A quoi bon mesurer les risques et faire des arbitrages honnêtes, quand l’argent est gratuit, les valeurs faussées et que les coûts n’ont plus la moindre importance ?
Il y avait sept barrages de police entre notre ferme et la capitale de la région, Salta (à quatre heures de route environ).
A certains, on nous a fait signe de passer. A d’autres, nous avons dû nous arrêter, répondre à des questions, montrer un permis, faire mesurer notre température… à l’un des barrages, on a même arrosé notre camionnette d’une sorte de désinfectant.
« Pourquoi est-ce que vous vaporisez ça sur la camionnette ? », avons-nous demandé. Nous n’avions jamais entendu dire… ni même imaginé… qu’une camionnette puisse être un vecteur de dissémination du Covid-19.
« Je ne sais pas », nous a-t-on répondu. « Nous voulons juste que vous soyez en sécurité. »
En mode panique
La réponse n’avait pas plus de sens que l’action elle-même.
« Je ne pense pas que quiconque le sache réellement », nous a expliqué un ami. « Ils le font peut-être juste pour que les gens croient qu’ils prennent tout ça au sérieux. Ou peut-être qu’ils sont juste idiots. »
Une province voisine, Jujuy, est à nouveau en confinement complet après un pic de nouveaux cas. Le journal télévisé annonce que l’épidémie de Covid-19 s’aggrave, avec 5 786 nouveaux cas en Argentine rien que mercredi dernier… et 98 décès.
Sous ces nouvelles défilait une bannière rouge avec un seul mot, « URGENTE », qui se passe de traduction.
98 personnes, cela ne nous semble pas beaucoup. Près d’un demi-million de personnes meurent chaque année en Argentine.
Pourtant, de nombreux pays sont encore en mode panique… et aucun plus que les Etats-Unis.
La presse a pété les plombs
Aux Etats-Unis comme en Argentine, la presse a pété les plombs. Voici par exemple trois gros titres que nous avons retrouvés sur notre écran la semaine dernière :
CNN : « Birx avertit d’une hausse inquiétante dans 12 villes » [Andrea Birx est coordinatrice du groupe de travail sur le coronavirus, à la Maison Blanche, NDLR.]
Reuters : « Les cas de coronavirus aux Etats-Unis dépassent les quatre millions »
NBC News : « Environ 40% d’adultes risquent des complications »
Un autre chiffre choquant annonce que plus de 150 000 Américains sont morts du Covid-19.
Cela peut sembler impressionnant, mais il faut garder le contexte en tête. Chaque année, quelque 2,5 millions de personnes meurent aux Etats-Unis. Peu importe la quantité de vitamines que les gens ingurgitent ou le nombre de masques qu’ils portent, au final, le taux de mortalité est de 100%…
Même si le total des morts liées au Covid-19 grimpait à 250 000 cette année, l’Américain moyen aurait quand même 10 fois plus de chances de mourir d’autre chose. S’il meurt effectivement du coronavirus, statistiquement, il a de la chance.
En moyenne, le Covid-19 tue les personnes âgées d’environ 80 ans – soit cinq années de vie supplémentaires que pour une victime du cancer, en moyenne, et deux ans de plus que la mort toutes causes confondues, là encore en moyenne.
Par ailleurs, les maladies cardiaques et le cancer vous prennent en traître… et vous ne pouvez pas faire grand’chose pour vous protéger.
Mais le Covid-19 ? C’est une maladie infectieuse. On peut lui échapper… en évitant les autres êtres humains et en s’abstenant de manger de la chauve-souris crue.
Dans le monde moderne, cependant – avec son actualité bidon et ses politiques de fausse monnaie – chaque « crise » est une occasion pour les autorités de déclarer la guerre… et de la financer avec encore plus de faux billets.
Dilemme
Pour en revenir à l’Argentine – cela fait plus de quatre mois qu’elle est en état de siège. Les magasins sont fermés. Il y a des barrages partout sur les routes. Les bus et les trains ne circulent plus. Les entreprises ont fermé boutique.
Le pays avait commencé à rouvrir ses portes ce mois-ci… mais il est désormais pris entre le marteau et l’enclume.
Il avait tenu le virus à distance avec des mesures strictes, mais s’il les assouplit maintenant, le virus reprendra et les morts augmenteront. En revanche, s’il maintient le confinement pendant longtemps encore… la population tout entière risque de se retrouver à manger des rats.
Le confinement semble avoir permis de gagner du temps… en retardant la propagation de la maladie. Mais cette dernière n’a pas disparu – à la place, elle a attendu. Désormais, le coronavirus fait des ravages parmi les populations à risque, tel un gigolo dans un club de couture, frappant les anciens, les faibles et ceux dont le système immunitaire n’est pas à la hauteur.
Que faire ? Refermer les portes ?
« Ces gens n’ont pas beaucoup d’épargne. Ils ne sont pas riches. Ils vivent au jour le jour » – c’est ainsi que notre ami décrit ce qu’il voit autour de lui.
« A la campagne, ils s’en sortent à peu près… ils n’ont pas besoin de beaucoup d’argent pour survivre. En ville, en revanche, ils doivent pouvoir gagner de l’argent, sans quoi ils n’ont rien à manger.
« Le gouvernement a ordonné aux employeurs de continuer à verser les salaires, mais de nombreuses petites entreprises sont déjà à court d’argent. Elles n’ont pas les moyens de payer leurs factures, ni leurs employés. Chaque jour qui passe, la situation empire. Je pense que nous n’avons même pas commencé à mesurer les coûts. »
Qui se soucie des coûts ?
Mesurer les coûts ? Qu’est-ce qui se passe, les Argentins n’ont-ils pas de planche à billets ?
Comme avec tout désastre naturel, il y a des coûts à intégrer. Les ouragans… les tremblements de terre… les sécheresses – tous causent des dégâts.
Dans chacun de ces cas, une personne peut se protéger. Elle peut rester au-dessus de la zone inondable… construire une maison solide… payer une assurance… et se constituer une réserve d’épargne, de nourriture et d’eau.
Les désastres se produisent malgré tout, cependant. Généralement, tant la politique publique que les initiatives privées sont soumises à une analyse coût/bénéfice.
Combien coûtera la protection ? A quoi servira-t-elle ? Que ferions-nous plutôt avec cet argent ?
Mais pourquoi se donner la peine de calculer le ratio coût/bénéfice quand le coût n’est pas une difficulté ?
Une monnaie honnête forcerait les gens à faire des choix honnêtes – il faudrait peser les risques et décider quoi faire.
Les autorités ont préféré entrer en guerre… et créer le plus gros désastre social, économique et politique du dernier demi-siècle.