Les Français ont du mal à l’admettre… mais dans les plus hautes instances européennes, on est plus lucide : les faillites d’Etat sont possibles, voire probables. C’est maintenant qu’il faut vous y préparer.
La revue semestrielle de stabilité financière publiée mardi 26 mai en dit long sur ce que les banquiers européens ne peuvent pas dire officiellement, mais qui les taraude : la crise financière directement issue du confinement (et de la guerre des prix pétroliers, redisons-le) devrait mettre de nombreux Etats-membres de l’Union en difficulté, au point de faire défaut et de devoir sortir de la Zone euro.
Cette perspective, inaudible en France et considérée comme proche de la trahison nationale quand elle est évoquée, doit être prise très au sérieux, surtout chez nous !
La France devrait en effet se situer en première ligne dans le groupe des pays attaqués par les marchés pour leur endettement excessif, et accessoirement dans le groupe des pays qui ne tiennent pas leurs engagements vis-à-vis de leurs créanciers.
Les faillites d’Etats européens coûteront cher à tout le monde
Pour l’instant, les cigales françaises sont loin de ces angoisses macro-économiques. L’opinion de notre pays se complaît à croire, emmenée par des esprits qui mélangent allègrement le souverainisme et le rejet de toute règle budgétaire, qu’il suffit de décréter que l’argent n’est pas un problème pour qu’il n’en soit plus un.
Un coup de baguette magique, et hop ! tout est réglé ! On n’y pense plus, on se bouche les yeux et on dépense sans limite et sans risque.
La réalité, qui finit toujours par triompher, est toute autre. Des pays comme l’Italie, l’Espagne, la France bien sûr, mais même Chypre, plongeraient l’Europe dans la tourmente s’ils faisaient faillite. Aucun Etat-membre ne serait épargné, même si la profondeur de l’impact serait évidemment très différente selon les pays.
Supposons que l’Italie fasse faillite (perspective au demeurant plausible)… On imagine facilement que la France peinerait soudain à lever les emprunts colossaux dont elle a besoin pour renflouer ses caisses. La mécanique infernale bien connue de relèvement des taux rendrait la contrainte de la dette insupportable et mettrait le pays en situation très compliquée.
C’est précisément ce phénomène que la BCE décrit et craint.
La France a d’ores et déjà beaucoup dérapé
L’annonce de ces lendemains qui déchantent est évidemment politiquement incorrecte pour tous ceux qui attendent la réouverture des restaurants, des boîtes de nuit et du Club Med pour dépenser l’argent que l’Etat leur a versé pendant deux mois. Les épargnants en revanche, qui savent qu’ils constituent de parfaits moutons à tondre, s’inquiètent un peu plus.
Ils noteront que Bruno Le Maire a fait l’aveu, en creux, ce lundi, que les dépenses publiques atteindraient 75% du PIB en France en fin d’année. C’est un score digne de la Corée du Nord qui convient à beaucoup de monde tant qu’il rime avec argent facile et maintien des plaisirs en attendant des lendemains moins drôles. Pour conjurer la peur de la faillite, les Français se convainquent aujourd’hui que l’Allemagne paiera sans limite.
J’ai entendu cela de la bouche du blogueur Régis de Castelnau ce mardi, dans un débat radiophonique auquel je participais. Selon lui, les Allemands sont obligés de payer, sauf à mettre leurs clients en faillite, ce qui leur coûterait trop cher. L’argument a ceci de juste qu’il indique bien comment notre destin est aujourd’hui étroitement lié à l’appréciation allemande, à la pesée des crédibilités outre-Rhin.
Coûtons-nous plus cher que nous ne rapportons ? Le jour où l’épargnant allemand répondra « oui », les conséquences seront terribles et sans limite pour notre économie.
Préparer le prochain défaut français
C’est une bizarrerie française… Nous sommes un peuple à la fois terriblement angoissé par l’avenir – et terriblement capable de ne pas le voir venir. Pour beaucoup de Français, un défaut de leur Etat, leur bon papa Etat qui s’occupe de tout pour eux comme s’ils étaient des adolescents attardés, est tout simplement impossible.
C’est un peu comme un enfant à qui l’on révèle que son père a trompé sa mère avec une maîtresse de passage. Brutalement, le monde s’effondre, et il ne peut absolument pas envisager l’hypothèse où cette accusation serait fondée.
Pourtant, la France a plusieurs fois fait défaut dans son histoire. Tout le monde a appris l’épisode malheureux des templiers plumés (au nom de la foi, bien sûr) par Philippe le Bel, dans les années 1310, parce que le trésor royal était vide et qu’il fallait trouver de l’argent.
On imagine parfois qu’il existe des ruptures dans l’histoire des peuples, et qu’une époque peut faire radicalement table rase du passé. Personnellement, je crois l’inverse. Ce qui s’est produit en 1312 peut se reproduire d’autant plus facilement qu’une obscure mémoire reptilienne de notre peuple en a conservé le souvenir et l’exemple.
Il suffit de lire les appels de plus en plus réguliers et pressants à un impôt sur le patrimoine (dès le premier euro) pour savoir que le vieux réflexe de Philippe le Bel est encore bien vivant dans les têtes, et que tout le monde est prêt à récupérer l’argent des autres pour préserver son confort…