Achetez des actions, exhortent les initiés de l’industrie financière – sauf que les marchés n’ont jamais été plus chers… et à qui profitent ces achats, exactement ? Aux initiés.
« La seule manière pour les gens de réellement améliorer leur richesse, c’est d’acheter une maison, un appartement, ce genre de choses, d’avoir des actions », a déclaré Mark Cuban.
Il passait sur Yahoo! Finance pour parler des inégalités de richesse, que nombre de gens considèrent comme un problème.
Son analyse était mauvaise ; quant à ses conseils, ils faisaient partie des pires que nous ayons entendus.
Acheter des maisons ou des actions était peut-être un bon plan en 1982. Peut-être encore en 1992. Voire 2002. Mais 2019 ? Le schéma des 30 dernières années a-t-il des chances de se poursuivre ?
N’oublions pas que l’économie – américaine et mondiale – ralentit… et à mesure que le déclin se poursuit, les autorités se préparent à commettre leur prochaine erreur.
Rappelez-vous que la politique monétaire n’est en réalité qu’une série d’erreurs.
D’abord, les autorités maintiennent les taux à un niveau trop bas pendant trop longtemps – créant ainsi une dangereuse bulle.
Ensuite, elles doivent augmenter les taux pour orchestrer un « atterrissage en douceur ».
Enfin, lorsque les actions s’effondrent, elles réduisent les taux en panique, menant à une nouvelle bulle.
Au fil du temps, les distorsions augmentent (nous pouvons le mesurer par la dette… en hausse de 20 000 Mds$ sur les 10 dernières années), créant ainsi le besoin d’erreurs toujours plus énormes pour entraver le désir de correction exprimé par M. le Marché.
Il semblerait que nous soyons actuellement tout au sommet d’une bulle géante créée par les autorités après la panique de 2008-2009. Cette fois-ci, elles ont ajouté quelque 12 000 Mds$ de relance monétaire et budgétaire, sans parler de taux réels négatifs sur quasiment toute la période.
Cela a produit la reprise la plus faible jamais enregistrée – avec des taux de croissance du PIB sur 10 ans de seulement 1,5% environ – à peine la moitié de la fin des années 1990. Et cela a entraîné toutes les relations-clé traditionnelles sur un terrain bizarre et malsain.
Changements de relations
Hier, nous avons examiné la relation entre la richesse des ménages (basée sur les prix des actifs) et le PIB. Pendant un demi-siècle, ce ratio était d’environ 3,8 pour 1. Il est désormais de 5,35 pour 1 – un record.
Il y a également la relation traditionnelle entre le marché boursier et le PIB, que Warren Buffett utilise pour déterminer le moment où les actions sont surévaluées.
Là encore, ce n’est pas un chiffre arbitraire. Il y a une relation naturelle entre la production économique (le PIB) et les entreprises qui la produisent (dans le cas présent, nous utilisons l’indice Wilshire 5 000).
A nouveau, pendant le demi-siècle qui a suivi la Deuxième guerre mondiale, le ratio – actions du Wilshire/PIB trimestriel nominal – était aux alentours des 50%. Aujourd’hui, il est à 133%.
Une autre relation traditionnelle vaut la peine de s’y intéresser : le temps (le travail) par rapport aux prix des actions (le capital). Là encore, on constate le même schéma.
Entre 1945 et 1995, il fallait au travailleur moyen entre 20 et 40 heures pour gagner assez pour acheter le S&P 500.
Les salaires grimpaient. Les actions grimpaient. Le PIB grimpait. Mais la relation entre eux restait relativement constante.
Puis, après 1995, le temps est devenu bon marché tandis que les actions se faisaient coûteuses. Durant les cinq années qui suivirent, le prix des actions du S&P 500 a radicalement augmenté. A la fin du XXème siècle, le travailleur moyen devait trimer 100 heures pour se les payer.
Actuellement, le ratio frôle un sommet historique de 120.
C’est pour cette raison que nous avons des « inégalités ». Les autorités ont fait grimper le prix des actifs des riches… mais pas celui du temps du citoyen moyen. En termes relatifs, la plupart des gens – qui n’ont rien d’autre que leur temps à offrir – ont perdu du terrain.
Mais comme le souligne Charlie Munger, de Berkshire Hathaway, c’est un problème qui se règlera tout seul.
Les autorités peuvent manipuler et contrôler… jusqu’à un certain point seulement. Elles pourront peut-être – ou pas – étouffer la correction qui se profile. Mais elles ne peuvent pas commander aux marées.
A présent, M. Cuban pousse les travailleurs à se secouer et acheter des actions quatre fois plus chères (en termes d’heures travaillées) qu’au début des années 1990.
Et à qui les achèteraient-ils ?
A l’élite des actionnaires, aux initiés, qui savent qu’il est temps de sortir du marché…