La Chronique Agora

Un jour sanglant dans la guerre inflation/déflation

** Dans la guerre entre l’inflation et la déflation, vendredi dernier a été un jour sanglant.

* Ca a commencé par un tir du département de l’Emploi US ; le chômage a enregistré sa plus grande augmentation depuis 1986 — de 5% à 5,5%. Puis l’enfer s’est déchaîné.

* Les investisseurs ont immédiatement compris que la Fed de Bernanke n’aurait aucun moyen de tenir sa demi-promesse d’abandonner le combat contre la déflation et de commencer à lutter contre l’inflation, aux côtés de la Banque centrale européenne. Les banques centrales n’augmentent pas les taux lorsque le chômage grimpe. C’est du moins ce qui se passe depuis longtemps.

* La Fed, rappelons-nous au lecteur, a un "double mandat". Elle est censée faire deux choses contradictoires et incompatibles — protéger le dollar (faire barrière contre l’inflation)… et maintenir le plein emploi (faire barrière contre la déflation). Les deux sont ennemis mortels. En général, des taux bas aident à stimuler l’emploi ; mais la hausse des taux permet de protéger le dollar. Bien entendu, durant la période connue sous le nom de Grande Modération, cela n’avait pas d’importance. Les autorités pouvaient stimuler l’emploi comme elles le voulaient sans s’inquiéter de l’inflation. Le dollar était protégé — par les Chinois, qui exportaient des biens de moins en moins chers vers les Etats-Unis.

* A présent, le taux d’inflation en Chine est de 8,5%… les coûts de main d’oeuvre grimpent… les prix de l’énergie et des matières premières augmentent ; les pauvres Chinois n’ont pas le choix. Ils exportent les augmentations de prix… et non les baisses. Tout à coup, la guerre est déclarée !

* Le pétrole aussi a fait parler de lui. Il a grimpé de 11 $ en une journée. Pour remettre les choses en perspective, 11 $, c’est à peu près le prix d’un baril de pétrole il y a dix ans de ça. Comme nous le disons souvent, il n’y a pas de grand gagnant dans la bataille entre l’inflation et la déflation. Seul le perdant est parfaitement défini : le ménage américain. Il s’en prend plein la figure quoi qu’il arrive. La hausse du chômage signifie la baisse de ses revenus. Et la hausse du pétrole entraîne une hausse des prix à la consommation. Et n’oubliez pas la baisse de l’immobilier ! Les revenus et l’actif majeur du citoyen US moyen baissent ; le coût de la vie grimpe.

** Ces derniers temps, la majorité des nouvelles concernait l’inflation. On pensait que les menaces de récession étaient passées. Le prix du pétrole bat des records… et on entend de plus en plus de déclarations sur l’inflation des prix à la consommation partout dans le monde.

* "L’inflation est la principale menace pour l’économie mondiale", révélait un sondage Bloomberg effectué auprès de chefs d’entreprise.

* Mais la semaine dernière, selon le Wall Street Journal, "les craintes de récession [se sont] rallumées".

* Pour jeter de l’huile sur le feu, il y a eu la déclaration de la Banque centrale européenne jeudi. Contrairement à la Fed, la BCE a une seule fonction : protéger l’euro. Et lorsque les chiffres de l’inflation sont apparus plus élevés que prévu en Europe — rappelez-vous, l’inflation est désormais un phénomène planétaire — Jean-Claude Trichet, chef de la BCE, a dit au reste du monde de se préparer à une hausse des taux. Bien entendu, cela a eu l’effet que l’on pouvait attendre — le dollar a chuté, ce qui accroît encore la pression sur les forces de Bernanke, qui espéraient faire grimper le pétrole à force de belles déclarations.

* Bien entendu, tout le monde sait qu’on ne peut pas lutter contre l’inflation et contre la déflation en même temps. Et tout le monde sait que quand les choses tourneront au vinaigre, la Fed pèsera dans la direction de l’inflation. En d’autres termes, lorsqu’elle se retrouvera le dos au mur, la Fed se retournera contre la déflation… laissant le dollar aller où il veut — c’est-à-dire vers le bas.

* Quelle différence cela fera, voilà qui reste sujet à débat. Parce que lorsque les combats commencent vraiment, les changements de politique de la Fed se perdent souvent dans le brouillard de la guerre. Alors que la Fed se voyait contrainte de reculer… si près du mur qu’elle s’écorchait presque le dos contre les briques… les investisseurs ont vendu leurs actions. On aurait pu penser que la perspective d’une baisse des taux serait bonne pour les marchés actions. Mais à présent, les investisseurs savent que favoriser l’inflation ne garantit pas des taux plus bas et une économie en croissance. Au lieu de cela, ils s’aperçoivent que la hausse des prix du pétrole… et des prix en général… perce tant de trous dans les budgets des consommateurs que l’économie décline quoi qu’il arrive.

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