La Chronique Agora

Comment l'industrie de la finance fonctionne-t-elle ?

** En novembre dernier, la banque Wachovia valait plus de 100 milliards de dollars. Il y a deux semaines de ça, elle valait 20 milliards de dollars — après avoir admis des pertes de plus de huit milliards au second trimestre. Mais youpi… la semaine dernière, elle était revenue à 37 milliards de dollars.

* Que se passe-t-il ? Eh bien, de nombreuses personnes vous diront que les banques font leur grand retour. N’en croyez rien. Le boom de la finance est bel et bien terminé. Deux autres banques américaines ont fait faillite ces derniers jours — First Heritage, de Californie, et First National, du Nevada.

* Même les survivants ne reviendront pas aux glorieux sommets qu’ils occupaient il y a un an ou deux. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils ne connaîtront pas des rebonds spectaculaires. Comme on dit à Wall Street, même un chat mort peut rebondir. Mais il faudra pas mal de temps avant que les grandes banques engrangent à nouveau des profits similaires à ceux qu’elles enregistraient en 2003-2007 — alors qu’elles gagnaient des milliards en prêtant à des gens qui ne pouvaient se permettre de rembourser.

* Permettez-nous de vous expliquer comment l’industrie financière fonctionnait. Un homme empruntait de l’argent à un autre homme, qui empruntait cet argent à un autre homme, qui empruntait l’argent à la Fed, à un taux plus bas que le taux d’inflation des prix à la consommation du moment. Ensuite, le prêteur encaissait des profits sur la transaction et s’accordait un bonus… tout en vendant le prêt à quelqu’un d’autre, suite à quoi tous deux encaissaient des profits et s’accordaient d’autres bonus. Le prêt était alors agrégé à d’autres crédits infectés de la même manière, Moody’s lui accordait une notation AAA, et il était revendu — à nouveau, tout les intervenants de la transaction, femme de ménage comprise, encaissaient des profits et s’attribuaient une prime.

* Durant les quatre années qui ont précédé le credit crunch, les grandes banques de Wall Street se sont versé 250 milliards de dollars de bonus. Personne ne semblait se soucier du fait que la source de toute cette richesse était en majeure partie une escroquerie… et que les véritables profits ne seraient jamais réalisés. A présent, les banques font passer les mauvais prêts en pertes et profits… et font la manche auprès des contribuables. Mais personne n’a jamais proposé de restituer les primes, pour autant que nous en sachions.

* Bien entendu, ce n’est là que le génie du capitalisme anglo-saxon moderne — les institutions les plus capitalistes transforment leurs capitaux en primes. Puis, lorsqu’elles sont dans le pétrin, elles font appel aux contribuables. Bien entendu, ces derniers ont eux aussi dépensé tout leur argent. L’Américain moyen a de la chance s’il peut faire le plein — en payant par carte de crédit ! Voilà pourquoi Henry Paulson tient tant à tromper son monde. Il sait que si les étrangers se rendent compte de l’arnaque menée par les Etats-Unis, ils cesseront de lui prêter de l’argent. Et là, Wall Street, Washington et le lumpenconsommateur américain seront tous dans les ennuis jusqu’au cou.

** Le lumpenménage américain de base, d’ailleurs, prend des coups de toutes parts. L’inflation le frappe d’un côté… tandis qu’une crise déflationniste le cogne de l’autre.

* Ce week-end, deux titres ont retenu notre attention dans le Financial Times :

* "EDF augmente le prix de l’électricité de 17%", disait l’un.

* "Selon les analystes, l’économie se contracte", rapportait l’autre.

* Comment un géant de l’électricité peut-il augmenter ses prix durant un ralentissement ? Les saisies atteignent deux fois le niveau de l’an dernier aux Etats-Unis. Et les propriétaires de maisons ont de plus en plus de mal à refinancer. Alors que les taux hypothécaires grimpent et que les prix des maisons chutent, seuls 3% des propriétaires se qualifient pour un refinancement, selon une étude, contre 30% il y a un an. Et on n’en est qu’à la moitié du chemin — selon les estimations de Nouriel Roubini. Selon lui, les pertes liées au crédit atteindront entre 1 000 et 2 000 milliards de dollars, et la récession durera au moins un an.

** Et le pétrole ? Il est passé sous les 125 $ la semaine dernière. L’or noir a-t-il atteint son sommet ? Peut-être. Mais comme nous l’avons expliqué, la bulle pétrolière ne ressemble pas à celle des bulbes de tulipes ou des dot.com. Le pétrole est probablement la matière première la plus précieuse du monde moderne. Pour autant que nous puissions en juger, le nombre de gens qui en veulent est en train de grimper, tandis que la quantité disponible à la vente est en train de baisser. Le cours du pétrole pourrait grimper. Il pourrait baisser. Mais il ne va pas disparaître. Et en fin de compte, le prix réel du pétrole a toutes les chances de rester plus élevé que son cours de 2003. Voilà pourquoi les sociétés comme EDF augmentent leurs prix… et les compagnies aériennes perdent de l’argent. Tous espéraient que les prix du pétrole diminueraient rapidement. Ce n’est pas le cas. Et ils n’iront probablement pas bien loin à la baisse — même si le sommet a été atteint pour ce cycle.

* Le monde entier tangue sur une mer de cash agitée — si bien qu’il est difficile de déterminer ce que valent vraiment les choses. Le dollar a un peu grimpé la semaine dernière — mais il n’est pas pour autant ce qu’on appellerait une devise "forte".

* Pourtant, le secrétaire au Trésor US Henry Paulson affirme qu’un billet vert fort est "très important" pour les Etats-Unis. Le chef du trésor comprend à quel point les USA dépendent de la bonté des étrangers ayant des devises familières en poche. On trouve environ 13 000 milliards de dollars en-dehors des Etats-Unis, affirme Jim Rogers. Et les états du Golfe à eux seuls ajoutent 1 000 milliards de dollars dans leurs coffres tous les jours. Si ces étrangers décidaient de se débarrasser du dollar… le chaos s’ensuivrait sur les marchés des changes. Le dollar s’effondrerait… et les Etats-Unis se retrouveraient incapables d’emprunter l’argent dont ils ont désespérément besoin pour continuer à vivre au-dessus de leurs moyens.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile