Même si les faillites du printemps ont été contenues, le système bancaire américain pourrait n’être qu’un château de cartes prêt à s’écrouler…
Le problème, c’est les dépôts. Jusqu’à récemment, les banquiers ne s’inquiétaient jamais de savoir si leurs clients laisseraient leur argent à la banque. Une fois un dépôt réalisé, les fonds étaient rapidement prêtés, en dépit du fait que les déposants avaient normalement la possibilité de retirer à tout moment leur argent s’il était placé sur un compte à vue. Ainsi, les déposants croyaient avoir à leur disposition des fonds qui étaient en fait déjà utilisés par les emprunteurs. Dès les années 1970, Murray Rothbard qualifiait ce système de frauduleux.
Nous sommes à présent en 2023 et Scott Hildenbrand, directeur de la stratégie financière de la banque d’investissement Piper Sandler, a donné son avis sur le sujet à Joe Weisenthal et Tracy Alloway, dans le podcast Odd Lots sur Bloomberg :
« Si vous m’aviez invité ici il y a 5 ans et que l’un de vous deux m’avait annoncé ‘Il existe une banque qui ne fait qu’acheter des bons du trésor américain et dont la totalité des dépôts sont sur des comptes à vue. Oh, et soit dit en passant, elle va faire faillite’, je vous aurais littéralement ri au nez et je ne serai jamais revenu. Je vous aurai surement dit ‘vous êtes totalement dingues’. »
Finalement, Rothbard n’était peut-être pas totalement fou.
Deux changements dangereux pour les petites banques
Hildenbrand était interviewé sur Odd Lots pour expliquer à quel point la situation est difficile pour les petites banques locales. Une grande banque comme JPMorgan bénéficie de nombreuses sources de revenus, mais les banques locales doivent collecter des dépôts, les prêter et vivre sur le différentiel de taux. Le cas de la Silicon Valley Bank « n’avait rien à avoir avec le scénario du film La Vie est belle ou la façon dont la Washington Mutual s’est effondrée : 42 Mds$ ont été retirés en l’espace de 3 heures. Voilà ce qui est arrivé ».
Hildenbrand souligne également un fait qui est rarement évoqué : les banques ne gagnent pas d’argent en prêtant, elles gagnent de l’argent car « elles ne rémunèrent pas les dépôts au taux d’intérêt du marché ». Généralement, les banques ne rémunèrent même pas les dépôts réalisés sur des comptes à vue. C’est ainsi qu’elles réalisent l’essentiel de leur marge bénéficiaire.
Auparavant, ce n’était pas un problème. Mais deux changements dont les banquiers n’ont pas compris l’impact ont complètement remis en cause ce modèle… Cliquez ici pour lire la suite.
Auparavant, cela n’était pas un problème car leurs clients étaient fidèles. Les banquiers pouvaient compter sur le fait que leurs clients conserveraient des fonds sur leurs comptes à vue. Mais ce n’est plus forcément le cas aujourd’hui. D’après Hildenbrand, l’argent circule beaucoup plus rapidement pour deux raisons principales : les nouvelles technologies et les changements générationnels.
Autrefois, les clients des banques leur étaient fidèles mais accordaient difficilement leur confiance. D’après Hildenbrand, au contraire, de nos jours « les clients ont facilement confiance. Ils n’ont pas peur de déplacer des sommes importantes par téléphone. Ils ne connaissent même pas le nom de leur banque avec laquelle ils réalisent des opérations […] Ils peuvent déplacer leurs fonds extrêmement rapidement dans une nouvelle banque. Mais ils n’ont quasiment aucune loyauté. Et c’est pour cela qu’aujourd’hui nous rencontrons des difficultés pour déterminer comment gérer et protéger notre bilan face à cette problématique de volatilité des dépôts ».
A la recherche du meilleur taux
Les banquiers n’ont pas compris l’impact des nouvelles technologies, des réseaux sociaux et des changements générationnels sur la volatilité des dépôts, en particulier dans un environnement de hausse des taux d’intérêt. Il y a encore une ou deux décennies, quasiment la totalité des dépôts réalisés dans les banques locales américaines étaient placés sur des comptes à terme (CAT). Et, comme l’explique Hildebrand, « cela donnait du temps aux banques ». A présent, les banquiers ne bénéficient pas d’autant de temps en raison des changements générationnels.
Hildebrand a fait passer des entretiens d’embauche à de nombreux jeunes venus à New York pour débuter une carrière dans le secteur bancaire. Aussi intelligents soient-ils, Hildebrand ne peut s’empêcher de les railler : « J’avais toujours une question à laquelle ils ne peuvent pas répondre. Savez-vous ce qu’est un CAT ? Et aucun d’entre eux n’en avait jamais entendu parler. »
Un CAT est un produit d’épargne qui génère des intérêts sur une somme placée pendant une durée fixée contractuellement. En cas de déblocage des fonds avant l’échéance prévue du CAT, le client risque de perdre tout ou partie des intérêts capitalisés, voire de payer des pénalités. En contrepartie de cette perte de liquidité, les CAT offrent généralement des taux d’intérêt supérieurs à ceux d’un compte épargne classique.
De nos jours, comme l’explique Hildebrand, « les gens veulent bénéficier du taux de rendement d’un CAT, mais avec la liquidité du marché monétaire et la facilité de gestion d’un compte à vue […] Les bilans des banques ne contiennent à présent plus aucune obligation contractuelle ».
95% des banques américaines
Après la série de faillites de banques régionales à laquelle nous avons assisté au printemps, une seule nouvelle banque a fait faillite, la Heartland Tri-State Bank d’Elkhart, au Kansas, dont les actifs représentent à peine 139 M$. Cependant, d’autres faillites et consolidations sont à prévoir.
Hildebrand affirme que près de la moitié des banques des Etats-Unis se négocient en Bourse en dessous de leur valeur comptable. Cela signifie que les investisseurs n’ont pas confiance dans les valeurs auxquelles sont comptabilisés dans les bilans des banques les prêts et autres actifs qu’elles détiennent. Il estime que le nombre de banques aux Etats-Unis devrait passer de plus de 4 000 aujourd’hui à environ 200 au cours des dix à quinze prochaines années.
Comme l’a écrit Rothbard dans son ouvrage Making Economic Sense : « Le système bancaire n’est, pour résumer, qu’un château de cartes. » Mais de plus en plus de cartes commencent à être retirées de cet édifice frauduleux.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.