La Chronique Agora

Le vieux chemin vers le chaos financier

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Les empires ne se construisent pas seulement avec des armées, mais aussi avec des budgets colossaux et des rêves de grandeur. Derrière les fastes d’une autorité affichée, qui paie vraiment l’addition ?

« Nous vivons désormais dans un monde nouveau. Même pour les experts en commerce, la complexité de la situation est tout simplement hallucinante. » – Chad Bown, chercheur senior au Peterson Institute for International Economics

Vous vous souvenez sans doute qu’Oswald Spengler avait prédit qu’aux alentours de l’an 2000, la démocratie occidentale atteindrait son apogée avant d’être suivie par une ère dominée par des dirigeants autoritaires.

La question que nous devons nous poser est la suivante : dans quelle mesure Donald J. Trump accomplit-il cette prophétie ?

« Qui s’en soucie ? » pourrait-on répondre. Mais notre domaine, c’est l’argent. Et lorsque l’Etat fédéral contrôle directement près de 20 % du PIB américain, et indirectement encore 20 % supplémentaires, il vaut la peine d’examiner de plus près ce que recouvre le « modèle Trump ».

« La vie d’un roi se déroule en trois actes, m’a expliqué un ami français, hier soir, alors que nous dînions dehors dans un splendide jardin, baignés par la pleine lune et le vin rouge. L’amour. La guerre. L’architecture. Tous sont ruineux. Mais l’architecture est la pire. Le château de Versailles de Louis XIV a pratiquement ruiné la France. »

Selon le Bureau du budget du Congrès, le coût du service de la dette augmentera d’au moins 718 milliards de dollars d’ici 2034, selon les projections de la nouvelle loi budgétaire. Et des taux d’intérêt plus élevés pourraient gonfler la facture de 4 100 milliards supplémentaires, portant la dette nationale à 37 000 milliards.

Les dirigeants autoritaires ne sont pas nécessairement dépensiers. Mais, dans les faits, la plupart le sont. Le Grand Chef achète généralement le soutien en redistribuant l’argent public. Et il nourrit de grandes ambitions : conquêtes, « victoires », défilés et monuments.

Jusqu’ici, les caprices de Trump relevaient plus du fantasme (faire du Canada le 51e Etat !) que de projets réellement plus extravagants que ceux de ses prédécesseurs Obama ou Biden. Mais il a tout de même fait adopter un budget pharaonique et désastreux (BBBA) qui devrait porter la dette américaine à environ 60 000 milliards de dollars d’ici 2035.

Ce chemin vers la faillite et le chaos financier est une vieille route, bien balisée. Trump ne l’a pas inventée : il ne fait que l’emprunter.

En revanche, en matière d’accords commerciaux, il semble laisser parler son César intérieur. Le commerce administré par l’Etat marque une rupture profonde avec plus de 70 ans de politiques économiques, et avec le programme traditionnel du parti républicain.

Depuis longtemps, l’expérience a montré que les peuples prospèrent davantage lorsqu’ils sont libres de choisir avec qui et comment commercer. Mais le Grand Chef n’a pas retenu cette leçon.

C’est lui, et non le Congrès (comme l’exigerait la Constitution), qui a imposé des droits de douane. Ceux-ci, payés par les importateurs et non par les exportateurs, représentent en réalité la plus forte hausse d’impôts de toute l’histoire américaine.

Ils devraient rapporter plus de 300 milliards de dollars cette année et près de 2 000 milliards au cours des dix prochaines années – un transfert colossal de richesse réelle des contribuables (c’est-à-dire des consommateurs) vers l’Etat fédéral.

C’est précisément là que se révèle la différence entre une démocratie axée sur le consensus et un régime autoritaire. Combien d’Américains veulent réellement une hausse d’impôts ? Peu. Et parmi les partisans de MAGA, sans doute encore moins.

Le sénateur Rand Paul a d’ailleurs lancé la question à Larry Kudlow :

« Ils se vantent de pouvoir générer 2 000 milliards de dollars de recettes en dix ans. Mais si quelqu’un venait vous dire : ‘Larry, j’ai cette idée géniale : une taxe sur la valeur ajoutée qui rapporterait 2 000 milliards’, vous répondriez aussitôt : ‘Nous ne voulons pas être comme les Européens. Nous avons toujours rejeté l’idée d’ajouter une taxe à la consommation sans en supprimer une autre.’

[…] Mais là, nous allons prélever 2 000 milliards de taxes supplémentaires, en plus de toutes celles qui existent déjà. Les conservateurs doivent donc décider : aiment-ils vraiment les impôts, du seul fait qu’ils portent la signature de Donald Trump ? Ou restent-ils fidèles à leur principe de réduire les dépenses plutôt que d’accroître la ponction fiscale ? »

Les droits de douane ne sont pas, en soi, pires que d’autres formes d’imposition. L’Etat prélève chaque année une part considérable de la richesse produite. Qu’il s’agisse de l’impôt sur le revenu, de taxes sur les ventes (dont les droits de douane), ou de l’inflation (par la planche à billets), l’effet brut reste le même : les ressources de l’économie réelle sont transférées à l’Etat.

Mais l’effet net, lui – avec ses dommages collatéraux – diffère.

Lequel est le pire ? Nul ne le sait vraiment.

Mais le Grand Chef de la Maison-Blanche impose aujourd’hui les trois : impôt direct sur le revenu, inflation persistante, et désormais une énorme « TVA déguisée » sous forme de droits de douane.

La plupart des Américains y sont opposés. Mais le Grand Chef fait ce qu’il veut.

Jusqu’à un certain point.

La presse rapporte que certains piliers du mouvement MAGA — Rand Paul, Candace Owens, Tucker Carlson et d’autres — se demandent déjà : avons-nous été trahis ? Trompés ? Poignardés dans le dos ?

Jusqu’où ira la colère de la droite ? Nous examinerons la question prochainement.

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