La Chronique Agora

À la recherche de la classe moyenne perdue (1/4)

drapeau - Etats-Unis - pouvoir d'achat - consommation - pauvreté

La classe moyenne américaine est en voie d’extinction parce que les élites ont perverti le système à leur profit. Mais il existe une échappatoire.

 Combien de fois avez-vous entendu vos concitoyens se plaindre de la « disparition de la classe moyenne » ? Même si les termes « disparition » et « classe moyenne » ne sont jamais bien définis, tout le monde comprend parfaitement.

Ces dernières années, il est indéniable que les riches sont devenus encore plus riches. Les pauvres sont « scotchés » à leur canapé, jouent aux jeux vidéo, regardent la télé et récoltent des allocations. Les membres de la classe moyenne, quant à eux, travaillent dur, assument souvent une famille, contribuent à  la majeure partie des impôts fédéraux, perçoivent peu d’aides au cours de leur vie active, et semblent supporter tout le poids de la société.

La classe moyenne n’est pas en train de disparaître (aux Etats-Unis, elle compte peut-être 100 millions de personnes, selon la définition retenue), mais elle lutte pour s’accrocher à ce statut. Bien que la classe moyenne ne disparaisse pas vraiment, une grande partie de ses membres ont l’impression que leur pouvoir d’achat et leur statut se dégradent.

Le statut et les dilemmes de la classe moyenne américaine sont lourds de conséquences pour les investisseurs et les marchés. Nous montrerons que les tendances négatives affectant actuellement la classe moyenne se sont déjà souvent produites, au sein de toutes les sociétés, et à toutes les époques, du moins si l’on remonte jusqu’à l’Age de Bronze.

Au vu de ces tendances, la capacité des gens de la classe moyenne à y résister, ou à les inverser, est limitée. L’idéal, pour un investisseur de la classe moyenne, est de se préparer à l’inévitable durcissement de la société grâce à un portefeuille de placements bien construit, qui résistera aux tendances défavorables, notamment à la question de l’inflation/déflation et aux troubles sociaux. Bien préparé, vous ne vous retrouverez pas sans défense. Mal préparé, vous serez désavantagé et mis sur la touche.

Comment sont définies les classes sociales ?

 Les définitions comptent, en matière d’analyse. La classe moyenne ne répond pas à une seule définition : on distingue plusieurs modèles théoriques.

Le modèle développé par Allyn Pearson et Leonard Beeghley, dans le cadre de leur étude intitulée The Structure of Social Stratification in the United States (2004) [NDR : « Structure des différentes strates sociales, aux États-Unis », uniquement disponible en anglais], répartit la société américaine sur cinq groupes :

Les Super-Riches (1%), les Riches (4%), la Classe Moyenne (45%), la Classe Ouvrière (40%) et les Pauvres (10%).

Selon cette répartition, les Super-Riches (revenu annuel supérieur à 350 000 $) et les Pauvres (vivant au-dessous du seuil de la pauvreté) ressortent de façon évidente.

Cependant, les trois catégories intermédiaires peuvent, dans une certaine mesure, toutes être considérées comme relevant de la « classe moyenne ». Les Riches ont un patrimoine net de 1 M$, voire plus. Toutefois, il s’agit essentiellement d’une plus-value latente sur leur maison, ce qui ne constitue pas des liquidités.

Bon nombre d’individus dont la plus-value latente s’élève à 1 M$ considèrent sans doute appartenir à la « Classe Moyenne Supérieure », si ce n’est à la catégorie des « Riches », en fonction du quartier dans lequel ils vivent. De même, la Classe Ouvrière de Pearson et Beeghley concerne des personnes gagnant 40 000 $ par an, un groupe qui pourrait considérer appartenir à la « Classe Moyenne Inférieure ». Si l’on retient ces définitions, la classe moyenne pourrait représenter 89% de la population, les Super-Riches représentant 1% et les Pauvres 10%.

Dans leur étude intitulée Society in Focus (2005) [NDR : « Une société bien définie »], William Thompson et Joseph Hickey définissent une autre répartition. Leur classement est plus proche de ma version revue et corrigée du classement de Pearson et Beeghley.

Ils définissent une Classe Supérieure (1%) et une Classe Inférieure (20%). Au milieu se trouvent une Classe Moyenne Supérieure (15%), une Classe Moyenne Inférieure (32%) et une Classe Ouvrière (32%).

La Classe Supérieure dispose d’un revenu annuel égal ou supérieur à 500 000 $. La Classe Moyenne Supérieure gagne entre 75 000 $ et 499 000 $ par an. La Classe Moyenne Inférieure gagne entre 35 000 $ et 74 000 $ par an. La Classe Ouvrière gagne entre 16 000 $ et 35 000 $ par an. La Classe Inférieure perçoit des aides de l’État ou bien occupe des emplois faiblement rémunérés.

Enfin, Dennis Gilbert propose une troisième répartition, dans son livre intitulé The American Class Structure (2002) [NDR : « Structure de la classe sociale américaine »].

Il propose six niveaux de classes sociales, au lieu des cinq niveaux traditionnels : une Classe Capitaliste (1%), une Classe Moyenne Supérieure (15%), une Classe Moyenne Inférieure (30%), une Classe Ouvrière (30%), les Travailleurs Pauvres (13%) et la Classe Inférieure (11%).

Pour identifier ces classes sociales, Gilbert s’appuie sur les profils de poste et les niveaux de formation plutôt que sur les niveaux de revenu, bien qu’une estimation de ces derniers puisse facilement être rattachée à chaque groupe.

La Classe Capitaliste est constituée de PDG et de politiciens. La Classe Moyenne Supérieure est constituée d’experts et de cadres supérieurs. La Classe Moyenne est constituée de semi-experts et d’artisans. La Classe Ouvrière est constituée de « cols bleus ». La Classe des Travailleurs Pauvres est constituée d’employés subalternes. La Classe Inférieure ne fait généralement pas partie de la main-d’œuvre et perçoit des aides de l’État.

Il existe beaucoup d’autres études, et d’autres définitions, utilisées par les économistes et les chercheurs en sciences sociales. La manière la plus courante d’aborder ce problème consiste à diviser la société en cinq tranches (ou « quintiles ») égales (exactement le même nombre de personnes), chaque tranche étant ensuite divisée par niveau de revenu, indépendamment du type d’emploi ou de formation. C’est ce qu’illustre le graphique ci-dessous. 

 

 

Ce graphique montre qu’en 2016, 20% des Américains les plus riches ont perçu 51,5% du revenu total. Les 20% de ménages suivants en ont perçu 22,9%. Les 20% de ménages intermédiaires 14,2%. Les 20% suivants 8,3%, et les 20% restants 3,1%. Autrement dit, 40% des ménages les plus riches ont perçu 74,4% du revenu total, alors que 60% des moins riches n’en ont perçu que 25,6%.

Des riches encore plus riches : c’est un fait

 Ce graphique en quintiles met en lumière plusieurs réalités concernant la répartition actuelle des revenus aux États-Unis.

Première réalité : ces chiffres représentent le revenu des ménages, lequel peut être plus ou moins important en fonction de la taille du foyer. Si ces chiffres étaient calculés par individu, le degré de concentration du revenu chez les Riches pourrait être encore plus déformé que ne le montre le graphique.

Deuxième réalité : aux États-Unis, la tendance s’oriente vers un accroissement des inégalités de revenu. En 1970, les 60% les moins riches percevaient 32,3% du revenu total, au lieu de 25,6% à l’heure actuelle. Cela représente une chute stupéfiante de 21%, au sein de la catégorie des 60% les moins riches sur ces 48 dernières années. Dans le même temps, les 20% les plus riches affichent un gain de 19% (en passant de 43,3% à 51,5%) de la captation de la richesse sur la même période.

Aujourd’hui, aux États-Unis, les riches deviennent encore plus riches et les pauvres encore plus pauvres. C’est un fait.

Nous verrons prochainement pourquoi cette dérive.

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