La Chronique Agora

Crise : ou on stabilise tout de suite… ou on est très loin du compte

Les apprentis sorciers ne comprennent pas l’ampleur de la situation – et leurs mesures ne sont rien par rapport aux sommes colossales qui sont en jeu.

J’ai le sentiment que les apprentis sorciers jouent avec le feu. J’ai toujours su qu’ils ne comprenaient rien à ce qu’ils faisaient, et je ne cache pas le mépris dans lequel je les tiens.

Ils sont intoxiqués par le « group think », la pensée de groupe, par leurs copains du monopole de la pensée unique monétaire – mais aujourd’hui, encore plus qu’avant, c’est insupportable.

Ils ne connaissent pas le monde, ils ne connaissent que le domaine étroit où s’exerce leur soi-disant maîtrise d’excellence. Ils ne lisent pas, ils ne débattent pas ; ils font, ils sont l’autorité.

Ils n’ont pas compris que le monde est l’alignement d’une chaîne de dominos, que ces dominos sont interconnectés par le bais de leur dépendance à l’égard du dollar… et donc qu’il faut raisonner globalement, mondialement et inclure les émergents.

On ne peut rien laisser en dehors de la chaîne de Ponzi qui régit le monde depuis 30 ans. Le pognon gratuit, surabondant, a tout inondé, tout transformé dans le monde global.

Pas suffisant

Les autorités américaines ont décidé d’interventions de 1 500, 2 000 ou 3 000 Mds$, peu importe, et elles croient que c’est suffisant compte tenu de la valeur des deux dominos qu’elles ont sous leur nez, en face d’elles ; elles croient même sur-réagir.

Elles se trompent totalement car le pognon, c’est du mercure : il coule, il aboutit là où on ne sait pas ! Derrière les deux dominos que les apprentis sorciers « noient » – ou plutôt croient noyer – sous les interventions et les liquidités, il y a un troisième domino, puis un quatrième puis un cinquième… qui, si le troisième vacille, vont tomber en chaîne.

La production de dettes dans le monde a été une véritable folie, je le dis depuis plus de 30 ans. Au bas mot, les dettes dans le monde sont de 255 000 Mds$.

Je dis au bas mot, mais les calculs plus serrés donnent 320 000 Mds$ ; et si on tenait compte de tout le levier implicite contenu dans tous les véhicules financiers comme les dérivés, on arriverait à des chiffres astronomiques. Le levier implicite se transforme en dette quand on en est au stade des appels de marges !

Une colossale perte de valeur

Avant la pandémie, le monde global avait des actifs d’une valeur marchande de 350 000 Mds$ et des dettes, disons, de 255 000 Mds$ – soit une valeur nette d’environ 100 000 Mds$.

En quelques jours, on vient de perdre près de 15 000/18 000 Mds$, au bas, très bas mot aux Etats-Unis. 15 000/18 000 Mds$ partis au paradis de l’argent, évaporés. Les marchés boursiers mondiaux, pour leur part, ont perdu 30 000/35 000 Mds$ pour l’instant.

Cela, c’est pour ce qui est coté… mais il faut aussi compter avec les sociétés non cotées, les PME, les TPE, les exploitations individuelles et surtout l’immobilier !

En quelques jours, l’actif net mondial va devenir négatif.

C’est une vision très optimiste, car même si le monde global restait solvable, il y aurait des poches d’insolvabilité. La chaîne de Ponzi n’est pas uniformément solide, faite du même métal. Certains maillons sont plus faibles que d‘autres : l’Européen, le Chinois, le producteur de pétrole victime des 30 $ le baril etc.

Et puis n’oubliez pas : quand les défauts arrivent, les ardoises sont toujours plus énormes que ce qui était apparent au départ. La Grèce, par exemple, a commencé avec un trou de 35 milliards… pour finir à plus de 300 !

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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