La Chronique Agora

C'est en vacances qu'on fait le véritable travail

** Les jours les plus heureux sont les plus tristes ; les périodes les plus simples sont les plus difficiles ; c’est en vacances qu’on fait le véritable travail. La majeure partie de l’année, nous avons le nez dans le guidon, travaillant, allant à l’école, faisant ce que nous avons à faire. Puis, durant les vacances, nous regardons autour de nous — et voilà que le monde a changé.

* La crise du crédit se poursuit. Les défauts de paiement sur CDO augmentent ; la valeur des CDO est "en chute libre", selon le Financial Times.

* Ce dont on a besoin aux Etats-Unis, annonce un article de l’International Herald Tribune, c’est d’une "longue période de frugalité". Ca ne fait pas un doute. Grâce en grande partie à des politiques de crédit imprudentes et malhonnêtes de la part de la Fed de Greenspan, plus de gens ont commis plus d’erreurs financières qu’à tout autre moment de l’histoire. Il faudra des années et des années d’économies de bouts de chandelle pour les corriger. Inutile de vous dire ce que cela signifie ; moins de dépenses = moins de croissance du PIB = récession. Une longue et lente récession à la japonaise.

* Bon nombre d’investisseurs parient désormais que toute l’économie mondiale sombrera dans une douce sieste nipponne. Ils achètent des dollars… et des bons du Trésor US… pour s’en protéger. Mais nous avertissons nos lecteurs qu’il y a de grosses différences entre les Etats-Unis et le Japon… entre le dollar et le yen… et entre l’économie mondialisée de 2008 et la Japan, Inc. de 1990. En deux mots, le Japon pouvait se reposer sur un lit d’épargne douillette et dormir durant une décennie ou deux. Lorsque les Etats-Unis sont mis à mal, en revanche, les Américains tombent sur le béton froid et dur de la dette. Plutôt que de vivre sur le crédit qu’ils ont accumulé au cours des 20 dernières années, ils devront rembourser la dette qu’ils ont contractée.

* Les Etats-Unis enregistrent toujours un déficit commercial de deux milliards de dollars par jour environ. Afin de continuer à financer ce gouffre, ils doivent garantir au reste du monde que le dollar sera au moins aussi solide, à l’avenir, qu’il l’a été par le passé. Mais durant une crise sévère, la pression se fera de plus en plus forte, poussant les autorités à laisser le dollar glisser.

* Tout au long des années 90, les Japonais ont maintenu une balance commerciale positive… et un yen fort, avec des prix à la consommation en baisse. Le Japon a essayé de stimuler l’économie en accumulant des déficits budgétaires colossaux et en prêtant de l’argent à taux zéro. L’économie ne s’est pas reprise ; elle ne s’est pas effondrée non plus.

* Mais lorsque les autorités chercheront désespérément à ressusciter l’économie américaine — si on en arrive là — les résultats pourraient être calamiteux. Nous verrons bien ce que ça donne…

** Cette semaine, Henry nous a quittés pour aller à l’université. Est-il prêt à se débrouiller seul ? Se laissera-t-il distraire par la vie sur le campus ? Se lèvera-t-il le matin et travaillera-t-il sans avoir sa mère sur le dos ? Va-t-il perdre son passeport ?

* Nous avons passé les 18 dernières années à l’y préparer ; mais lorsque le jour de son départ est arrivé, nous n’étions pas prêt.

* Il a dit au revoir à ses deux grand-mères… à ses frères… aux nièces qui séjournent chez nous cet été… à Damien, le jardinier… au cuisinier… aux amis et cousins… puis son père et sa mère l’ont emmené à la gare. La gare était déserte. Henry a acheté son billet et s’est assis avec nous à l’extérieur de la salle d’attente, face aux rails.

* "Tu va nous manquer", a dit son père. "Il reste pas mal de volets à peindre…"

* Sa mère restait silencieuse. Elle a passé la main dans ses cheveux bruns et bouclés. Elle lui a tapoté l’épaule. Le soleil se reflétait sur les sièges d’acier poli comme dans un miroir. Elle a tourné la tête pour éviter d’être éblouie, puis a regardé Henry une nouvelle fois…

* Après quelques minutes, le moment redouté est arrivé ; nous avons vu le petit train bleu arriver. Henry s’est levé, a rassemblé ses deux sacs. Son père l’a serré dans ses bras. Sa mère lui a posé un baiser sur chaque joue. Il est monté dans le wagon, où il a pris sa place tandis que nous nous tenions sur le quai. Un jeune homme maussade se tenait dans l’encadrement de la porte du train, cigarette à la bouche. Il fumait rapidement, jusqu’à ce que chef de gare siffle le départ. Après avoir pris une dernière bouffée, il a jeté le mégot sur les rails et la porte s’est fermée.

* Le train a commencé à rouler. La vitre était teintée, si bien que nous arrivions tout juste à voir les gens se trouvant à l’intérieur. Puis nous l’avons revu… Henry nous a fait signe de la main… et le train a accéléré.

* "Tout se passera bien…", avons-nous dit, en escortant Elizabeth vers la voiture.

* Mais elle était en larmes… non parce qu’elle doutait qu’Henry puisse se débrouiller tout seul, mais parce qu’elle savait qu’il en était capable.

* "J’aurais dû aller avec lui. Je voudrais qu’il n’ait pas à partir du tout", a déclaré sa mère. "Certaines femmes se sentent libérées quand leurs enfants quittent la maison. Elles sentent qu’elles peuvent enfin faire ce qu’elles veulent. Ce n’est pas du tout mon cas. J’ai l’impression d’avoir été renversée par un bus".

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