Un ancien ambassadeur chinois aux Etats-Unis dévoile les signes inquiétants de la perte d’influence américaine.
Dans l’actualité, les informations arrivent par torrents. Mais les grands schémas et modèles sont immanquables. C’est ainsi que le monde fonctionne. La baisse… puis la hausse… puis à nouveau la baisse. De la moyenne, à l’excellence… puis, telle une goutte d’eau qui se dirige vers les égouts, l’exception est attirée par la médiocrité.
Les molécules de l’eau ne se posent pas de questions. La chenille ne choisit pas de devenir papillon. Et les gens ajustent leurs attitudes et leurs pensées pour jouer leur rôle dans le grand drame de la vie.
Nous faisons partie du modèle actuel… mais n’en sommes pas les maîtres.
Voici les déclarations d’un ancien ambassadeur chinois aux Etats-Unis :
Les Etats-Unis ne sont plus ce qu’ils étaient. Dans les années 1980, le pays était plein de confiance. Il considérait l’Union soviétique comme son principal rival et se vantait de la « guerre des étoiles » ; il considérait le Japon comme une menace économique et s’attaquait à ses secteurs financier et manufacturier. Dans les années 1990, avec la fin de la guerre froide, les Etats-Unis sont devenus la seule superpuissance du monde, promouvant fièrement le « consensus de Washington », et déclarant même la « fin de l’histoire ».
Plus tard, les choses ont changé. Les Etats-Unis ont déclenché plusieurs guerres régionales dans le monde, orchestré plusieurs « révolutions » et provoqué le chaos dans de nombreux endroits. Le capitalisme financier dirigé par les Américains a déclenché une crise financière mondiale. Les peuples du monde entier, y compris de nombreux Chinois, ont progressivement réalisé que l’objectif stratégique de l’Amérique était d’atteindre une hégémonie mondiale, et non le bien-être de l’humanité toute entière, en particulier des populations des pays en développement. La soi-disant « Pax Americana » ne profite pas nécessairement à la paix, à la stabilité et au développement du monde ; la modernisation n’est pas synonyme d’occidentalisation ou d’américanisation. Leurs méthodes ne nous permettent pas d’atteindre nos objectifs et leurs grands enseignements s’accompagnent souvent d’une politique de deux poids deux mesures dans la pratique.
Ces dernières années, de nombreux événements inattendus et déroutants se sont produits au sein même des Etats-Unis. Les gens du monde entier, y compris les Américains, ne voient plus les Etats-Unis de la même façon. Aujourd’hui, même Washington ne croit plus à l’ancien « consensus de Washington », et la théorie de la « fin de l’histoire » a elle-même pris fin. Il y a quelques années, lors d’un discours à l’université de Harvard, j’ai posé une question ouverte : « Qu’est-il arrivé à l’assurance des Etats-Unis ? » Personne ne m’a répondu. A l’été 2021, lorsque je suis retourné en Chine, j’ai dit au Dr Henry Kissinger et à d’autres Américains que le pays que je voyais en 2021 semblait différent de celui dans lequel j’étais arrivé en 2013. Etonnamment, ils m’ont donné raison, ce qui confirme mon impression de vivre dans un monde totalement différent.
Les Américains semblent avoir perdu leur assurance. Ils sont impatients de « rendre au pays sa grandeur », mais pas en faisant ce qui a fait sa grandeur à l’origine. Alors qu’ils étaient autrefois optimistes, confiants, et ne craignaient pas l’avenir, ils voient désormais des croquemitaines partout.
Il est inhabituel, exceptionnel, qu’un pays devienne beaucoup plus puissant que tous les autres. Cela arrive. Mais souvent, ses propres citoyens l’aident à se défaire de cette situation.
Dans les années 1880, les Etats-Unis avaient l’économie la plus puissante du monde ; la tentation de l’hégémonie était irrésistible. C’était notre « destinée manifeste », disaient les premiers Césars de notre patrie. Au XXe siècle, les Caraïbes étaient une « mare nostrum » pour les Etats-Unis. L’administration Wilson s’en servait pour transporter les troupes américaines partout où la United Fruit Company ou le Département d’Etat américain souhaitaient s’immiscer.
Pax Americana
Les Etats-Unis ont atteint leur statut exceptionnel après la Seconde Guerre mondiale… et ont fait ce qu’aucune nation avant elle n’avait jamais fait : acquérir une « domination totale » sur l’ensemble de la planète. Aucun moineau ne pouvait tomber, où que ce soit sur la planète, sans déclencher les alarmes de la CIA et les comptes à rebours du Pentagone. Les navires de guerre américains ne gouvernaient pas seulement sur leurs deux côtes – où ils pouvaient éventuellement bloquer une attaque ennemie – mais aussi sur les côtes et les bras de mer bien loin de chez eux, où ils n’avaient aucun intérêt particulier, aucune connaissance, ni aucune raison d’être.
Aujourd’hui, il n’y a aucune affaire, nulle part, qui ne soit pas l’affaire des Etats-Unis. Les flottes américaines patrouillent aux confins de l’Atlantique et du Pacifique, dans le golfe d’Aden, sur la côte du Levant (où elles aident apparemment Israël à massacrer des terroristes en bas âge), dans la mer de Java, dans la mer Rouge et dans l’océan Indien.
Les lecteurs naïfs ou simplement curieux peuvent se demander ce que coûtent toutes ces opérations de surveillance, de patrouille et de garnison. La question de savoir où tout cela mène est étroitement liée.
Nous avons écrit un livre à ce sujet (avec Addison Wiggin) il y a près de 20 ans. Dans L’Empire de la Dette, nous suggérions qu' »un empire est une chose rare… la nature le tolère pendant un certain temps, mais tôt ou tard, le peuple impérial doit redevenir une race normale ».
Comment la nature s’y prend-elle pour « défaire » un empire ? Les schémas de l’histoire sont assez clairs. Il encourage ses rivaux à le défier, à l’envahir et à le harceler… et transforme le peuple impérial en abrutis. Il dépense trop… s’étend trop loin… et se range derrière les incompétents et les nuls.
Actuellement, le coût de l’agenda de l’empire est d’environ 1 300 Mds$ par an. Si l’on considère l’ensemble du XXIe siècle, le prix à payer pour être le plus grand de la Terre est à peu près égal à la totalité de la dette nationale.
En 2000, la dette nationale des Etats-Unis n’était que de 5 000 Mds$. Nous la contrôlions. Aujourd’hui, à 35 000 Mds$, c’est elle qui nous contrôle.