La Chronique Agora

Coronavirus : le vrai coût de la crise

Le confinement et les mesures d’urgence s’imposent – mais il est aussi essentiel de comprendre ce qu’ils signifient pour l’économie… et « l’après ».

Nous les attendions, elles sont désormais là.

De nouvelles mesures de confinement pour contrer l’épidémie de Covid-19 ont été décrétées ces derniers jours. La France rejoint désormais l’Italie et l’Allemagne dans le club des pays imposant des restrictions de circulation drastiques à leurs citoyens.

Ces mesures étaient appelées de longue date par les spécialistes. Ils savent en effet que, lorsqu’une population sans immunité est exposée à un nouveau virus, seule l’augmentation de la distance entre citoyens est à même de ralentir la contagion.

En France, le Covid-19 est sans nul doute l’épidémie la plus inquiétante qu’il nous ait été donné de voir depuis des décennies. La grippe A, très contagieuse, avait finalement été bien gérée par nos systèmes de santé. Le SRAS n’était pas parvenu jusqu’à nos frontières, et même Ebola, dont les résurgences sont fréquentes en Afrique, n’a jamais atteint la France métropolitaine.

Le coronavirus est dangereux pour la stabilité de notre société. L’arrivée brutale de l’épidémie menace de déborder notre système de soins. Il l’est aussi à titre individuel : une contamination peut être anodine comme catastrophique, que l’on soit jeune ou âgé, malade ou bien portant.

Personne ne doute, désormais, du sérieux de l’infection virale.

Un consensus s’est formé ces derniers jours en Occident pour limiter coûte que coûte la propagation de l’épidémie. Suivant l’exemple de la Chine qui a mis sous clé la province du Hubei (58 millions d’habitants) depuis deux mois maintenant, les pays européens n’ont plus peur de déranger le quotidien de leurs forces vives.

L’arbitrage entre maintien du tissu économique et lutte contre l’épidémie se fait désormais au profit de cette dernière. Seuls les magasins d’alimentation, les pharmacies, les banques et les bureaux de tabac (la protection de la santé publique est parfois à géométrie variable) sont à ce jour autorisés à ouvrir. Les déplacements des citoyens doivent être motivés : sortir de chez soi ne peut être fait que pour faire ses courses, aller chez le médecin ou aller travailler.

Nos gouvernements font preuve de la plus grande pédagogie pour expliquer l’impact sanitaire positif (et bien réel !) des mesures prises. Ils sont, cependant, totalement muets sur le coût réel de ces décisions.

La santé n’a pas de prix… mais elle a un coût

Parler du coût des mesures de santé publique est délicat, surtout en période de crise aigüe. C’est pourtant un exercice salutaire pour les épargnants, retraités et contribuables qui souhaitent savoir dans quel état sera l’économie une fois l’épidémie passée.

La rhétorique des dirigeants européens est devenue martiale. Lors de son allocution, le président Macron n’a eu de cesse de répéter que nous étions « en guerre contre le virus ». Il ne vous a pas échappé que la plupart des experts prévoient désormais que le coronavirus deviendra saisonnier comme la grippe, et que son éradication est devenue impossible.

La guerre contre SARS-CoV-2 risque fort de rejoindre la longue liste des guerres ingagnables comme celle contre la drogue, la pédophilie, ou encore le terrorisme.

Prenons un peu de recul pour voir ce qui se passe dans les coulisses de la mobilisation contre Covid-19. L’aspect médical de la lutte contre le virus étant abondamment traité dans la presse généraliste et bien loin de la spécialité des Publications Agora, nous le passons volontairement sous silence.

Concentrons-nous plutôt sur les conséquences économiques des mesures. Le sujet est mineur ? Aujourd’hui, peut-être. Demain, il aura une importance considérable pour votre épargne et votre niveau de vie.

Cachez ces dépenses que je ne saurais voir

Avec l’appui des banques centrales, les Etats font mine de prendre à leur charge le coût économique des mesures prises. L’objectif annoncé est de protéger tous les acteurs des conséquences financières de la lutte contre le virus.

Qui ne serait pas d’accord avec une telle générosité ?

Les petits commerces ne peuvent plus travailler ? L’Etat leur propose de retarder le paiement de leurs loyers (les propriétaires apprécieront). Les indépendants et micro-entreprises doivent réduire leur activité ? Des mesures compensatoires sont à l’étude. Des salariés sont au chômage partiel ? L’Etat prend en charge la majorité du coût de leur salaire.

En parallèle, les banques centrales ouvrent grand le robinet du crédit. La Fed joue désormais avec les taux zéro et la BCE, dont les taux sont au plancher depuis plus de cinq ans, reprend de plus belle ses achats d’actifs. Obligations, actions, notre banque centrale ne s’interdit rien pour éviter la chute du prix des actifs.

Au niveau macro-économique, ce tour de passe-passe est des plus inquiétants.

D’une main, l’Etat paralyse l’économie réelle. Avec les meilleures intentions sanitaires du monde, il assigne les travailleurs à domicile, limite la circulation des personnes, et empêche les consommateurs d’acheter autre chose que des produits de première nécessité.

De l’autre il se porte garant du maintien en l’état de notre tissu économique, et annonce prendre à sa charge les risques de défaut et s’opposer aux faillites.

Il manque une seule donnée à l’équation : la provenance de l’argent qui règlera l’addition.

Et à la fin, qui paye ?

En matière d’économie, les miracles n’existent pas.

Si l’économie se contracte du fait des mesures anti-Covid-19 et que l’Etat prend à sa charge ce coût, il faudra bien le financer.

Le budget de l’Etat étant structurellement déficitaire, vous savez certainement d’où viendra l’argent. Ce sera, une fois de plus, la dette qui sera mise à contribution pour éponger l’ardoise.

Ne pensez pas un instant que particuliers et investisseurs institutionnels financeront à fond perdus de nouvelles émissions obligataires. Alors que les marchés ont déjà perdu 40% par rapport à leurs sommets du mois de février, les investisseurs sont tétanisés et doivent panser leurs plaies avant d’envisager de faire des placements supplémentaires.

Si la dette publique ne trouve pas preneur auprès des particuliers et des zinzins, qui empêchera les émissions d’être un échec et les taux d’intérêt de s’envoler ? La BCE, bien sûr, qui a déjà apporté son soutien aux politiques publiques à hauteur de 120 milliards d’euros d’ici la fin d’année.

Aujourd’hui, la crise du Covid-19 exerce une pression déflationniste sur l’économie. Les consommateurs restent cloîtrés à domicile et l’appareil productif est à l’arrêt. A part sur les produits de première nécessité, il n’existe aucune tendance acheteuse.

Lorsque la poussière retombera, les centaines de milliards d’euros fraîchement imprimés par la banque centrale se retrouveront immédiatement dans l’économie réelle. Covid-19 est l’opportunité en or d’aller encore plus loin dans l’impression monétaire. Les mesures d’assouplissement quantitatif post-subprime étaient restés cantonnés à la sphère financière ? L’inflation (officielle) n’avait jamais décollé ?

Attendez quelques mois que l’économie redémarre.

La facture de cette mutualisation des pertes sans précédent dans l’Histoire sera présentée à l’ensemble des citoyens de la Zone euro sous forme d’affaiblissement de la devise. Attendez-vous à des augmentations « ponctuelles » des prix qui deviendront définitives. Attendez-vous à ce que le pouvoir d’achat de votre épargne soit, en 2021, sensiblement inférieur à celui de 2019. Attendez-vous à ce que votre épargne soit punie pour longtemps encore.

Car quand l’Etat, dans sa grande mansuétude, règle la facture, ce sont in fine les citoyens qui payent. Que le coup de matraque prenne la forme d’une hausse des impôts ou d’une inflation généralisée ne change rien à l’affaire : les dépenses publiques doivent toujours être prélevées un jour ou l’autre sur l’économie réelle…

… Et ce même si elles ont été décrétées pour les meilleures raisons qui soient.

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