La Chronique Agora

Les audacieux et les délirants

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Les marchés sont repartis à la hausse, sous l’influence d’« audacieux » investisseurs. Le même genre d’investisseurs qui était extatique début 1930… avant la rechute.

« Vous avez raison, nous l’avons fait. Nous sommes vraiment désolés. Mais grâce à vous, nous ne reproduirons pas les mêmes erreurs. »
~ Ben Bernanke lors d’une conférence en l’honneur de Milton Friedman en 2002, expliquant que grâce à ce dernier, la Fed saurait à l’avenir augmenter la masse monétaire pour éviter les faillites bancaires.

La Fed a augmenté son taux directeur de « zéro » à 5%, ce qui représente le « resserrement monétaire » le plus important et le plus rapide de l’Histoire. Cette hausse a provoqué les deuxième, troisième et quatrième plus grandes faillites bancaires de l’histoire des Etats-Unis. Le gouvernement américain a décidé de sauver les déposants des banques, et de soutenir ainsi l’ensemble du système bancaire.

Depuis lors, l’économie n’est pas entrée dans la récession qui était pourtant très attendue… et le marché boursier n’a pas subi la correction qu’il aurait dû subir depuis longtemps. Bien au contraire, même, selon le Wall Street Journal :

« Les investisseurs retrouvent leur audace.

Les valeurs technologiques connaissent une folle hausse, qui se répercute sur les ‘meme stocks’. Les cryptomonnaies connaissent une résurgence. Le marché ressemble de plus en plus à ce qu’il était en 2021, juste avant que les actions ne s’effondrent. »

Quel est le secret de cette hausse ? Joe Biden affirme modestement que c’est lui. Les « Bidenomics », dit-il, ont permis aux offres d’emploi d’affluer, et aux actions de monter. Et d’une certaine manière, il a raison. N’oubliez pas le dilemme de « l’inflation ou la mort » ; les Bidenomics laissent les liquidités couler.

Le Financial Times explique :

« La performance des Etats-Unis est exceptionnelle, mais dans le mauvais sens du terme. Ils sont aujourd’hui les plus grands déficitaires parmi les pays les plus développés. Pendant la pandémie, le déficit budgétaire américain a triplé pour atteindre plus de 10% du produit intérieur brut, soit plus du double du pic enregistré dans les autres économies développées.

Dans les années à venir, le déficit américain devrait avoisiner les 6% du PIB en moyenne, ce qui est bien supérieur à la norme historique et six fois plus élevé que la moyenne des autres économies développées.

Comment les Etats-Unis ont-ils pu s’enfoncer aussi profondément dans le rouge ? La plupart des pays ont mis fin aux programmes de dépenses qui avaient été lancés pour atténuer la douleur des fermetures induites par la pandémie. Mais les 6 700 Mds$ de nouvelles dépenses de l’administration Biden ont été engagées après la fin de l’année 2020. La plupart de ces dépenses n’avaient rien à voir avec les aides liées à la pandémie. »

Des marchés en transition

Mettons les choses en perspective. Nous sommes dans une « période de transition », entre une tendance principale et la suivante. D’une période de taux d’intérêt extrêmement bas… nous pensons que nous nous dirigeons vers une période de taux élevés. Les actions, les obligations et l’immobilier étant surévalués, nous nous attendons à ce que les prix baissent (en termes réels) pendant de nombreuses années.

Mais dans une phase de transition, les choses ne sont jamais aussi claires. On identifie des creux et des rebonds. Mais on ne sait pas les différencier.

Après l’effondrement des actions en octobre 1929, par exemple, les investisseurs étaient perplexes. Etait-ce la fin ? Le moment était-il venu de recoller les morceaux et de se repositionner sur le marché boursier ? Beaucoup l’ont pensé. S’en est suivie une série de rebondissements, de reprises puis de chute des cours, qui ont laissé les investisseurs avec un sérieux sentiment de déception et de désorientation.

Leur première réaction, de novembre 1929 à avril 1930, a été très positive. Les investisseurs pensaient que le pire était clairement derrière eux. Avec des gains de près de 50% en poche, ils pensaient avoir encore beaucoup à gagner.

Mais le rebond s’est avéré être un piège. Après une perte de 17% en 1929, les actions ont encore perdu 33% en 1930.

Un rebond de plus

Et puis il y a eu un autre rebond… et un autre… et un autre… jusqu’à ce que la balle atteigne la dernière marche de l’escalier. Michael Batnick raconte ce qui s’est passé en 1932 :

« Après avoir perdu 17, 34 et 53 % au cours des trois années précédentes, le Dow Jones a perdu 53,6 % de sa valeur en l’espace de quatre mois, du 8 mars au 8 juillet ! L’été suivant, le marché baissier a connu le rebond le plus spectaculaire de tous les temps, le Dow Industrials gagnant 93% en deux mois seulement. Au cours de cette période de huit semaines, l’indice Rails a triplé et l’indice Utilities a doublé. »

Mais le marché baissier n’avait pas dit son dernier mot. Après les feux d’artifice de l’été, sont arrivées de nouvelles pluies d’automne… les actions sont alors reparties à la baisse et, à la fin de l’année 1932, le Dow Jones avait perdu près de 90% de sa valeur. Warner Bros, l’Apple de l’époque, a perdu 98% de sa valeur.

Selon nous, nous sommes aux prémices d’une débâcle similaire. A l’époque, cependant, les autorités américaines n’avaient pas le choix entre « l’inflation ou la mort ». Ils ne pouvaient pas augmenter la masse monétaire, car le dollar était lié à l’or ; il ne pouvait pas être « imprimé » à volonté. Il devait être gagné. La seule option était donc de faire face à la mort. C’est ce qui s’est passé. La bulle de 1929 est morte.

La mort des Années folles serait probablement passée inaperçue, mais les autorités sont intervenues. De l’explosion à la chute… de la chute à l’explosion… c’est ainsi que fonctionne une économie libre et saine. Les autorités ont cherché à corriger la situation en imposant de lourdes réglementations, y compris des mesures visant à empêcher des baisses de prix pourtant indispensables. Le résultat ? Ce qui aurait dû être une simple correction s’est transformé en Grande Dépression.

Ensuite, plutôt que d’admettre le rôle qu’ils ont joué dans la Grande Dépression, les économistes ont soutenu l’idée que la dépression avait été causée par un péché d’omission, et non de commission.

Plus précisément, Milton Friedman a affirmé que les administrations Hoover et Roosevelt avaient commis une erreur. Elles ont été trop timides ; elles auraient dû injecter plus d’argent dans le système et soutenir les banques, comme vient de le faire l’administration Biden.

Et maintenant que nous disposons d’un nouveau système monétaire plus flexible… et que les deux partis politiques sont en faveur d’une augmentation des dépenses…

… ils ne referont pas cette erreur.

Cette fois, ils commettront une erreur bien plus grave.

A suivre…

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