La Chronique Agora

Une Europe qui se « droitise »

07.01.2019 Brussels, Belgium - The Berlaymont building - headquaters of the European Commission

Alors que l’Europe bascule vers la droite, les gouvernements de plusieurs grandes nations redéfinissent leurs priorités face à des défis économiques et sociaux sans précédent.

Qu’il s’agisse du nouveau gouvernement de droite en France, de la remise en cause très réelle de la majorité gouvernementale en Allemagne ou de la poursuite du mandat de Giorgia Meloni en Italie, l’Europe est incontestablement en train de prendre une direction différente de celle qu’elle avait il y a seulement cinq ans.

Le coût de la vie, les prix élevés de l’énergie et la destruction des entreprises lors des divers confinements liés au COVID ont poussé les citoyens à se tourner vers un autre type de leadership. Avec les débats en cours sur les migrations, l’Europe – autrefois gouvernée par Emmanuel Macron et Angela Merkel, figure du centre-droit que beaucoup semblent avoir déjà oubliée –, pourrait bientôt se présenter sous un jour très différent.

Alors que l’avenir de l’exécutif français semble plus incertain que jamais, il devient de plus en plus clair que l’Allemagne envisage une future coalition avec le chrétien-démocrate Friedrich Merz, souvent considéré comme étant à la droite de nombreux membres de son parti. Pendant ce temps, les Pays-Bas sont dirigés par un gouvernement de droite, et la Belgique doit faire face au leader séparatiste flamand Bart de Wever. Le poste du Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sanchez ne tient qu’à un fil, et si le Polonais Donald Tusk a effectivement remplacé un gouvernement plus conservateur, il ne serait guère considéré comme un homme de gauche par nombre de ses pairs d’Europe occidentale. En fait, le seul pays à avoir opéré un virage politique solide vers la gauche au cours des derniers mois est le Royaume-Uni, qui n’est plus membre de l’UE.

La Commission européenne tente de refléter ces changements politiques, notamment en ayant nommé un Autrichien au poste de commissaire à l’immigration – ce qui, compte tenu de la position du gouvernement conservateur autrichien, ne peut que signifier un revirement sur les questions de politique migratoire.

Toutefois, il est difficile de savoir si ce virage à droite pourrait signifier une future coopération entre ces gouvernements. La Hongrie est gouvernée par l’extrême droite depuis longtemps, et bien que le précédent gouvernement de la Pologne ait été très conservateur, les deux pays ont connu des désaccords majeurs sur la guerre en Ukraine. Une Allemagne plus à droite pourrait s’aligner sur certaines priorités de l’Italie, mais la rigueur fiscale n’est pas un argument qui passe particulièrement bien dans le sud de l’Europe, quel que soit le gouvernement en place.

Il faut cependant noter un côté positif à ce glissement vers la droite : l’Europe pourrait limiter les expérimentations. Lorsque nous examinons les expérimentations environnementales mises en place sous le mandat 2019-2024, avec une réforme agricole, des plafonds d’émissions de carbone ou l’élimination progressive des moteurs à combustion interne, nous constatons que Bruxelles ne peut les mettre en place que si les mouvements politiques en accord avec ces réformes sont nombreux. Les Suédois et les Finlandais, qui sont traditionnellement plus conservateurs sur le plan fiscal, même avec des gouvernements libéraux, devraient encore durcir leur ligne, leur politique s’étant également déplacée vers la droite.

Au cours des prochaines années, nous assisterons très probablement à une lutte entre les forces politiques de gauche restantes en Europe, y compris les administrateurs hérités de la Commission européenne et autres instances, et les nouveaux venus de droite. Le problème de ces derniers est qu’ils n’ont souvent pas l’intelligence politique nécessaire pour contrer les priorités des institutions européennes, à une exception près. Giorgia Meloni ne s’est pas contentée de se rendre acceptable pour Bruxelles, mais s’est rendue indispensable, malgré les protestations qui ont suivi son élection.

Malgré son vote contre la réélection d’Ursula Von der Leyen, elle jouera un rôle essentiel pour l’avenir de la politique européenne, étant prête à négocier. Pendant ce temps, les tactiques de négociation d’autres pays, notamment les pays d’Europe centrale, ont consisté à se faire des ennemis et à utiliser leur droit de veto, jusqu’à ce que des fonds importants soient débloqués pour acheter le consentement de ces pays.

Pour les électeurs, il est important que les nouveaux dirigeants de la droite clarifient leur position. Le slogan « La gauche a mal géré les centres de pouvoir » ne suffit plus lorsque les discussions budgétaires, le réarmement et la réindustrialisation de l’Europe sont sur la table des négociations.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile