La Chronique Agora

Une déflation à la japonaise… malgré tout

▪ "Je suis brésilien, j’ai de l’or/Et j’arrive de Rio-Janeire/Plus riche aujourd’hui que naguère"…

Ainsi vocalisait l’un des personnages d’une opérette de Jacques Offenbach… au milieu du 19ème siècle.

Que voulez-vous… la roue tourne…

Devinez ce qui s’est passé ? Selon une étude du Boston Consulting Group, la seule région mondiale qui s’est enrichie l’an dernier était l’Amérique latine… Brésil en tête !

Le reste du monde s’est appauvri. De 11%, selon BCG. Dans les pays du rhum et du soleil, en revanche, on s’est enrichi de 3%.

Peut-être que nos investissements en Amérique du Sud et en Amérique centrale seront fructueux, en fin de compte.

▪ Et pendant ce temps, dans le monde développé… que se passe-t-il ? Il y a deux grandes écoles de pensée. La nôtre. Et la leur. Qui a raison ? A vous de décider.

Ils disent que la crise est terminée. Nous pouvons remercier notre bonne étoile — et les autorités. A présent, on revient à "la normale"… ou peut-être à une "nouvelle normale", avec des taux de croissance plus bas qu’avant. Janet Yellen, gouverneur de la Fed de San Francisco, déclare que la reprise sera "tiède". D’autres disent qu’elle sera faible… molle… de longue haleine.

"La reprise la plus lente depuis 1945", déclare un article de Bloomberg.

Elle est peut-être lente, disent-ils, mais elle est sûre. Les marchés boursiers le prouvent.

Les actions ont remonté de 65% dans le monde entier, mais les Etats-Unis sont à la traîne, avec +40% seulement. Le Dow Jones est encore loin du seuil des 50% de rebond, à 10 300. L’or est toujours au-dessus des 1 000 $… et le dollar continue de chuter.

Selon nous, il n’y a pas de reprise. Pas la moindre. Toutes les améliorations de l’économie peuvent être directement attribuées aux renflouages. Aucune d’entre elles — pas un seul centime — n’est organique, naturelle ou durable. Lorsque les subventions automobiles disparaîtront, par exemple, il en ira de même pour les ventes automobiles.

Nous avons écrit un livre avec Addison Wiggin il y a plusieurs années. Nous y prédisions que les Etats-Unis suivraient le Japon dans un long ralentissement économique. Nous pensions qu’il commencerait après le krach des dot.com, en 2000. Nous nous trompions sur ce point. Il semble commencer actuellement. Et le gouvernement américain — c’était à prévoir — fait ce qu’a fait le gouverment japonais, en dépit des promesses de Bernanke de ne pas laisser le pays tomber dans le piège de la déflation à la japonaise.

Les Japonais ont fait une chose : réduire les taux d’intérêt… distribuant quasi-gratuitement de l’argent à quiconque voulait en emprunter. Mais les consommateurs japonais ne voulaient pas emprunter, ils voulaient épargner. Ils avaient spéculé sur la bulle et perdu de l’argent. Alors que leur retraite approchait, ils voulaient regonfler leur épargne et assainir leur bilan personnel.

Le gouvernement japonais a donc avancé de l’argent… qui a été pris par les spéculateurs, non par l’économie réelle. Les spéculateurs ont emprunté en yens, à des taux d’intérêt très bas, puis réinvesti l’argent dans des secteurs brûlants — comme la bulle des dot.com. Le yen est devenu la "devise de financement" mondiale. Si on voulait construire une usine en Chine ou spéculer sur des obligations argentines, on pouvait commencer en empruntant de l’argent bon marché au Japon. Le Japon a ainsi contribué à un boom gigantesque partout dans le monde… mais pas au Japon. Le pays du Soleil-Levant semblait avoir du mal à émerger tous les matins. Les investisseurs immobiliers ont perdu 80% de leur capital. Idem pour les investisseurs boursiers. Même aujourd’hui, près de 20 ans plus tard, ils sont encore 75% dans le rouge.

Et voilà qu’arrivent les Etats-Unis d’Amérique avec des taux de prêt super-bas. Mais qui emprunte ? Pas les M. et Mme Tout-le-Monde de l’Amérique profonde. Ils n’ont aucun nantissement sur lequel appuyer leur emprunt. Et les banques ne veulent pas leur prêter. Elles ont besoin d’argent pour elles-mêmes. De plus, tout le monde sait que le ménage américain moyen voit son revenu diminuer.

De toute façon, M. et Mme Tout-le-Monde ne veulent pas emprunter. Ils ont traversé 10 années de pertes sur Wall Street. Les actions ne sont pas plus hautes qu’elles l’étaient il y a une décennie. Leurs maisons — n’oublions pas qu’ils comptaient sur la hausse de leurs prix pour leur retraite — ont baissé de 20%-40%. Et elles continuent de baisser.

M. et Mme Tout-le-Monde, les pauvres, semblent ne pas pouvoir joindre les deux bouts. Ils économisent désespérément pour leur retraite — au pire moment possible, alors que les emplois sont rares et que les salaires chutent. Mais que peuvent-ils faire d’autre ?

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