La Chronique Agora

François Bayrou vs. Scott Bessent : qui affrontera la plus lourde tâche en matière de déficits géants ?

Le combat pour juguler les déficits est un défi des deux côtés de l’Atlantique.

Nous ne savons pas encore si la nomination de François Bayrou un vendredi 13 est un mauvais présage pour la France, mais ce fut certainement une journée éprouvante pour le président de la République qui s’est fait tordre le bras (et probablement luxer l’épaule) par son « commissaire au plan » qui soutient depuis sept ans l’Elysée… comme la corde soutient le pendu.

D’après certaines rumeurs, le président avait commencé sa journée de vendredi vers 5 heures du matin, et sa première action fut d’appeler François Bayrou pour lui signifier qu’il ne sera pas le prochain Premier ministre, en faisant au passage savoir que les échanges avaient été houleux par voie de presse interposée (Le Monde, Le Figaro, L’Humanité…).

Il ne restait alors que quelques heures pour reprendre les consultations et délivrer un nom (avant le JT de 13h »), puisque telle était la promesse présidentielle depuis les terres polonaises.

Et à la surprise générale – sauf des habitués du « en même temps » – c’est François Bayrou qui est nommé à Matignon.

A peine la courte cérémonie de passation de pouvoir avec Barnier expédiée sur le perron de le Matignon, François Bayrou se rendait à une conférence de presse/point de situation (c’était sa première intervention officielle) concernant Mayotte. L’archipel des Comores venait d’être frappé par un cyclone tropical (baptisé « Chido ») d’une rare intensité, avec hélas des premiers rapports faisant état de nombreuses victimes (auxquelles nous adressons évidemment nos pensées et tout notre soutien face à la fureur des éléments).

Qu’allait donc dire ou faire le nouveau Premier ministre ?

L’assistance n’a pas été déçue puisqu’il n’a prononcé que quelques mots (« les services de l’Etat sont présents et organisés, mais les jours à venir sont préoccupants »), puis il a quitté l’estrade sous les yeux médusés du ministre de l’Intérieur encore en exercice, Bruno Retailleau.

Peut-être a-t-il quitté précipitamment la salle de presse parce que son téléphone ne cessait de vibrer en mode « il se passe des choses sérieuses » en dehors de nos départements d’outre-mer.

En effet, Moody’s a abaissé sa notation de notre dette souveraine de Aa2 à Aa3 (ensuite, c’est le basculement en catégorie « B ») en évoquant la « fragmentation politique du pays, peu propice au rétablissement rapide des finances publiques ». Pas de panique ! Moody’s ne fait que s’aligner sur les deux autres agences majeures, Standard & Poor’s, notant la France AA- avec perspective stable, et Fitch AA- (équivalent de Aa3).

Sombre journée pour le président, mais vite oubliée, puisque ce dimanche 15, il se rendait en Corse dans un jet de la République pour rencontrer le pape François (venu, puis reparti sur un avion de ligne, rempli de proches fidèles) : l’entrevue a duré 45 minutes et Emmanuel Macron a remis au souverain pontife un ouvrage sur Notre-Dame (où il avait décliné de se rendre).

Pour l’anecdote, l’espace aérien corse avait été fermé sur la partie sud de l’île, et aucun avion, autre que présidentiel ou papal, ne s’est posé ou n’a décollé de l’aéroport d’Ajaccio durant toute la journée.

Ce lundi, retour aux dures réalités politiques avec la formation du gouvernement Bayrou et la très attendue désignation du futur ministre des Finances. La presse évoque avec insistance les noms de Thierry Breton (ex-ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie du gouvernement Raffarin de 2005 à 2007, puis fossoyeur d’Atos avant d’être promu haut-commissaire européen) et de Pierre Moscovici (ministre-fossoyeur de nos finances de mi-mai 2012 à fin mars 2014 sous le gouvernement de JM Ayrault, puis promu commissaire européen aux Affaires économiques et financières sous JC Juncker, avant d’être bombardé président de la Cour des comptes).

Un troisième larron qui ne traîne pas autant de casseroles que les deux premiers pourrait les coiffer sur le poteau : Geoffroy Villeroy de Galhau, l’actuel gouverneur de la Banque de France. Certes, il rassurerait nos créanciers, mais de quelle foi dans l’avenir faut-il être animé pour quitter son confortable fauteuil de la rue La Vrillière pour un poste de ministre des Finances en forme de siège éjectable (qui pourrait n’être qu’un CDD d’un mois) avant la prochaine motion de censure ?

A moins de s’être vu promettre le poste de futur Premier ministre avec la promesse qu’aucune alliance LFI/RN ne fera tomber son gouvernement au cours des six prochains mois.

Autre ambiance outre-Atlantique, où Donald Trump se prépare à une entrée triomphale à la Maison-Blanche après s’être fait applaudir sur le « floor » à Wall Street qui enchaîne les records absolus à une semaine de la séance des « Quatre sorcières » du 20 décembre (c’est donc dans 4 jours).

Le dernier record en date remonte à ce vendredi 13 avec un nouveau zénith absolu du NASDAQ en intraday à 20 060 points (à défaut d’un record de clôture). Mais c’est presque anecdotique en regard de la flambée de 24% de Broadcom et ses +220 Mds$ de capitalisation additionnelle (son PDG, Hock Tan, anticipe une explosion de la demande pour ses puces d’IA personnalisées).

Mais attention, son entreprise se paye 22 fois son chiffre d’affaires (comme Nvidia) et 180 fois ses bénéfices (soit un PE trois fois plus élevé que Nvidia, et 50% plus élevé que Tesla). Mais la grande nouvelle reste que l’entreprise effectue une entrée tonitruante au sein du club de « 1 000 Mds$ de capi »: du coup, il y a désormais huit « fantastiques » à Wall Street !

Et aucune en Europe !

Pour bien comprendre la différence d’échelle boursière entre l’Europe et les Etats-Unis, sachez que Broadcom, la plus « petite » du club de « 1 000 » pèse autant que LVMH (320 Mds€) + SAP (296 Mds€) + ASML (275 Mds€) + TotalEnergies (127 Mds€).

Les quatre premières de l’Euro-Stoxx 50 « pèsent » 1 018 Mds€ (soit 1 069 Mds$), contre 1 602 Mds$ pour Broadcom (au plus haut du jour vendredi). Les quatre premières américaines « pèsent » 12 865 Mds$ (soit 12 220 Mds€), soit plus de dix fois le top 4 européen… et plus que le PIB de la zone euro, qui atteint laborieusement les 12 000 Mds€ en cette fin 2024.

Mais le ministre des Finances de la France affronte un déficit qui n’est que de 3 250 Mds$ (même pas la capitalisation de Nvidia), tandis que le futur secrétaire d’Etat au Trésor US, Scott Bessent, se retrouvera à gérer un déficit US de 36 230 Mds$ (ce 16 décembre) et 36 600 Mds$ le 20 janvier prochain.

Lequel se retrouvera dans la situation la plus inconfortable d’ici un mois et une semaine ?

Les paris sont ouverts !

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