La Chronique Agora

Le vilain petit secret du dollar US

dollar

La richesse mondiale est perçue et exprimée en dollars… mais le billet vert n’a qu’une seule utilité pour l’empire américain lui-même – et ce n’est pas une bonne nouvelle pour vos investissements.

La richesse du monde est perçue et exprimée en promesses libellées en dollars, en droits exprimés en dollars… qui sont de plus en plus nombreux et déconnectés des richesses réelles, présentes ou futures.

In fine, alors que le flux de dollars a rapport avec la taille du bilan de la banque centrale américaine, on peut dire que ce qui est considéré – à tort – comme la richesse mondiale est un produit, non pas de l’ensemble de l’appareil économique global, mais un produit de la capacité de la Fed à gonfler son bilan, à augmenter son actif.

En d’autres termes, en définitive, la fortune mondiale dépend du crédit mondial primaire qu’elle distribue ; car tout le monde l’oublie, ce que l’on appelle l’actif de la Fed, c’est le crédit de la Fed !

Que vaut le dollar ?

Contrairement à la croyance populaire, la valeur du dollar n’est pas seulement fonction de la politique de la Réserve fédérale. La valeur du dollar est déterminée par le marché, par des particuliers, des entreprises et des pays évaluant un large éventail de politiques et de conditions économiques à l’échelle mondiale et prenant des décisions sur la manière d’emprunter et d’investir.

La valeur du dollar repose sur un ensemble de croyances plus ou moins fondées, plus ou moins structurelles et sur des caprices. Le dollar flotte, bulle, dans la mesure où sa valeur résulte plus de la psychologie et du sociétal ou du géopolitique que de ce qu’il recouvre. Il y a un univers du dollar et cet univers n’est que très lâchement articulé à l’univers du réel.

Il n’est pas possible de prédire l’évolution future du dollar. Tout ce que l’on sait, comme disait l’économiste Charles Rist, c’est… qu’il varie.

On peut sans risque prédire que le dollar sera détruit, avili, jeté à la poubelle… mais comme on ne sait pas quand cela se produira, c’est une prédiction qui ne sert à rien.

De la richesse contre du vent

Le dollar sera détruit parce que son utilité pour le système américain, c’est cela : attirer les richesses réelles du monde en échange de morceaux de papier, en échange de vent qui ne coûte rien.

Le dollar est une sorte de mine, comme l’étaient les mines d’or des temps anciens. C’est une mine dont les Etats-Unis extraient le pouvoir impérial de prélever sur la richesse du monde.

L’équivalent des mines d’or d’avant, c’est la Fed, et son bilan est un filon qui a une durée de vie limitée.

Le dollar survit de ce qu’il est destructible. C’est un outil : il survit de pouvoir être émis, avili en continu, de pouvoir être inflaté, de pouvoir produire des promesses auxquelles le monde croit.

Lorsque le système américain cessera de bénéficier du dollar tel que nous le connaissons, le billet vert sera abandonné, voire sabordé.

Il est lié à une période historique, au cycle long du crédit qui a commencé après la fin de la Deuxième guerre mondiale – et il ira jusqu’au bout, c’est-à-dire qu’il vivra jusqu’aux changements qui interviendront dans l’hégémonie globale.

Une monnaie mortelle

Le dollar durera tant qu’il sera utile aux Etats-Unis et/ou tant qu’une puissance rivale ne fera pas chuter l’empire américain de son piédestal

Comme les civilisations dont parlait Paul Valery, le dollar est mortel, c’est un moment de l’Histoire. Le fait qu’on entrevoit déjà ses limites ne signifie rien. Le pouvoir des hommes n’est pas de modifier le destin ou la nécessité, non ; il est de pouvoir en retarder les effets.

Les tendances du dollar ont, dans le passé, été assez persistantes et durables.

Depuis le milieu des années 90, il y a eu trois périodes distinctes, avec un dollar fort de 1995 à 2001, un dollar faible de 2002 à 2008 et un dollar fort jusqu’en 2017.

Depuis 2017, l’indice du dollar s’échange dans une fourchette étroite d’environ 10% ; les tendances au sein de cette fourchette sont nerveuses et de courte durée.

Il existe d’autres façons de mesurer la valeur du dollar – par rapport à l’or, par exemple, mais c’est la valeur par rapport aux alternatives qui a le plus d’impact sur les prix des actifs et ce que l’on appelle la richesse.

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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