La Chronique Agora

La constante américaine : toujours plus de déficit budgétaire, donc de dette publique

Républicains ou démocrates, les dirigeants américains ont recours à une seule solution, quel que soit le problème : toujours plus de dette. Et ce n’est pas près de s’arrêter… même si les résultats sont de moins en moins convaincants.

Si tout se déroule comme prévu par le Bureau du budget du Congrès américain (CBO), le déficit budgétaire US devrait atteindre 2 300 Mds$ sur l’exercice comptable 2021, ce à quoi il faut a minima ajouter les 1 900 Mds$ du plan Biden.

D’ici le 30 septembre 2021 (clôture de l’exercice comptable), le déficit budgétaire américain devrait donc tutoyer les 4 000 Mds$, soit environ 1 000 Mds$ de plus qu’en 2020 (3 100 Mds$).

Le déficit public américain avoisinera alors 18% du PIB, contre 4% et des brouettes avant le confinement.

A votre avis, où en est la dette publique américaine, sachant qu’elle se montait à 22 000 Mds$ fin 2018 ?

Voyons cela plus en détails…

Début 2021, la dette fédérale américaine a franchi la barre des 28 000 Mds$

Ce n’est pas le cours du bitcoin que représente le graphique ci-dessous, mais bien la dette fédérale américaine.

Fin 2020, la dette publique représentait environ 30% des 83 500 Mds$ de la dette globale US :

Plus des trois quarts de cette dette ont été accumulés sous les trois derniers présidents (George Bush ayant pris ses fonctions en janvier 2001) :

On pourrait encore présenter les choses en disant qu’au cours des 10 dernières années, les Etats-Unis, fondés en 1776, ont créé autant de dette publique qu’au cours des 235 années précédentes.

Aux dernières nouvelles, cette dette est toujours notée AA+ par Standard & Poor’s avec une perspective « stable », en dépit de la tendance de la pente de la courbe du graphique ci-dessus à devenir de plus en plus abrupte.

Il est vrai qu’il faut toujours prendre les chiffres nominaux avec des pincettes. Ce qui compte, c’est de remettre la dette publique dans son contexte, c’est-à-dire en pourcentage du PIB, afin d’apprécier la capacité d’une économie à la gérer.

Fin 2020, la dette globale américaine se montait à 399% du PIB. Pour ce qui est de la seule dette publique, elle atteignait, début 2021, 130% du PIB américain, après un plus bas à 31% en 1980.

L’année 2020 n’a pas aidé à faire plonger cette courbe vers le bas puisque ce sont 4 600 Mds$ qui sont venus s’ajouter sur la montagne de dette publique américaine, permettant aux USA de rejoindre au mois de septembre le club plus du tout fermé des Etats endettés au-delà de 100% de leur PIB.

A ce stade, certains d’entre vous se disent peut-être que l’efficacité de la dépense publique américaine justifie de tels excès. Well well well, I’ve got some bad news for you…

Le multiplicateur budgétaire américain n’en finit plus de baisser

Eh oui ! Comme l’écrit Charlie Bilello, « nous empruntons à un rythme plus rapide que le rythme de croissance de l’économie, et ce depuis un bon bout de temps ».

A vrai dire :

« En moyenne, au cours des 15 dernières années, la dette publique américaine a augmenté à un taux de 8,6% par an, alors que la croissance économique américaine (PIB nominal) n’a augmenté que de 3,2% par an. »

Voici à présent un graphique proposé par Lance Robert qui illustre la décroissance de l’efficacité de la dépense publique depuis le milieu des années 1960.

Lorsque la courbe verte se situe au-dessus de 1, alors un dollar d’argent public dépensé permet de créer plus d’un dollar de PIB supplémentaire [N.B. : la dépense publique n’en n’est pas optimale pour autant, puisque le même dollar dépensé par le secteur privé aurait peut-être été tout aussi efficace, voire plus].

Lorsque la courbe verte est en-dessous de 1, c’est le contraire.

Qu’observez-vous ?

Non seulement la pente de la courbe verte est négative depuis le début des années 1980, ce qui indique que la dépense publique américaine a des résultats de moins en moins efficaces en termes de croissance économique – mais l’efficacité même de la dépense publique est négative depuis le début des années 2010. Cela signifie qu’un dollar dépensé par l’Etat aboutit à moins d’un dollar de PIB.

Mon commentaire sera lapidaire : sur le plan de l’efficacité économique, c’est la cata.

Etats-Unis : toutes les routes mènent à plus de dépense publique, donc à plus de dette

Dans un rapport publié le 16 février (avant le vote du plan Biden, donc), la Commission budgétaire du Congrès US (CBO) indiquait que d’ici 30 ans, le montant de la dette publique par rapport au PIB devrait doubler pour atteindre non plus 140% du PIB comme il était encore prévu en juillet 2019, mais 202% en 2051.

Ne vous imaginez pas que la situation serait susceptible de changer selon que les républicains ou les démocrates seraient aux manettes, ou bien que l’économie serait en période d’expansion plutôt qu’en période de récession.

Charlie Bilello a passé tous les facteurs en vue pour vous et le modèle américain ne connaît qu’une seule constante : la dette.

Vous êtes sceptique ? Voyez donc : entre juin 2009 et février 2020, les Etats-Unis ont bénéficié de la plus longue expansion économique de leur histoire.

Quel secrétaire au Trésor a envisagé ne serait-ce qu’un instant de présenter un budget à l’équilibre ? Aucun. Au cours de cette période, la dette publique a doublé, passant de 11 500 Mds$ à 23 400 Mds$.

Arrive le coronavirus. Quelle a été la réaction des démocrates comme des républicains ? Confiner la population et dépenser comme un jour sans lendemain.

Pour creuser la dette publique, les partis traditionnels sont tous d’accord – et ce n’est malheureusement pas une spécificité américaine. Comme l’écrit Charlie Bilello : « embarquons tous dans le train de l’argent gratuit. Prochain arrêt : 29 000 Mds$. »

Faut-il s’inquiéter ?

Pour le CBO, il n’y a aucune raison de se faire du souci. En tout cas pas pour le moment :

« Le risque de crise budgétaire semble être faible à court terme malgré les déficits et la dette plus élevés découlant de la pandémie. […] Néanmoins, la dette beaucoup plus élevée à terme augmentera le risque de crise budgétaire dans les années à venir. »

Si on prend un peu de recul, on constate avec cette prévision du CBO qu’en comparaison du PIB, la dette fédérale américaine est en train de renouer avec son plus haut historique, atteint lors de la Deuxième guerre mondiale.

Toujours selon le CBO, d’ici 2050, cette dette pourrait avoir doublé en comparaison de la taille de l’économie américaine.

Le beau programme que voilà…

J’ignore si la dette fédérale américaine se montera à 202% du PIB et 2051 ou non. Ce que je sais en revanche, c’est que la cavalerie n’est pas près de s’arrêter… puisque la dette pèsera (au moins) 2 000 Mds$ de plus l’année prochaine.

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