air devrait construire un nouvel avion? Est-ce que les hedge funds devraient être autorisés à reporter leurs pertes ? Quel camp devrions-nous soutenir en Eurasie ? Ceux qui parlent russe ou ceux qui parlent ukrainien ?

Ces questions le dépassent. Lui, c’est un suiveur, pas un meneur. Ces questions sont réservées à l’élite, aux experts, qui décident.

Mais à présent, nous nous interrogeons sur les dirigeants-mêmes.

Sont-ils tous aussi incompétents que Jerome Powell ? Qui sont-ils ? Que veulent-ils ?

Nous étudierons de plus près un exemple, demain.

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