La Chronique Agora

Apple tire les indices US vers le haut, mais pour combien de temps ?

▪ Il est de ces périodes où les indices évoluent durant des semaines sans direction claire — et bien souvent, les opérateurs s’ennuient ferme.  Ce n’est pas le cas cette année ; nous vivons la période estivale la plus exaltante depuis 2007 et 2008.

Le syndrome des « portes de saloon » a mis K.-O. nombre de spéculateurs depuis fin mai car le sort s’acharne avec une certaine prédilection sur les permabulls. Il ne fait pas bon rêver de voir le CAC 40 amorcer un rally d’été en direction des 4 500 points… C’était pourtant le pronostic le plus souvent évoqué au printemps dernier, alors que les indices américains établissaient de nouveaux records annuels et semblaient inexorablement aspirés vers leurs zéniths de septembre ou du printemps 2008.

Mais comme nous avons déjà eu l’occasion de le souligner, l’impact haussier de titres comme Amazon, Joy Global, Netflix et surtout Apple a propulsé le Nasdaq vers 2 880 points. Cela a laissé une majorité de titres végéter au niveau qui était le leur au milieu de l’automne 2010 (peu après la confirmation d’un QE2).

Autrement dit, pour reprendre une image empruntée aux himalayistes, de nombreuses cordées se sont arrêtées au Camp 2 afin de s’accoutumer à l’altitude… d’autres ont poussé jusqu’au Camp 3 en bravant le mal des montagnes.

Seuls ceux qui se sont emparés des bouteilles d’oxygène liquide mises à leur disposition par la Fed ont tenté l’assaut vers le sommet, au-delà des 8 000 mètres. Une cordée s’est montrée victorieuse et sa gloire rejaillit sur l’ensemble des membres de l’expédition : c’est le drapeau Apple qui flotte tout au sommet de l’Everest des performances boursières.

Nous précisons que nous parlons d’un titre qui affiche plus de 20 milliards de dollars de capitalisation, car il existe une poignée de small caps (plus si small désormais) au sein du Russell 2000 qui ont passé la barre des 1 000% à la hausse depuis mars 2009.

▪ Pendant qu’Apple siège au sommet de l’Olympe des valeurs du Nasdaq 100, d’autres titres (spécialistes des réseaux, éditeurs de logiciels, fabricants de mémoires flash…) ont du mal à mettre un pied devant l’autre, minés par les courbatures et les ampoules aux pieds.

En Europe, les éclopés se recrutent essentiellement dans le compartiment des bancaires, des matériaux de base, des services aux collectivités… Depuis peu, on compte également l’automobile et même certaines parapétrolières, avec un très inhabituel plongeon de 17% de Vallourec.

De façon un peu moins surprenante, Alcatel-Lucent, le spécialiste des ascensions éclair mais également coutumier de lourdes chutes dans les crevasses, a plongé de 15% jeudi et de 20% en 48 heures… Cela à l’image de son concurrent Juniper Networks qui avait dévissé la veille de 21%, sanctionné pour avoir émis un profit warning.

C’est avec ce genre d’accident que nous touchons du doigt l’une des clés de la période actuelle : lorsque la tendance est haussière, ce genre de trou d’air ne se produit pas.

Alcatel-Lucent publie des résultats honorables, certes un peu en-deçà des prévisions, mais la déception ne justifie certainement pas une sanction aussi spectaculaire. Il subsiste en effet un risque de voir le titre venir rechercher du soutien une dizaine de cents plus bas (même pas peur aux niveaux actuels !).

Les permabulls vont devoir se faire une raison : les marchés ont adopté des comportements typiques lors des phases de correction moyen terme. Ils enregistrent des chutes qui précipitent les indices sous leurs précédents supports moyen terme, tandis que les rebonds techniques vont de moins en moins haut — fussent-ils aussi violents que celui du 25 juin au 1er juillet.

Nous ajouterons que ces signaux négatifs ont atteint leur paroxysme au mois de juillet, comme ce fut le cas lors de l’amorce des deux périodes de crise boursière majeure de 2002 et 2007/2008. Le plafonnement des indices européens et américains est à chaque fois survenu au cours des quatre semaines précédant ou suivant le 14 juillet (notre fête nationale se situant tout à fait par hasard au coeur de cette période charnière).

Faut-il en tirer des conclusions catastrophistes pour l’automne prochain ? Si tout le monde établit le même genre de lien… rien ne se passera comme lors des éditions précédentes.

Si en revanche les marchés s’aperçoivent au dernier moment que le pont de neige créé par Ben Bernanke à coup de quantitative easing s’apprête à céder sous leur poids… le mouvement de panique le fera s’effondrer à coup sûr, alors qu’il pourrait éventuellement résister si les cordées qui le traversent marchaient d’un pas léger.

▪ Wall Street commence à trépigner d’impatience sur la question du plafond de la dette et les premières fissures commencent à être bien visibles sur les indices américains.

Le jeudi 28 juillet, la place US alignait une cinquième séance de repli consécutif. La correction s’était amplifiée en cours d’après-midi, alors que le spectre du défaut de paiement des Etats-Unis se remettait à hanter les esprits.

Cela ne devrait pourtant plus empêcher les investisseurs de partir en congé l’esprit serein puisque de toute façon, Wall Street admet l’éventualité d’une perte de sa note maximum d’ici la rentrée.

Les taux se tendront, c’est inéluctable… Les indices américains pourraient reperdre 8 à 10% de plus, juste histoire pour le Dow Jones de retracer les 11 600 points — son plancher annuel du mois de mars.

Comme les brasseurs d’argent feront étalage des terribles souffrances psychologiques qu’ils endurent, Monkey Business Ben fera décoller son hélicoptère. Ce dernier effectuera un largage massif de billets de 100 $ — fraîchement imprimés — sur la pointe sud de Manhattan. De ce fait, les indices US s’élanceront pour un splendide rallye de fin d’année (comme en 2009 et 2010) qui propulsera le Dow au-delà des 13 000 points et le Nasdaq Composite vers les 3 000.

Mais il se pourrait bien, cette fois, que les Chinois tentent d’empêcher le décollage de l’hélicoptère « bombardier de liquidités » de la Fed. En effet, un nouvel afflux de fausse mornifle fera flamber derechef les matières premières et en premier lieu, le pétrole — ce qui ruinerait tous les efforts de Pékin (ou de Dehli et Brazilia) pour contenir les pressions inflationnistes

Le Dow Jones, dans ces conditions, ne serait pas prêt de refranchir l’ex-support des 12 385 points en direction des 12 800 points. Le S&P 500, quant à lui, pourrait enfoncer le palier des 1 300 points, en direction des 1 270 (plancher annuel des 16 mars et 15 juin) puis des 1 210 points, son zénith d’avril 2010 et gap du 1er décembre de la même année.

Ce ne sont là que des scénarios assez « soft » alors que les Etats-Unis foncent vers des désagréments économiques et budgétaires plutôt « hard ».

▪ Wall Street affiche depuis le 1er janvier une surperformance qui avoisine 5% par rapport aux places européennes (exception faite de Francfort). C’est le genre d’écarts qui pourrait s’évanouir en quelques jours ou quelques semaines si le dollar dévissait sous les 1,45 euro ; et il n’est pas certain qu’il marquerait une longue pause vers 1,50 euro avant de filer vers son plancher historique des 1,61 euro.

Même si l’entame du mois d’août s’effectue sous le signe de la réconciliation des démocrates et des républicains, les agences de notation ne sont pas prêtes de se réconcilier avec les déficits américains.

Tout rebond indiciel constitue depuis deux mois l’occasion de se replacer à la vente sur les actions. Toute correction technique de l’or vers 1 500 $ serait l’occasion de se replacer à l’achat en vue d’un rush vers les 2 000 $.

Rappelez-vous de notre pari qui fut également le titre de l’une de nos récentes Chroniques : préparez-vous à célébrer l’once d’or à 2 011 $ le 20/11/2011.

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