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Allocation d’actifs : quels écueils éviter ? (1/3)

investissement Allocation d’actifs

La situation actuelle sur les marchés financiers est une nouvelle occasion de rappeler que le plus important, pour un investisseur, est d’avoir une bonne allocation d’actifs, adaptée aux périodes de croissance comme aux situations de crise.

Depuis plusieurs années, les réflexes traditionnels d’analyse des marchés financiers sont de plus en plus inappropriés.

Par exemple, pour anticiper si un actif donné va prendre ou perdre de la valeur, il n’est plus suffisant de regarder les fondamentaux ou les primes de risque.

De même, il ne suffit plus de mettre en place une allocation d’actifs en fonction de considérations macroéconomiques (par anticipation des politiques monétaires, de l’inflation et de la croissance) et en fonction de considérations microéconomiques (avec des indicateurs tels que le PER).

Quelles anticipations suivre ?

Pour prévoir, autant que faire se peut, les évolutions des marchés financiers, il est désormais plus pertinent et « rentable » de déterminer la probabilité que des scénarios vont influencer le comportement et la situation des banques centrales. Et, plus complexe, faire de même concernant les hedge funds et de gros fonds souverains.

Cela étant dit, quand bien même nous aurions une lecture correcte des anticipations de politique monétaire (que ce soient les taux directeurs ou l’évolution de la taille des bilans des banques centrales), tenter de prévoir les évolutions des marchés nécessite de faire attention à plusieurs biais. En effet, la propension aux erreurs d’anticipations est extrêmement forte, pour de multiples raisons :

En effet, sur ce dernier point, si toutes les catastrophes annoncées commencent à être anticipées, discutées et analysées, il y a de fortes chances que les marchés se prépareront financièrement et psychologiquement à des chocs qui seront d’autant plus facilement absorbés, permettant d’empêcher la catastrophe.

Pas de cataclysme

C’est par exemple le cas d’un krach qui serait causé par un retournement des politiques monétaires en place depuis des années. Ainsi, pour nous, toute allocation d’actifs doit cette année reposer sur ce premier constat : il n’y aura pas de krach obligataire.

Deux raisons peuvent expliquer cela.

La première est simple même si elle peut sembler assez stupéfiante : il s’agit de l’idée qu’un tel krach serait tellement cataclysmique pour les assureurs et les banques – voire pour le système en général – que cela ne peut arriver.

Un krach obligataire aujourd’hui serait bien pire que celui de 1994 (dernier grand et vrai krach du secteur), puisque les banques et institutionnels sont dans une situation bien pire qu’alors. En effet, ces acteurs détiennent massivement des obligations d’Etat à des prix de plus en plus surévalués, dont l’achat a été financé avec de la trésorerie court terme peu coûteuse. C’est ce qu’on appelle les « positions de transformation ».

Or ces positions de transformation sont autrement plus importantes qu’en 1994. Les banques centrales seraient donc piégées et condamnées à choisir entre une politique monétaire durablement accommodante d’une part (même si le degré d’accommodement va baisser) pour contrer un risque de krach obligataire et une crise systémique bancaire d’autre part.

Plus que le krach obligataire, le danger serait en réalité une forte remontée des taux réels.

Cela signifierait que, face à une remontée de l’inflation structurelle (c’est-à-dire une hausse forte et durable des anticipations d’inflation), les banques centrales sur réagissent, en mettant en place un cycle violent de politique monétaire restrictive et un tapering (une réduction de leurs achats sur les marchés financiers) accéléré.

Ces deux politiques feraient très rapidement remonter les taux longs nominaux plus haut que les anticipations d’inflation, ce qui provoquerait un violent réajustement à la hausse des taux réels.

Ce scénario, auquel nous n’adhérons absolument pas (nous croyons même, aussi surprenant que cela paraisse, au scénario opposé, sur lequel nous reviendrons) serait évidemment très dangereux pour les actifs risqués au sens large qui bénéficient depuis longtemps de taux réels très bas, par exemple les valeurs technologiques du Nasdaq, ou les cryptos en général (pour ne citer que ces actifs).

L’effet de la communication

La seconde raison qui empêche tout krach obligataire peut sembler tout aussi stupéfiante que la première : il s’agit de l’idée que la communication des banques centrales est extrêmement rodée, ce qui rend la prévisibilité des marchés très forte et permet donc d’éviter des surréactions violentes sur les actifs obligataires lors des annonces de prises de décisions.

Les plus anciens se souviendront, en effet, que le plus grand krach obligataire de l’histoire des marchés financiers (depuis qu’ils existent sous la forme sous laquelle on les connaît aujourd’hui, soit une bonne quarantaine d’années) fut brutalement déclenché par une décision totalement inattendue par les marchés : le relèvement des taux directeurs américain par la Fed le 4 février 1994.

Il dura quasiment toute l’année 1994 et personne n’était alors préparé à un cycle de politique monétaire restrictive.

Alors que penser de cette « nouvelle » communication des banques centrales ?

Vous avez probablement entendu parler de la « forward guidance ». Cette stratégie consiste pour la banque centrale à s’engager clairement sur la trajectoire future des taux directeurs et donc à désamorcer toute déstabilisation des marchés obligataires.

Mais il y a aussi ce que l’on appelle le « time-contingent guidance », qui consiste à indiquer une date précise avant laquelle un changement de politique monétaire devrait intervenir, par exemple à la prochaine réunion des dirigeants de la banque centrale (dans le but là encore de préparer les marchés et d’éviter les krachs d’actifs financiers).

Plus sophistiqué encore, le « state contingent threshold based guidance » est une stratégie qui consiste à fixer assez explicitement un seuil pour certains indicateurs macroéconomiques, au-delà desquels une politique sera choisie ou changée. Par exemple, le taux de chômage ou d’inflation, avec un niveau bien défini qui, s’il est atteint, entraînerait une inflexion de la politique monétaire. Ou, à tout le moins, entraînerait une réflexion sur la pertinence de cette politique.

Toutes ces stratégies sont regroupées dans la communication actuelle de la Fed, comme nous le verrons demain.

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