Faire (un peu) peur, et faire passer un message (que les marchés avaient bien anticipé)…
Il faut toujours tenter de tirer des leçons positives des turpitudes géopolitiques que nous venons de traverser, même de celles qui ont failli – aux dires de certains – faire basculer la planète dans une guerre totale et potentiellement nucléaire.
Les « certains » en question ne travaillent visiblement pas sur les marchés, ni à la « City », ni à Wall Street… Les professionnels de la finance globale ont à peine tressailli vendredi lorsque les rumeurs d’une riposte iranienne à la destruction du consulat iranien à Damas ont commencé à circuler.
En réalité, c’était, pour les mieux informés, plus qu’une « rumeur », puisque les autorités iraniennes ont « fait savoir » à Washington – via le Premier ministre irakien (l’un de leurs alliés dans la région) – qu’une attaque de représailles contre Israël aurait lieu ce week-end, et qu’elle viserait exclusivement des cibles militaires (et non des infrastructures civiles ou des zones d’habitation).
Israël, les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux ont donc eu tout le temps de s’organiser et de coordonner leurs moyens terrestres (Dôme de fer) et aériens (escadrilles d’interception) pour faire face au lancement par Téhéran de 330 engins conventionnels « low cost » (drones, missiles de croisière moyenne ou longue portée, etc.).
Le « taux d’interception » a été, selon des sources concordantes, de 99%, ce qui peut légitimement être qualifié de succès remarquable (seuls 7 missiles ont touché une base aérienne israélienne, sans faire officiellement de victimes, et en n’occasionnant que quelques dégâts matériels mineurs).
Joe Biden a déclaré (disons son équipe, pour être plus réaliste) : « Israël a démontré une capacité remarquable à se défendre et à vaincre même des attaques sans précédent – envoyant un message clair à ses ennemis qu’ils ne peuvent pas menacer efficacement la sécurité d’Israël. » Et d’ajouter qu’il « coordonnerait une réponse diplomatique unie face à l’agression iranienne ».
Traduction : les Etats-Unis vont chercher à faire retomber la pression par la voie diplomatique et n’évoquent donc pas de réponse militaire, ce qui contrecarre les déclarations de Benjamin Netanyahu qui cherche au contraire à provoquer une escalade… dont ses alliés (et pas seulement les US) ne veulent pas.
Téhéran a prévenu qu’une riposte israélienne entraînerait une seconde vague de bombardements bien plus massive que la première, et avec des moyens dix fois plus redoutables (ce qui est probablement vrai… et sans avertir Washington, cette fois-ci).
Par ailleurs, ni le Hezbollah ni le Hamas n’ont procédé à des tirs coordonnés avec l’offensive de Téhéran, à quelques roquettes près, ce qui fait partie du quotidien, rien de plus. Washington sait pertinemment que le scénario du 13 avril aurait pu virer au cauchemar si Téhéran l’avait voulu.
Les marchés semblent miser sur un scénario de type « l’incident est clos » (ouverture en hausse de +0,7% en Europe, en ce lundi) car cela évite aux divers protagonistes de perdre la face : le régime des Mollah ne pouvait pas laisser la destruction de son consulat à Damas (7 morts) impuni, au risque de passer pour « faible » face à Israël et aux Etats-Unis (il a donc écarté samedi un risque de décrédibilisation menaçant sa survie).
Mais en s’abstenant – délibérément – de tout « effet de surprise » et en utilisant un matériel peu performant (drones très lents, missiles non furtifs), cela a évité de lourdes pertes civiles en Israël, ce qui aurait du pain béni pour les apôtres de la « guerre totale » avec l’Iran.
Israël ne s’est pas privé de son côté de tourner en ridicule l’inefficacité de l’attaque iranienne et de démontrer que « cet adversaire ne fait pas le poids » (seuls les plus naïfs en seront convaincus, mais ils sont les plus nombreux).
Les Etats-Unis peuvent vanter l’efficacité de leur Dôme de fer (de quoi impressionner de futurs clients potentiels) et se féliciter que l’appui aérien de ses alliés a permis d’infliger à Téhéran un échec qualifié de « total ».
Pour résumer : si tout le monde se montre raisonnable, chacun en ressort la tête haute et peut plastronner à loisir avec l’appui des médias… tandis que des pourparlers vont pouvoir s’engager en coulisses.
Notons également que l’attaque a été lancée dans la nuit de samedi, alors que tous les marchés mondiaux étaient fermés… à l’exception notable des cryptos, qui ont vu leur cours chuter de 8% (Bitcoin) à 30% pour des crypto-actifs plus volatils, comme Ripple, Solana ou Avalanche (comprenez : très spéculatifs, et d’aucune véritable utilité pour protéger son patrimoine en période de tensions géopolitiques)… avant de reprendre de 7% à 15%.
Et lorsque la bourse de Tel-Aviv a rouvert dimanche matin, elle ne perdait que 1,2%… et les acheteurs ont aussitôt repris la main et « payé » jusqu’en toute fin de séance, comme si une désescalade – voulue par les US – avait de bonnes chances de s’imposer (clôture du principal indice « Taze » en hausse de 0,5%, à 2 527 points).
Et puisque que nous décryptons l’actualité sous l’angle économique, voici un aspect qui mérite d’être mis en lumière : des experts en armement occidentaux – qu’on ne peut soupçonner de vouloir faire le jeu de l’Iran – estiment que Téhéran a dépensé de 40 à 65 millions de dollars pour chercher à frapper Israël (et tout a été pulvérisé), qui s’est défendu avec une maestria qui force l’admiration pour un coût estimé entre 1,1 et 1,4 Mds$, soit 20 fois le budget investi par son ennemi (qui avait choisi des munitions qu’il savait inefficaces et qui se réserve le matériel de dernière génération pour d’autres circonstances, et seuls les plus idiots ne l’ont pas compris).
Si géopolitiquement, les événements de ce week-end se soldent par un « coup nul », en revanche, pour les contribuables israéliens et américains, l’expression la « sécurité n’a pas de prix » se chiffre cependant de manière assez précise à 1, suivi de 9 zéro !
Téhéran peut donc se vanter d’avoir non seulement fait vivre d’interminables heures d’angoisse au peuple israélien (qui s’en sort fort heureusement indemne à 100%) et surtout d’avoir fait mal au portefeuille des contribuables américains.