La Chronique Agora

Zone euro : la BCE confrontée à une opposition solide côté Allemagne

▪ Ah, on sent bien que la crise économique est loin derrière nous ! Un vent nouveau souffle sur l’Europe, symbolisée par la fière équipe, solidaire et soudée que vient de constituer Jean-Claude Juncker.

Une Europe conquérante, sûre d’elle, confortée par une BCE qui peut enfin s’appuyer sur une Bundesbank tout acquise à la stratégie de Mario Draghi.

Certains d’entre vous souriront à la lecture de cette introduction en forme de provocation. D’autres s’arracheront les cheveux devant le tableau consternant que constitue l’actualité des dernières 48 heures, avec des titres comme "équilibre de la terreur à Bruxelles", "la commission Juncker au milieu d’un champ de mines", ou encore "les rachats d’ABS transforment la BCE en bad bank" (dans le quotidien Münchner Merkur).

Imaginez comment nos rivaux sur l’échiquier économique mondial doivent se tenir les côtes

Imaginez comment nos rivaux sur l’échiquier économique mondial doivent se tenir les côtes en voyant les Européens se menacer d’exclusion réciproque de leurs représentants au sein de la nouvelle commission de Bruxelles, les membres de la BCE s’entre-déchirer au sujet des TLTRO, s’accuser de mettre cyniquement les contribuables en danger.

▪ De pire en pire…
Ils doivent se demander comment peut-on se couvrir à ce point de ridicule en décrédibilisant dès leur nomination le tiers des commissaires européens. Le comble de l’humiliation étant infligé à Pierre Moscovici, déjà flanqué de deux vice-présidents pour gérer le portefeuille des affaires économiques, et dont le grand oral jeudi dernier s’est transformé en réquisitoire contre son action au sein du gouvernement français.

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Il a si peu convaincu ses examinateurs qu’il se voit contraint de rédiger par écrit — c’est une grande première — une "profession de foi" dans laquelle il devra s’engager à se montrer intransigeant sur les questions d’équilibre budgétaire.

Par ailleurs, l’Anglais Jonathan Hill, titulaire du portefeuille de la finance et des marchés, suscite la méfiance viscérale de Berlin. En effet, il est ouvertement pro-eurobonds (partisan d’une BCE agissant comme la Bank of England) mais il ne semble pas maîtriser vraiment son sujet.

La pire nomination, cependant, est peut-être celle de Miguel Arias Canete, pour le portefeuille de l’énergie et du climat. Canete n’est autre que le fondateur de deux compagnies pétrolières (Petrolifera Ducar et Petrologis Canarias) dont il a revendu les parts in extremis le 18 septembre, avant que sa candidature soit proposée pour intégrer l’équipe de Jean-Claude Juncker.

Qu’il s’agisse de Pierre Moscovici, de Jonathan Hill et surtout de Miguel Arias Canete, autant nommer un fabriquant de vodka pour présider la commission chargée de la lutte contre l’alcoolisme.

Si un seul de ces trois candidats est "débarqué", les deux autres se feront déboulonner (c’est cela "l’équilibre de la terreur").

Mais comment peut-on se montrer aussi désuni au moment de mener des négociations cruciales comme le TAFTA (redéfinition des règles commerciales transatlantiques) ou de tenter d’éviter une escalade du conflit russo-ukrainien… Cela alors que les Américains semblent déterminés à jeter de l’huile sur le feu jusqu’à ce que Vladimir Poutine se lance à son tour dans le jeu des sanctions et mesures de rétorsion coûteuses pour nos économies occidentales.

▪ Les oppositions ne manquent pas
En ce qui concerne la BCE qui s’était déclarée prête à tout entreprendre pour sauver l’euro, il semble qu’elle ait franchi la ligne jaune aux yeux de la Bundesbank lorsqu’elle a annoncé envisager l’achat de dette grecque et chypriote dont la notation est inférieure de plusieurs crans au niveau requis pour être accepté comme "collatéral" (afin d’obtenir des liquidités toutes fraîches).

Markus Söder, le ministre bavarois des Finances, dénonçait ce week-end cette stratégie digne d’une bad bank ; il presse le gouvernement d’Angela Merkel de s’y opposer résolument.

Bien sûr que non… ce n’est pas la France qui est visée puisqu’elle a pris des "mesures très ambitieuses" !

Georg Fahrenschon, président des Caisses d’épargne allemandes, affirme que la BCE avait créé un cercle vicieux. Sa politique monétaire visant à écraser artificiellement la courbe des taux dispense les pays endettés de faire des réformes (non, non, bien sûr que non… ce n’est pas la France qui est visée puisqu’elle a pris des "mesures très ambitieuses" !).

Jens Weidmann, président de la Buba, a réaffirmé pour sa part son opposition à un transfert du risque contenu dans des produits de créance structurées vers le contribuable, garant en dernier ressort de la solvabilité de la banque centrale).

Autant d’avis dont la Cour constitutionnelle européenne et celle de Karlsruhe devront tenir compte.

J’exagère sans doute, mais alors que beaucoup d’économistes estimaient que les pays endettés (du sud) feraient bien de quitter l’euro — c’était un argument de poids quand le dollar était sous les 1,40/euro…

… C’est peut-être bien l’Allemagne qui pourrait vouloir sauvegarder, même en faisant cavalier seul, l’euro/deutschemark (une devise forte) auquel la Bundesbank, le patronat et une bonne partie du personnel politique allemand sont attachés.

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