La Chronique Agora

Comment l’argent des autres finance l’irresponsabilité

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Facile de jouer avec l’argent des autres. Les pertes ne sont pas pour vous.

Monsieur, vous êtes joueur ? Oui ? Tant mieux, le contraire m’aurait étonné. Très bien alors jouons…

Tenez, prenez ces 10 000 € – ça commence très bien avouez-le – et allez jouer cette somme à la roulette, au casino du coin. Une seule règle hormis cette précédente : vous n’avez qu’un essai.

Comment ça, vous me demandez d’où vient l’argent, ne soyez pas rabat-joie… Mais que vous importe : c’est l’argent d’un autre.

Ce qu’il adviendra de l’argent d’un autre, vous n’en avez cure et n’en porterez aucune responsabilité. Alors maintenant allez-y, partez l’esprit serein. Amusez-vous bien !

Moins d’une demi-heure plus tard votre cobaye revient euphorique : « j’ai joué comme vous me l’aviez demandé et j’ai doublé ma mise ! » annonce-t-il fièrement. « Votre règle, je l’ai respectée, je n’avais qu’un seul essai alors je n’ai pas hésité à miser tout l’argent d’un autre d’un seul coup. Après tout, je ne risquais rien… ».

Dans cette petite histoire fictive, le joueur aurait très bien pu perdre l’argent d’un autre, mais il ne prenait aucun risque, la chance lui a souri et il a gagné. Qu’avait-il à perdre ?

S’il avait été question de ses propres deniers, gagnés durement et nécessaires au paiement, dans les mois à venir, de ses loyers et de son pain quotidien… il aurait passé son chemin.

Entre le jeu et la réalité, il existe une différence cruciale. Tous deux comportent des règles, mais dans le premier cas, vous pouvez prendre n’importe quel risque et faire des choix irresponsables. Aucune de vos décisions n’ont d’effet profond sur votre propre vie. Pourtant, dans la réalité, vos choix influence le présent et votre avenir.

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Dans son livre L’Argent des autres, Emmanuel Martin dépeint en sa qualité de docteur en économie l’irresponsabilité qui guide à l’heure actuelle les hommes politiques utilisant l’argent des autres, à savoir celui de nous autres, contribuables.

A la lecture de son livre, vous vous rendrez compte que le vrai capitalisme, celui dans lequel prise de risque et responsabilité sont des composantes indispensables à la bonne santé du système, a laissé place à un capitalisme de connivence avec son lot d’irresponsabilités qui auront des conséquences néfastes pour les générations qui nous suivent.

Le capitalisme de connivence s’apparente plus à jeu dans lequel ses acteurs ne risquent pas leur « peau ».

Politique : lorsque de bonnes intentions mènent à la crise financière

« Un homme politique arrive, tel le Père Noël, avec une mesure politique pleine de bonnes intentions pour certaines catégories.

Les gens, tout heureux, qui reçoivent ce ‘cadeau’ politique, c’est ‘ce qu’on voit’. Les autres conséquences moins visibles, qui ont un coût énorme, c’est ‘ce qu’on ne voit pas’ (et l’art du politique est bien évidemment de cacher ces coûts).

Méfions-nous donc de la politique des bonnes intentions et pensons toujours aux conséquences inattendues.

Ainsi, en 2002, le président américain George W. Bush propose l’American Dream Downpayment Act, une loi visant à subventionner l’apport personnel de ménages pauvres désireux d’acheter une maison à crédit. C’est beau. C’est compassionnel. C’est ‘social’.

Sauf évidemment que l’on a permis […] de s’endetter à des gens qui ne pouvaient en réalité pas emprunter ; et donc pas rembourser.

L’apport personnel est un signal important de fiabilité et de sérieux de la part de l’emprunteur aux yeux du prêteur. Le supprimer a coupé cette étape fondamentale du ‘contrôle’ de fiabilité.

La suite de l’histoire, c’est la crise des subprime. »

L’auteur vous donnera d’autres clefs pour mieux appréhender cette fameuse crise du crédit subprime dont on a trop tendance à en oublier les causes premières.

Dans L’Argent des autres, Emmanuel Martin s’attaque aussi au système démocratique et explique son dévoiement.

La démocratie dysfonctionnelle

« La ‘démocratie dysfonctionnelle’ française trouve son origine dans le fait que les institutions mêmes de notre belle République minimisent la responsabilisation et la reddition des comptes de nos élus et de nos gouvernants.

Le Parlement est le gardien de l’argent des autres. Or cette institution première de la démocratie ne joue pas son rôle – consistant à lier les mains du gouvernement et de l’administration en matière de dépenses.

Cela a d’abord à voir avec le fait que la Ve République, comme le rappelait Jean-François Revel, est un régime en réalité hyperprésidentiel dans lequel par définition le Parlement reste quasi-spectateur.

Pour Nicolas Lecaussin, le cumul des mandats des ‘représentants du peuple’ empêche par ailleurs ces derniers de se consacrer sérieusement à leurs dossiers, ayant alors recours à des gens de l’administration pour effectuer leur contrôle… de l’administration (et ce d’autant que la majorité des députés sont fonctionnaires ou issus d’entreprises publiques). Ce cumul leur fournit en outre des incitations à user de leur position parlementaire pour servir de lobbyiste en faveur des intérêts locaux (dans leur mairie, leur conseil général, etc.) plutôt que l’intérêt national.

Agnès Verdier Molinié rappelle comment le contrôle de la dépense publique ne peut réellement s’effectuer en France. Au Parlement, ceux qui ont le pouvoir de contrôler (les rapporteurs spéciaux des commissions des finances) dépendent en réalité fortement de l’administration et ne contrôlent presque rien ; parallèlement, la Cour des comptes, organe ayant les moyens de contrôler, n’a pas de pouvoir et voit ses rapports ne quasiment pas servir au Parlement. Voilà qui garantit l’inefficacité du contrôle ! »

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En économie, tout est imbriqué et vouloir jouer les magiciens par l’incitation, qu’elle soit bonne ou mauvaise, entraîne des conséquences imprévues.

Emmanuel Martin enseigne l’économie et parvient à vous décrire de façon lisible et claire des concepts d’économie ou des principes de notre système politique.

Avec de nombreuses histoires concrètes et parlantes, vous pourrez calquer ces principes au fait d’actualité de tous les jours et mieux comprendre le monde complexe qui nous entoure : liberté, responsabilité, démocratie, monnaie unique, solidarité, crise des crédits subprime… en seulement 86 pages.

Le genre de livre qui nous plaît : pratique, léger et à la lecture facile malgré des concepts a priori complexes, mais rendus tout à fait abordables pour tout un chacun.

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