La Chronique Agora

Aura-t-on un jour une monnaie saine ? (2/2)

Les forces s’opposant à une devise saine sont nombreuses et puissantes… mais tout n’est pas perdu ; l’Europe sera peut-être celle qui changera la donne.

Les politiques monétaires malsaines sont répandues en ce moment, comme nous l’avons vu hier… mais nous sommes peut-être à un tournant en la matière.

En effet, la dernière fois que nous avons observé la combinaison d’un taux d’inflation élevé des prix à la consommation avec un risque élevé de krach sur les prix des actifs, ce fut dans la phase finale de la longue période d’inflation monétaire qui a commencé au début des années 1960 et s’est poursuivie jusqu’aux années 1970.

Le mouvement pour une monnaie saine était alors devenu une force politique réelle à la fois en Europe et aux Etats-Unis, malgré l’avancée en parallèle des théories erronées de la doctrine monétariste.

La gravité des failles et la question de savoir si elles pourraient être réduites par le biais de diverses formes de restructuration du système financier n’ont jamais été testées. Aux Etats-Unis, l’administration Reagan prit la décision d’entreprendre en 1985 une nouvelle politique de dévaluation (qui s’est concrétisée par les accords du Plaza), avec le soutien au départ de Paul Volcker, qui était alors président de la Fed.

Auparavant, cette même administration avait déjà saboté l’objectif initial d’une commission, mise en place (suite à la signature d’une loi par le président Carter en 1980) pour étudier la possibilité d’un retour à l’étalon-or, en lui assignant des membres opposés à une telle idée.

Union fatale en Europe

En Europe, la dévaluation du dollar au milieu des années 1980 a enclenché une dynamique politique en direction de la mise en place d’une union monétaire qui s’est avérée fatale pour la théorie monétariste.

Après l’avancée puis le reflux du monétarisme, les Etats-Unis ont graduellement adopté un objectif d’inflation à 2% basée sur des théories économétriques fumeuses et l’inertie des prévisions. L’Union monétaire européenne nouvellement formée a suivi l’exemple.

Tout ceci s’est déroulé au moment même où les facteurs déflationnistes non monétaires commençaient à monter en puissance. Dans un premier temps, la globalisation était le facteur le plus puissant ; plus tard ce fut la digitalisation et l’abondance croissante de certaines ressources naturelles (en particulier le gaz et le pétrole de schiste).

Vers une résurgence du mouvement pour une monnaie saine ?

Etant donné que les facteurs qui ont permis de camoufler l’inflation des prix des biens et services se dissipent peu à peu, une hausse de l’inflation des prix à la consommation pourrait déstabiliser le marché actions et ainsi entraîner rapidement une déflation du prix des actifs. Les Etats redoubleront alors d’effort pour faire tourner la planche à billets.

Si cette déflation du prix des actifs conduit malgré tout à une dépression économique majeure, les partisans d’une monnaie saine resteront inaudibles.

En revanche, si aucune dépression économique majeure ne se produit et que l’inflation des prix à la consommation reprend fortement au cours du prochain cycle de croissance qui devrait suivre une récession classique, alors les partisans d’une monnaie saine auront une chance de réussir.

L’étendue des mauvais investissements qui ont eu lieu au cours des dernières décennies d’inflation monétaire sera révélée dans le sillage de la prochaine phase de déflation du prix des actifs.

Une véritable pénurie de capital résultant de l’obsolescence des mauvais investissements réalisés entraînera une accélération de l’inflation des prix à la consommation encore plus rapide que ce que la plupart des modèles macroéconomiques conventionnels suggéreraient dans la phase du cycle économique de reprise de la croissance.

Dans ce cas de figure, un problème continuera de se poser aux partisans d’une monnaie saine dans l’arène politique. Nous pouvons compter le nombre de sénateurs américains soutenant une monnaie saine sur les doigts d’une main — et ce soutien est encore plus réduit dans les parlements européens.

Une idée difficile à « vendre »

Il n’existe aucune idéologie populaire en défense d’une monnaie saine analogue au monétarisme de Milton Friedman dans les années 1970.

Vendre une idée au grand public est difficile. Le prérequis fondamental au fonctionnement d’une monnaie saine est un ancrage du système monétaire, ce qui nécessite de déterminer un socle monétaire pour lequel il existe une demande importante et stable, qui soit peu sensible aux variations des taux d’intérêt. Ce n’est pas un concept facile à populariser.

Un ancrage réussi implique qu’un mécanisme automatique permettrait de maintenir la monnaie sous contrôle sans avoir recours à une fixation officielle du cours de la monnaie, ni manipulation des taux d’intérêt ou toute forme d’objectif de niveau de prix.

Il est difficile d’imaginer réussir à « populariser » une telle idée sans avoir recours à l’or, qui dispose à la fois d’un réel potentiel et d’un attrait fort pour le grand public. Les opposants aux grands monopoles, que l’on retrouve des deux côtés du spectre politique, pourraient représenter des alliés naturels au mouvement pour une monnaie saine dans le but de promouvoir l’idée d’une monnaie basée sur l’or.

Les géants des nouvelles technologies et les grandes institutions financières se sont alliés aux Etats tout-puissants afin de mener une guerre contre l’argent liquide. L’or monétaire et les petits épargnants ont peu de chances de sortir vainqueur de cette guerre qui fait rage.

En Europe, peut-être…

En Europe, les partisans d’une monnaie saine trouveraient un terrain naturellement propice en Allemagne, en Hollande, en Belgique et en Autriche. Ils pourraient s’appuyer sur le ressentiment de ces populations envers les transferts réalisés au profit de l’Europe du sud, ainsi qu’envers les taux d’intérêt négatifs.

La principale force d’opposition pour le moment sont les écologistes. Observez comment Christine Lagarde, dirigeante de la Banque centrale européenne, cherche à séduire le parti écologiste allemand, s’attendant à ce qu’ils deviennent les nouveaux alliés du Parti chrétien démocrate au sein de la prochaine coalition gouvernementale, probablement au cours de l’année 2020.

L’idée de la création d’un euro adossé à l’or en Europe du nord ne semble être rien de plus qu’un fantasme pour le moment, mais cela reste plus probable qu’un retour à un dollar adossé à l’or d’ici la fin de cette décennie.


Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.

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