La Chronique Agora

Réglementations : quand la complexité politique freine la croissance

Plus les gouvernements interviennent, plus la liberté économique se rétrécit – et la prospérité avec elle.

Dans notre quête incessante de reductio ad simplicitas – rendre les choses aussi simples que possible pour mieux les comprendre et les suivre – nous arrivons à une conclusion claire : plus un pays multiplie les politiques, plus il s’appauvrit. Et son corollaire : les politiques changeantes et discrétionnaires sont encore pires que celles gravées dans la loi.

Vous vous êtes peut-être déjà posé la question : comment se fait-il que la croissance du PIB américain ait ralenti depuis la Seconde Guerre mondiale ?

Pourtant, le pays a été dynamisé par des vagues d’immigrants, chacun contribuant aux ventes, à la production et au PIB. Il a profité d’innombrables innovations et découvertes. Internet a démultiplié l’accès à l’information. Les politiques de libre-échange (jusqu’à récemment) ont ouvert aux Etats-Unis un vaste marché mondial : un espace où vendre leurs produits et services, et où acheter ceux que d’autres fabriquaient plus efficacement.

Plus de brevets, plus de doctorats, plus de population… Autant de facteurs censés nourrir la croissance. Et nous avons appris tant de choses sur la gestion des entreprises et des pays. Alors, comment expliquer qu’avec autant d’atouts, la croissance économique ait ralenti ?

Dans les années 1950 à 1990, la croissance annuelle moyenne du PIB américain tournait autour de 4 %. Aujourd’hui, elle n’est plus que d’environ 2 %. Elle a été divisée par deux.

Nous avons d’abord exploré la piste monétaire. Aujourd’hui, nous en mettons en lumière une autre, tout aussi évidente.

Depuis 1971, les Etats-Unis fonctionnent avec une monnaie artificielle, aisément manipulable à des fins politiques. Les dirigeants préfèrent les taux d’intérêt bas : ils donnent une illusion de prospérité et favorisent leur réélection.

Mais ces taux bas stimulent l’endettement ; autrement dit, ils transfèrent la croissance future du PIB (celle de demain) vers le présent. Nous empruntons aujourd’hui en comptant sur nos revenus futurs pour rembourser.

Or, plus de cinquante ans plus tard, nous vivons désormais dans ce futur dont la croissance a déjà été consommée. Nous portons encore la dette des ventes passées… sans en avoir les bénéfices. Même si nous ne remboursons pas tout, nous payons les intérêts, ce qui détourne une part croissante du PIB actuel vers des dépenses déjà réalisées.

Et la situation risque de s’aggraver.

La Fed est censée rester indépendante du calendrier électoral, mais Donald Trump y a récemment placé son « homme des taux bas », Stephen Miran, appelé à succéder à Jerome Powell l’an prochain. Trump déclare ouvertement vouloir nommer davantage de fidèles pour s’assurer que la Fed suive ses consignes. Une Fed politisée, proche de celles du Zimbabwe, du Venezuela ou de l’Argentine, prête à « imprimer » autant d’argent que les politiciens l’exigeront.

Mais l’argent n’explique pas tout. Il y a aussi la dérive réglementaire.

Comme nous le notions hier : plus vous avez de politiques publiques, moins vous êtes libre de mener vos propres politiques. A mesure que les gouvernements grossissent, vieillissent et tombent sous le contrôle des élites, ils produisent toujours plus de règles et de contraintes.

L’exemple de l’empire austro-hongrois est éloquent : à la fin, un tiers de la population travaillait pour l’Etat. Le Code fiscal tenait en trois énormes volumes, imprimés sur du papier fin à deux colonnes, et le Parlement débattait en quinze langues officielles, parfois incomprises de la majorité des délégués.

Les Etats-Unis ne sont pas aussi baroques, mais leurs politiques fédérales n’en sont pas moins étouffantes. Elles paralysent souvent l’action, ou la rendent plus lente et plus coûteuse. Et, comme toujours, quand la bureaucratie prospère, l’économie s’essouffle.

Toutes ces politiques, mises en œuvre par une armée de fonctionnaires, sont consignées dans le Federal Register. En 1980, il comptait 70 000 pages. L’an dernier, il en comptait 107 000. Chacune d’elles impose une règle, une interdiction, une procédure.

Elles précisent à quelle hauteur empiler le fumier, à quelle distance du sol placer un siège de toilettes, ou encore comment une banque doit réagir lorsqu’elle soupçonne un client de blanchiment. La liste des obligations et interdictions semble infinie.

Pour les grandes entreprises, ces coûts administratifs et de conformité s’additionnent. Pour les petites, sans juriste aguerri, c’est un labyrinthe presque impossible à suivre.

Et comme un parcours de golf semé de 87 pièges, cette complexité multiplie les obstacles et les occasions manquées.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile