La Chronique Agora

Une hausse pour cacher le défaut de paiement imminent des Etats-Unis

▪ Le rebond des places européennes s’avère laborieux. Où sont donc passées les spectaculaires reprises en V impulsives de l’automne dernier ? Nous percevons que les vendeurs se retrouvent désormais dans la position la plus inconfortable, tout du moins à très court terme.

Après un cycle de huit semaines de repli (du jamais vu depuis la période du 19 mai au 15 juillet 2008), il faut vraiment avoir l’esprit très joueur — voire adopter un comportement de tête brûlée — pour miser sur une neuvième baisse hebdomadaire.

Si un tel cas de figure se produisait, nous irions tout droit vers une capitulation comme nous l’évoquions — mais sans y croire — en guise de conclusion vendredi.

Si le potentiel de repli semble épuisé à court terme, le bras de fer entre haussiers et baissiers s’avérait encore très indécis lundi vers 16h00. 90 minutes plus tard, le vert finissait par s’imposer, mais sans convaincre.

Quitte à être accusé de jouer petit bras, nous avons préféré attendre que la reprise s’enclenche de façon plus véloce pour changer de stratégie court terme sur le Téléphone Rouge. Il aura fallu attendre que l’horloge de NYSE Euronext affiche 16h45 pour que la barre des 3 800 points soit enfin re-testée sur le CAC 40, mais sans que le score annuel ne repasse jamais positif au cours des 45 minutes suivantes.

Nous avons fini par jeter notre dévolu sur trois titres appartenant à trois secteurs très éprouvés depuis deux mois.

Si les marchés sont mûrs pour un rebond, nous ne parions pas une vague haussière de six mois comme la précédente ;  car six semaines de reprise tiendraient, à notre sens, du miracle et l’essentiel de la hausse pourrait s’être matérialisé en six jours (comme du 16 au 23 juillet 2008).

▪ La petite étincelle haussière pourrait provenir de Wall-Street et d’une décrue du dollar qui apparaît bienvenue. Le billet vert — perçu depuis 10 jours comme une monnaie refuge — reflue sous les 1,43 face à l’euro (qui vient de reprendre appui sur sa moyenne mobile à 100 jours vers 1,4180$).

New York est encore loin de succomber à l’euphorie mais les acheteurs semblent reprendre la main.

Wall Street n’a pas clôturé au plus haut car les indices américains ont reperdu 0,4% au cours de la dernière heure. Mais dans l’ensemble, les scores demeurent largement positifs avec 0,9% pour le S&P et le Dow Jones ainsi que 1,33% pour le Nasdaq.

Il ne faut pas trop faire la fine bouche car les chiffres américains du jour auraient fort bien pu plomber l’ambiance. Les dépenses des ménages américains ont déçu les économistes : inflation déduite, la consommation a reculé le mois dernier.

Wall Street a fini par privilégier l’hypothèse d’un dénouement favorable de la crise grecque d’ici 48 heures avec le vote des mesures d’austérité par le parlement. Pendant ce temps, la rue continue de faire pression pour obtenir le rejet du diktat de Bruxelles et du FMI.

▪ La Maison Blanche manifeste sa volonté de faire sortir les pourparlers sur la dette américaine de l’impasse, après les propos alarmistes de Tim Geithner vendredi concernant l’impossibilité pour les Etats-Unis de financer leur croissance à crédit.

Il s’agit là d’une allusion à peine voilée au plan de relance de 787 milliards de dollars du printemps 2009 et aux QE1 et QE2. Ces derniers ont entretenu l’illusion d’une reprise qui se serait définitivement évanouie dès l’été 2010 si la Fed n’avait pas noyé Wall Street sous un flux massif de fausse monnaie. Cet argent ne correspond à aucune richesse présente ou à venir, mais à une montagne de dettes supplémentaires.

Le secrétaire d’Etat au Trésor a délivré vendredi le genre de message que Wall Street déteste entendre : la croissance à crédit, c’est fini… et même pire, il va falloir songer à rembourser les dettes !

Tim Geithner affirme que démocrates comme républicains sont d’accord sur le fond mais s’écharpent sur la nature des coupes budgétaires. Cela ne mène nulle part et le spectacle commence à lasser jusqu’aux brasseurs d’argent les plus hostiles à la Maison Blanche.

Des voix s’élèvent désormais dans les milieux d’affaires pour critiquer le jusqu’au-boutisme idéologique de la frange la plus radicale du parti républicain. Ce dernier tente de séduire l’électorat du Tea Party pour qui toute politique de redistribution des richesses (ou connotée justice sociale) est à abolir séance tenante.

La politique, c’est l’art du compromis (pour éviter autant que possible d’atteindre le point de non-retour) ; cela implique de mécontenter à un moment ou un autre les extrêmes.

Barack Obama va mettre tout son poids dans la balance pour éviter que les Etats-Unis se mettent en situation de défaut de paiement partiel. Mais les économistes les plus pessimistes estiment que même si les deux camps parvenaient à négocier un compromis, l’endettement des Etats-Unis a franchi le point de non-retour.

Même l’instauration d’une hyper-austérité à l’Irlandaise ne parviendrait pas à rétablir les finances en une décennie. Il faudrait probablement une génération et l’exemple japonais prouve que ce n’est peut-être même pas suffisant.

20 ans de crise larvée et de rechutes en perspective, personne n’a envie de vivre cela ; mais la vérité vraie, c’est que les moyens d’y échapper sont encore plus désagréables.

D’où notre anticipation qu’il faut bien orchestrer une nouvelle — et peut-être brève –hausse des marchés pour distraire les foules d’ici le 4 juillet.

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