▪ Les temps qui courent mettent notre âme à rude épreuve…
… enfin, peut-être pas notre âme… mais au moins nos convictions.
Nous avons appris cette semaine que l’indice des prix à la production (IPP) américain a grimpé de 1,7% en août. Voyons voir… si les prix à la production grimpent, les prix à la consommation suivent, non ? Eh bien… oui… en temps normal.
… mais il se passe des choses étranges en ce moment.
Nous avons également appris que les ventes au détail (toujours aux Etats-Unis) étaient en hausse… oui, oui, en hausse… de 2,7% le mois dernier — leur plus grande augmentation en trois ans.
Attendez une minute. On disait que les ventes au détail étaient en baisse, pas en hausse. Notre vision du paysage économique met le consommateur au centre. Et il s’agit d’un consommateur qui n’augmente PAS ses dépenses. Il hésite plutôt à acheter quoi que ce soit.
Il y a une raison à ça. On parle là de quelqu’un qui n’a rien épargné ces 10 dernières années. A présent, il est 10 ans plus vieux… la retraite l’attend alors qu’il n’a pas de fonds suffisants… et il a une peur bleue de se retrouver à court d’argent avant d’être à court de temps.
Le consommateur américain comptait sur la hausse du prix des maisons pour financer sa retraite. A présent, il est déçu… et inquiet. Que peut-il faire ? Il doit réduire ses dépenses. Il n’a pas le choix. Il ne peut pas dépendre de sa maison. Il ne peut pas compter sur des augmentations de salaire. Ayant négligé son épargne durant les années de vaches grasses… il doit se serrer la ceinture durant les années de vaches maigres. Il doit épargner au pire moment possible — durant une crise.
Nous ne voyons aucun moyen de contourner la situation. Pas de raccourci. Pas de manière de faire disparaître le problème, ou de l’ignorer. Le cycle du crédit s’est retourné… il est passé de l’expansion à la contraction.
▪ Pendant ce temps, les autorités troublent l’eau du ruisseau. Elles tentent d’induire le consommateur en erreur… de le piéger… de lui faire croire que le haut est le bas, et vice-versa. Elles veulent qu’il croie que les années d’abondance sont de retour… qu’il n’a pas besoin d’épargner. En fait, elles veulent causer de l’inflation… pour l’encourager à se débarrasser de son argent aussi vite que possible. Voilà pourquoi les chiffres de l’IPP sont importants. Si les autorités parviennent à gonfler les prix à la consommation (et non uniquement les prix à la production), tout pourrait changer. Nous aurions alors une dépression inflationniste plutôt que déflationniste.
Mais c’est une autre question. Pour l’instant, il nous semble que les prix au détail baissent toujours. Et nous doutons que les autorités puissent générer une véritable reprise simplement en injectant de l’argent dans l’économie. On peut stimuler les dépenses lorsqu’on est dans une expansion du crédit… mais pas quand on est dans une contraction.
▪ Voilà pourquoi nous nous méfions de ce chiffre des ventes au détail. Dans quelle mesure est-il constitué de dépenses financées et approuvées par les autorités ? 60% ? 80% ? 100% ?
Selon David Rosenberg, on serait à 100%. Il a probablement raison. A quoi ressemblerait l’économie américaine sans la demande bidon nourrie par les autorités ? Elle reculerait de 6%. Et que se passera-t-il lorsque les autorités cesseront de pousser à la roue ? Le soufflé retombera.
Mais les autorités ne peuvent-elles pas continuer à stimuler indéfiniment l’économie ? Peut-être. Tout de même, la leçon que nous avons apprise des Japonais est la suivante : même avec de gigantesques contributions gouvernementales (le Japon a approuvé 11 mesures de relances séparément se montant à un total de 30 000 milliards de yens), l’économie réelle ne bougera pas. Sur près de 20 ans, l’économie japonaise est passé d’une récession intermittente à une déflation intermittente. Le gouvernement a troublé le ruisseau — mais les consommateurs ont vu clairement ce qu’ils devaient faire. Ils avaient perdu de l’argent durant le krach de 1990. Les actions qu’ils avaient achetées durant l’ère de bulle ont baissé les premières. Ensuite est venu le tour de leurs maisons. Ils devaient économiser de l’argent pour leur retraite. Ce qu’ils ont fait, résistant à tous les efforts du gouvernement pour les pousser à dépenser.
La situation sera-t-elle différente aux Etats-Unis ?
Probablement pas.
Sans revenus supplémentaires, le consommateur n’a qu’un seul moyen d’augmenter ses dépenses : s’endetter plus encore. Il n’est pas prêt à le faire — pas plus qu’il n’en est capable. Les banques ne veulent pas lui prêter d’argent — et de toute façon, il ne le prendrait pas même si elles le voulaient (c’est du moins notre point de vue). Alors que se passe-t-il ? Les autorités empruntent à tour de bras — AU NOM DU CONSOMMATEUR. Elles accumulent de la dette fédérale — que le consommateur américain devra payer d’une manière ou d’une autre. L’argent lui est ensuite reversé de différentes manières sournoises et en grande partie inefficaces… générant assez d’activité pour donner l’impression que quelque chose se passe dans l’économie.
C’est une imposture. C’est une fraude. C’est fondamentalement contre-productif. Mais c’est suffisant pour que des gens comme Ben Bernanke pensent que l’économie se remet.
Nos convictions sont donc mises à rude épreuve. Tout semble s’améliorer. Les chiffres — et ils sont nombreux — montrent une augmentation de l’activité des entreprises et du commerce. Les commentateurs, économistes et analystes affirment tous que les choses vont en s’améliorant (sauf ceux qui savent de quoi ils parlent)…
Les marchés montent. L’or aussi. Le pétrole itou.
Alors qui a raison ? Qui a tort ? Nous ? Ou eux ? Nous disons qu’il n’y a pas de vraie reprise en cours… et qu’il n’y en aura pas. Ils disent que la reprise est déjà là.
Restez à l’écoute.