▪ Les places boursières se sont levées du pied gauche ce lundi avec une chute de 1,5% de Tokyo puis de 2,9% de Shanghai. Ces résultats font suite à la parution de chiffres de production manufacturière décevants en Chine selon une estimation jugée crédible de HSBC.
Pékin semble également être parvenu à freiner l’expansion du crédit et ceci alimente maintenant la crainte de l’éclatement de la bulle immobilière. Si cela se produisait, il en résulterait un sentiment de frustration (dissipation du sentiment de richesse virtuelle) qui pourrait affecter la consommation des classes moyennes et supérieures.
Mais le véritable danger réside dans la fragilisation du système bancaire chinois dont la solidité — mise en doute par de nombreux experts occidentaux — serait mise à rude épreuve.
En cas de nécessité d’une recapitalisation massive, il n’est pas difficile d’imaginer que la Chine se montrerait beaucoup moins présente sur le marché de la dette internationale ; cela affecterait sensiblement le rendement des émissions de la Fed et de la BCE.
Sachant que ces deux acteurs sont en concurrence frontale pour capter l’épargne disponible, la Chine aurait alors deux choix possibles. Soit elle se tourne vers une Amérique qui ne lève pas le petit doigt pour réduire ses déficits abyssaux (et qui inonde la planète de monnaie de singe). Soit elle se tourne vers une Europe qui serre les boulons, mais en pure perte car l’austérité ne fait qu’enfoncer les pays périphériques dans la spirale de l’insolvabilité — et que vaut l’euro dans ces conditions ?
▪ Ces derniers jours, les dettes souveraines européennes ont été mises à mal. Fitch a abaissé de trois crans la notation de la dette grecque (réduite désormais à l’équivalent de junk bond) ; le placement de la dette italienne a été mis sous « surveillance négative » par Standard & Poors. Dans ces circonstances, les investisseurs se retrouvent tétanisés par le retour des craintes sur la dette souveraine des pays périphériques de la Zone euro.
N’oublions pas non plus que la notation du Portugal a été dégradée dans l’indifférence générale fin avril… l’économie irlandaise est en état de mort clinique depuis deux ans… l’Espagne triche sur le montant réel de sa dette en faisant comme si les centaines de milliards de créances immobilières douteuses portées par les Caisses régionales ne bénéficiaient pas de la garantie tacite (et bien concrète !) de Madrid.
Dublin — qui accueille aujourd’hui Barack Obama — s’efforce par tous les moyens d’obtenir des délais de remboursement et la mansuétude de la BCE et de Bruxelles concernant les taux qui lui ont été consentis. La presse britannique se montre beaucoup plus discrète au sujet du naufrage irlandais, tandis qu’elle concentre le feu de ses critiques sur le désastre grec.
C’est bien compréhensible car dans le cas de l’Irlande, c’est la City qui se trouve en première ligne. Dans un cas comme dans l’autre, la faillite résulte de causes en réalité très similaires.
Dublin pratique le dumping fiscal au nez et la barbe de Bruxelles et de ses partenaires européens depuis 15 ans ; le pays s’est délibérément privé de tout moyen de collecter les recettes nécessaires à son équilibre budgétaire en période de ralentissement économique.
Athènes a laissé prospérer la fraude fiscale et triché sur l’état de ses finances, avec la complicité active de Goldman Sachs qui n’est guère inquiété pour ce motif. Pendant ce temps, Angela Merkel livre les citoyens grecs à la vindicte de la City et de Wall Street en dénonçant leur train de vie, leur inappétence pour le travail et une législation hédoniste concernant les congés.
Qui est le plus coupable ? Celui qui a puisé allègrement dans le pot de confiture ou celui qui lui a indiqué l’endroit où il était caché et comment se gaver sans vergogne « ni vu ni connu » ?
▪ Et puisque nous passons en revue quelques situations « excentriques », que faut-il penser des Etats-Unis ? Ces derniers impriment 3,14 $ pour générer 1 $ de PIB supplémentaire et tout le monde feint de croire que cette carambouille ne tournera pas à la catastrophe…
Les Etats-Unis nous proposent une version assez comique de la quadrature du cercle. Sachant que le diamètre de son PIB est égal à 15 000 milliards de dollars, calculez le périmètre de sa dette et inscrivez le tout dans un carré correspondant à un billet vert plié en deux.
Ne vous étonnez pas que ceux qui détiennent du dollar se plient en quatre pour s’en débarrasser !
Mais ô paradoxe de la sur-médiatisation des ennuis de la Grèce, de l’Italie et de l’Espagne, c’est l’euro qui a validé un puissant signal baissier en rechutant sous les 1,425 $ puis les 1,40 $. Il entraîne dans son sillage le pétrole qui replonge de 3% vers 97 $ sur le Nymex.
▪ Le coup de projecteur de S&P sur l’Italie a occulté ce lundi les menus soucis domestiques auxquels sont confrontés les Etats-Unis depuis décembre 2010. Nous pensons notamment à la parution de l’indice d’activité de la Fed de Chicago qui recule de 0,4% au mois de mai.
Le PMI affiche son plus faible score depuis le mois d’août 2010. C’est cet indice qui alimentait toutes les spéculations d’une récession en double creux avant que la Fed ne décide de mettre en oeuvre un QE2 pour contrer les risques d’une récession.
Nous mesurons aujourd’hui à quel point il s’avère d’une totale inefficacité pour soutenir la croissance et l’emploi. Les Etats-Unis battent le record de bons d’alimentation distribués au profit des victimes de la crise. Ils sont 43 millions de bénéficiaires, soit au bas mot 15% de la population, une proportion digne des heures les plus sombres de la crise de 1929.
▪ Nous n’allons pas refaire l’inventaire des raisons — tellement nombreuses — pouvant justifier une correction boursière ; notre interrogation concerne le timing de celle-ci.
Pourquoi s’enclenche-t-elle ce 23 mai ?
Pourquoi les marchés se reconnecteraient-ils avec la réalité aujourd’hui alors qu’ils sont parvenus à ignorer Fukushima et la récession japonaise durant deux mois ?
La main invisible a-t-elle attendu la « journée des Trois sorcières » du 20 mai pour empoigner le levier qui tire la trappe ?
Il est prématuré d’assimiler la chute des indices survenue ce lundi à l’ouverture des abysses !
Paris (-2,1%) termine la séance au plus bas du jour, à 3 906 points L’indice subit sa plus lourde correction depuis le 18 avril dernier (menace de dégradation de la dette américaine) et pour des raisons relativement similaires, que nous avons copieusement évoquées en préambule.