La Chronique Agora

Une bulle de plus

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Le système géopolitique mondial semble reposer sur une bulle, comme le système financier. Que se passera-t-il si elle éclate ?

Pour moi, c’est une évidence depuis le premier jour et le déroulement des événements, à ce jour, le confirme sans doute aucun : la Russie ne peut pas être battue en Ukraine.

Face à la puissance militaire russe, l’Ukraine ne peut offrir que des tentatives plus ou moins terroristes du type Daech. Le conflit ne dure que par l’espoir sans cesse entretenu d’une future arme miracle. C’est un truc, un gadget plus qu’une véritable tactique militaire.

Bien entendu, si les événements devaient tourner, je m’empresserais de changer d’avis : quand le réel change, il faut savoir changer de scénario.

Le moment où tout bascule

Ceci étant posé, la question centrale que ne se posent pas les marchés c’est : que se passera-t-il si la bulle militaire occidentale éclate, si le réel prend le dessus et que l’imaginaire se fracasse ?

Voilà la question prioritaire et – c’est incroyable – je ne vois personne s’en préoccuper.

L’idée superficielle est soit que cela ne se produira pas, soit que ce sera comme l’Afghanistan c’est-à-dire que cela sera noyé sous la com’, et rapidement oublié.

Ce n’est pas mon pari.

Une fenêtre de criticité est ouverte ; pas très loin dans le temps logique du système, il y a la falaise de Sénèque.

Attention, ce n’est pas une prévision ; c’est l’évocation d’une terrible possibilité. Évocation d’un cas possible.

Une fenêtre de fragilité est ouverte dans le système mondial, et un choc comme celui qui est envisagé ci-dessus peut très bien provoquer une réaction chaotique.

Cela veut dire que l’événement constitué par l’échec militaire peut avoir un retentissement qui dépasse les effets anticipés réels ; il peut y avoir catalysation, résonance, effets multiplicateurs, non linéarité. Pour parler vulgairement : la mayonnaise peut prendre.

Le système fondé autour de l’hégémonie du dollar ne repose plus sur la vertu ou la croyance en la vertu ; non, il repose sur l’inverse, à savoir qu’il n’y a plus de vertu et plus de limite, que l’on pourra toujours continuer à avilir car il n’y a pas d’alternative ; c’est le système TINA.

Cette croyance, cette certitude sont devenues un invariant de base du système, comme en 2008 l’était la croyance en la hausse perpétuelle de l’immobilier…

Une crise c’est la rupture d’un invariant qui était ancré dans une croyance.

Le système dans sa phase finale actuelle repose sur l’absence de limite depuis 20 ans et il dure à cause de cela ; cette croyance en l’absence de limite, est complétée ou déclinée par le fameux mythe qu’un pays qui crée sa propre monnaie et s’endette dans cette monnaie ne peut faire faillite.

Tant que tout roule…

C’est un mythe bien sûr, car si le pays est en difficulté de paiement, insolvable, et que le prix qu’il doit payer pour rouler ses dettes monte et qu’il essaie de payer ses dettes par la planche à billets, il accélère la fuite devant ses dettes, devant ses actifs financiers et devant sa monnaie, il se Weimarise !

Le plus important, c’est non pas le mythe mais la question de l’absence de limites au « roulement », à la reproduction du système américain.

Le système se perpétue parce que les limites peuvent être franchies sans conséquences ; le système américain peut « rouler » ses dettes, il peut accumuler déficits sur déficits, il peut dériver budgétairement, fiscalement, extérieurement, il n’y a plus de statue du commandeur en aucune matière. Tout glisse, tout descend la pente.

C’est d’ailleurs pour cela que les dérives s’accélèrent et que l’on est en phase finale. Les limites à la dérive d’un système permettent de contrôler sa destruction, d’étaler mais l’absence de limite fait qu’il se lance dans le mur ou le gouffre tout seul.

C’est le problème du capitalisme qui, depuis la fin des syndicats et du modèle soviétique, est devenu fou, sans retenue, débridé, sans frein et ainsi précipite ses contradictions et sa destruction finale en tant que système historique.

Donc si vous me suivez, toutes les limites sont franchies – et pire, oubliées –, le système est livré à la fois aux forces de destruction et d’accélération. Un canard sans tête.

Mais que peut-il se passer si, de façon significativement historique, quelqu’un à l’extérieur du système donne un signe puissant que des limites sont atteintes, que les croyances à la toute-puissance sont erronées et injustifiées ?

Je livre cette interrogation à votre sagacité.

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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