La Chronique Agora

Qui sont les victimes de la guerre ?

Les morts dans les guerres inutiles menées par les Etats-Unis depuis la seconde guerre mondiale sont nombreux.

« Et ont-ils réussi à te faire échanger

Tes héros contre des fantômes ?

Des cendres chaudes contre des arbres ?

De l’air chaud contre une brise fraîche ? » – Pink Floyd (1975).

Nous assistons à ce qui semble être un revirement historique.

Pendant de nombreuses années, les Américains ont été habitués à considérer les Israéliens comme les « gentils ». Les Saoudiens, quant à eux, étaient les « méchants ». Pour nous, qui sommes simples d’esprit et n’aimons pas la nuance, c’était tout ce que nous avions besoin de savoir. Mais aujourd’hui, même l’éditorialiste du New York Times Tom Friedman affirme qu’ils pourraient avoir changé de camp :

« Pour dire les choses crûment, le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman a mis en prison les pires extrémistes religieux de son pays, tandis que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a placé les pires extrémistes religieux de son pays dans son cabinet. »

Nous ne prétendons pas connaître le plan de Dieu. Et nous nous méfions de ceux qui le font. Leur monde est étroit, trop ordonné et n’a que deux couleurs – le noir et le blanc – ce qui est bien différent du monde réel.

Dans le monde réel, les couleurs s’estompent, coulent et deviennent plus grises… Et Dieu garde ses plans pour lui.

Pour encourager le soutien au dernier projet de loi sur « l’aide à l’étranger » américaine de 93 milliards de dollars, Mike Johnson, président de la Chambre des représentants, a qualifié le Hamas d’« organisation terroriste ». Ses héros luttent contre le « terrorisme » ; fin de l’histoire.

Johnson n’a pas d’impact sur ce que nous pensons du Congrès. Mais un honnête père de famille se demande souvent s’il prend les bonnes décisions pour ses propres enfants ; Johnson pense-t-il vraiment faire les bons choix pour les enfants d’Israël ou de Gaza ?

Le Hamas est le gouvernement élu de Gaza, une petite zone certes, mais qui n’est pas entièrement sous contrôle militaire israélien. Le Hamas a peu de capacités militaires conventionnelles : pas de chars, pas de bombardiers, pas d’artillerie ou de marine sérieuse, pas de généraux, pas de sous-marins nucléaires, ni de « Dôme de fer » pour le protéger des attaques aériennes. Largement dépassées, ses campagnes tendent à être de nature « terroriste », à l’instar d’Al-Qaïda, du Jihad islamique, du Hezbollah et d’autres groupes « terroristes ».

Même en matière de terrorisme, le Hamas n’est pas particulièrement efficace. Jusqu’en septembre de l’année dernière (si nous analysons correctement les données), il a été responsable de 1 455 morts. Le Hamas a souvent attaqué des installations militaires israéliennes. Une campagne contre une cible militaire ne devrait pas être considérée comme un véritable acte de « terrorisme » : il s’agit d’un acte de guerre. Souvent, il n’y a pas eu de victimes du côté israélien.

En revanche, Larry Johnson, un ancien analyste de la CIA, dénombre 8 660 morts palestiniens aux mains des Israéliens, soit près de six fois plus. Si les Etats-Unis voulaient être du côté des vainqueurs, il est certain qu’Israël serait la voie à suivre.

Mais est-ce ainsi que Dieu voit les choses ? Favorise-t-il ceux qui savent tuer ? Ou ceux qui ne savent pas ? Larry Johnson explique :

« N’importe quel analyste impartial conclurait que les Palestiniens sont plus du côté des victimes que les Israéliens, si l’on en croit le nombre déséquilibré de tués et de blessés du côté palestinien. »

C’était le cas jusqu’en septembre 2023. Depuis, la balance penche davantage en faveur des Israéliens. Lors de l’attaque lancée par le Hamas en octobre, quelque 1 143 personnes ont été tuées. Il semble toutefois qu’un grand nombre d’entre elles aient été tuées par des tirs de la part des Israéliens eux-mêmes… nous n’en connaissons pas le nombre.

Israël a contre-attaqué. Environ 35 000 Palestiniens – pour la plupart des femmes et des enfants – sont morts jusqu’à présent (beaucoup d’entre eux n’ont pas encore été extraits des décombres), ce qui porte le nombre total d’âmes étouffées par le terrorisme du Hamas à environ 2 598, tandis que le nombre de personnes tuées par l’armée israélienne s’élève à plus de 43 000. Si l’on s’en tient au seul décompte des corps, l’armée israélienne est 16 fois plus menaçante que les terroristes du Hamas.

Et qu’en est-il du reste du monde ?

Statista rapporte qu’au cours d’une année moyenne du XXIe siècle, environ 20 000 personnes sont mortes à cause du « terrorisme ». La plupart de ces incidents, comme on peut s’y attendre, se sont produits au Moyen-Orient ou en Afrique.

Par ailleurs, le projet « Cost of War » de l’université Brown estime à 929 000 le nombre de personnes directement tuées par la « guerre contre le terrorisme » menée par les Etats-Unis, dont environ un tiers de civils. En d’autres termes, pour chaque victime des terroristes, les Etats-Unis et leurs alliés ont tué deux personnes.

Le professeur R.J. Rummel, qui a estimé et additionné le nombre d’innocents tués non pas par des terroristes, mais par des gouvernements légitimes, nous offre une vision encore plus large. Au XXe siècle, il y a eu des famines intentionnelles, par exemple en Union soviétique (Holodomor) et en Chine (Révolution culturelle).

Il y a également eu des purges, des génocides, des nettoyages ethniques, des camps de concentration, des champs de bataille et des meurtriers de masse, dont les crimes sont à couper le souffle – Staline, Hitler, Pol Pot, Mao… et bien d’autres. Rummel évalue à 148 millions le nombre total de victimes des seuls régimes communistes.

James A. Lucas, quant à lui, ne laisse pas les Américains s’en tirer à bon compte. Il estime à 20 millions le nombre de morts dans les guerres inutiles menées par les Etats-Unis depuis la seconde guerre mondiale – Corée, Viêt Nam, Guatemala, Nicaragua, Irak, Afghanistan, etc.

« Nous tuons les méchants, pourrait répondre M. Mike Johnson, et Dieu merci, nous en tuons beaucoup. »

Et qui sait, peut-être que Dieu est d’accord avec lui. Ou peut-être pas.

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