La Chronique Agora

Le complexe militaire/industriel/espions/médias

L’industrie qui se cache derrière les guerres éternelles de l’empire, et ceux qui en profitent pour se faire une fortune.

« Est-ce vraiment nécessaire d’attaquer Koursk, et qui plus est, dans l’Est cette année ? Pensez-vous que les gens savent où se situe Koursk ? Le monde entier n’en a que faire de si l’on capture Koursk ou pas. Quelle est la raison qui nous pousse à émettre une offensive contre Koursk cette année, ou plus encore, sur le front Est ? » – Général Heinz Guderian.

Les chefs militaires sont souvent des imbéciles. Les dirigeants civils le sont aussi. Et lorsqu’ils se réunissent, ce qui s’ensuit est rarement bienvenu. Le complexe militaro-industriel prend toutes les décisions, et elles sont souvent fatales.

Les Etats-Unis approchent ce qui promet d’être la crise la plus largement anticipée et la plus facile à éviter de leur Histoire. Leur dette s’élève à 34 000 milliards de dollars. Bientôt, selon les prévisions actuelles, la dette passera à 40 000 milliards de dollars, puis à 50 000 milliards de dollars. Aucune nation n’a jamais survécu à un endettement aussi important, du moins pas sans faillite, dépression, grave inflation, révolution ou guerre… et parfois tout à la fois.

Ce qui suit explique pourquoi, selon nous, les Etats-Unis ne feront pas exception.

Règles consensuelles

Heinz Guderian n’était pas un idiot. C’est lui qui a inventé la Blitzkrieg, l’utilisation de chars sans soutien d’infanterie pour perturber les communications de l’ennemi et créer la panique au sein de ses troupes.

Il est né dans l’actuel Chelmno, en Pologne. Mais c’était encore un territoire prussien lorsqu’il est venu au monde. Et les Prussiens l’avaient conquis bien des siècles auparavant. Tenaces. Intelligents. Ils constituaient l’épine dorsale de la classe des officiers de la Wehrmacht. Ils étaient aussi ceux qui avaient le plus à perdre dans la guerre menée par Hitler contre les Soviétiques. Leur patrie se trouvait à l’est, là où elle était la plus vulnérable face à l’Union soviétique.

La famille de Guderian a perdu sa maison lorsque la Pologne a repris le contrôle de la région après la première guerre mondiale. Puis, en 1939, Guderian a pris le commandement du corps de la XIXe armée, a mené une offensive en Pologne et a « libéré » le territoire de son enfance.

Depuis l’avènement des sociétés civilisées, un problème majeur s’est posé : comment garder des personnes comme Heinz Guderian sous contrôle ? Par définition, les sociétés civilisées (comme la nôtre) préfèrent régler leurs affaires sans violence. Elles s’appuient sur des « règles consensuelles » et non sur la force brute. Les gens se mettent d’accord sur les lois et les règlements qu’ils suivront. Ils conduisent à droite ou à gauche. Les femmes sont autorisées à se montrer en public sans foulard ou non. Ils votent pour leurs dirigeants ou pas. Etc.

Les armées sont destinées à projeter la violence, et non la civilisation. Elles sont les muscles de l’Etat. On attend d’elles qu’elles tuent ou qu’elles soient tuées afin de promouvoir l’agenda du gouvernement. Mais dans le monde moderne, leurs orientations vers le meurtre et la destruction sont censées être contrôlées par un commandement civil.

La capitulation inconditionnelle

C’est ce qui ne s’est pas produit en Allemagne nazie. Le pouvoir militaire et civil étaient centralisés en la personne d’Adolf Hitler, qui revêtait l’uniforme gris foncé en septembre 1939. C’est ainsi que le général Heinz Guderian s’est trouvé subordonné à l’ancien caporal, devenu Führer.

En 1943, Hitler insistait pour que ces tanks attaquent les soviétiques à Koursk. Guderian s’est opposé à cette campagne. Après des mois de préparation et d’hésitation, il n’y avait que peu d’espoir de réussite. Les Soviétiques avaient déjà les plans de bataille allemands et s’y étaient préparés. Les Soviétiques pouvaient simplement laisser les Allemands s’épuiser contre leurs défenses, puis, avec plus de chars et d’hommes que la Wehrmacht ne pouvait en mettre sur le terrain, ils contre-attaqueraient. Et c’est ce qui s’est passé.

A ce moment-là, les nazis étaient en train de perdre la guerre. Les Alliés avançaient en Sicile… et l’Italie vacillait, se préparant à pendre Mussolini à un lampadaire et à accueillir les troupes d’invasion américaines. La seule vraie question était de savoir quand et comment la fin arriverait.

Hitler était clairement un obstacle à toute solution décente… non seulement via ses commandements militaires d’amateur, mais aussi en empêchant un règlement négocié. En janvier 1943, F.D Roosevelt a annoncé que les alliés n’accepteraient qu’une « capitulation inconditionnelle ».

Pourtant, si l’Allemagne s’était débarrassée du Führer, avait ramené ses troupes en Allemagne et avait promis de ne plus jamais entrer en guerre, il aurait peut-être été possible d’éviter la capitulation totale et l’occupation.

Les empereurs, les rois et les parlements ont toujours eu du mal à garder leurs combattants en ligne. Les garder sur le terrain coûtait cher. Et il était dangereux de les garder trop près de chez soi. Un général puissant pouvait mener un coup d’Etat contre les autorités civiles. C’est pourquoi César n’était pas censé venir à Rome à la tête de son armée ; les troupes devaient rester de l’autre côté du Rubicon.

César était populaire auprès de ses troupes. Mais même lui a dû faire face à une mutinerie, qu’il a su gérer sans heurts.

Une influence injustifiée

Après avoir pris le contrôle de la majeure partie de l’Angleterre, Guillaume le Conquérant est retourné en Normandie, laissant son nouveau royaume à des subordonnés de confiance. Hélas, l’armée s’était déchaînée, violant, pillant et saccageant une grande partie du sud de l’Angleterre. Guillaume revint pour y mettre de l’ordre, mais les Anglais étaient alors si furieux qu’ils se sont rebellés… ce qui a conduit à une nouvelle guerre encore plus coûteuse.

Charles Quint, empereur du Saint-Empire romain germanique en 1527, était peut-être un commandant moins habile : ses troupes se sont déchaînées. Le fait qu’il ait négligé de les payer n’avait pas arrangé les choses. Elles ont attaqué Rome, pillant, enlevant, tuant. Le pape Clément VII s’est enfui au Château Saint-Ange. Il a survécu en payant une rançon aux troupes mutinées. Mais sa garde suisse a été annihilée.

Qu’est-ce qui permet à un gouvernement civil de contrôler son armée ? L’argent. Du vrai argent. Les gouvernements contrôlent généralement les recettes fiscales et s’en servent pour tenir leurs combattants en laisse. Mais lorsque les Etats-Unis sont passés à un système axé sur une « fausse » monnaie (qu’ils pouvaient créer en quantités apparemment illimitées), ils ont également lâché les chiens de guerre.

Les budgets du Pentagone ont augmenté, même après 1991, lorsque l’Union soviétique s’est dissoute. Le complexe militaro-industriel s’est ainsi retrouvé avec des milliards de fonds « excédentaires », qu’il a utilisés pour suborner le Congrès et corrompre les médias, les groupes de réflexion et les universités.

En avertissant que l’industrie de l’armement pourrait bientôt exercer une « influence injustifiée » sur le gouvernement civil, Eisenhower n’a pas simplement répandu une « théorie du complot ». Il a simplement observé une tendance. Les groupes puissants veulent plus de pouvoir. Et s’ils ne sont pas contraints, ils l’obtiendront.

L’argent réel est utilisé pour limiter les dépenses du gouvernement – y compris le trou à rats numéro un dans lequel l’argent s’engouffre, à savoir l’industrie de l’armement.

Après 1971, le Congrès, richement influencé par les fournisseurs de matériel militaire, a voté une augmentation après l’autre. Les hommes politiques ont essayé de se surpasser les uns les autres en se montrant « forts en matière de défense ». Et aujourd’hui, ce ne sont pas les dirigeants civils qui tiennent leurs tireurs en échec, c’est le complexe militaire/industriel/espions/médias qui empêche les autorités fédérales de prévenir la catastrophe à venir.

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