La Chronique Agora

Les Trump Trades (1/2)

Protectionnisme, inflation et guerres commerciales redessinent les règles du jeu économique mondial, avec des conséquences incertaines pour 2025.

Il est coutumier de parler de « Trump Trade » (ou encore de Trumplation) depuis le résultat de l’élection US du 5 novembre dernier. Nous avions « découvert » ce type de stratégies sur les marchés financiers lors de la première élection de Donald Trump en novembre 2016. Mais aujourd’hui, il faudrait plutôt utiliser le pluriel, et parler de « Trump Trades ».

Nous connaissions le Trump Trade conjoncturel lors de la première élection. Nous allons connaître aujourd’hui le Trump Trade structurel.

Ces deux types de stratégies auront des profils rendement/risque différents et s’adressent à des intervenants qui ont des horizons d’investissement différents.

Le nouveau type de Trump Trade peut être qualifié de structurel et est fort bien analysé au sein des Publications Agora. James Altucher l’expliquait récemment : avec la nouvelle administration Trump, « les marchés intègrent déjà dans les cours ce tsunami de changements à venir : la baisse de l’impôt sur les sociétés, la réduction spectaculaire de la réglementation et une politique commerciale agressive ‘America First’ (l’Amérique d’abord), qui pourrait redéfinir le commerce mondial », ainsi que l’investissement massif « dans l’IA et l’informatique quantique – signe qu’un nouveau chapitre de la domination technologique américaine va s’ouvrir ». Certaines de ces évolutions structurelles fortes seront irréversibles et s’adressent à des investisseurs de long terme.

Revenons alors au Trump Trade conjoncturel (qui n’exclut pas bien entendu le Trump Trade structurel) pour lequel l’horizon d’investissement (ou plutôt de trading) est court termiste (quelques semaines, voire quelques mois), et les incertitudes beaucoup plus fortes.

Avec la première élection de Donald Trump, nous avons expérimenté ce Trump Trade conjoncturel fin 2016. Rappelez-vous, les marchés pariaient sur une politique très reflationniste du nouveau président US (relance budgétaire, protectionnisme officiel avec risques d’inflation, hausse des taux longs, des indices boursiers et du dollar renforçant alors le discours dévaluationniste de l’administration US).

Une hausse violente des taux longs US pas vue pour l’instant (qui résulterait en un effondrement du cours des obligations) serait en tout cas pleinement justifiée au regard des évolutions suivantes.

Au total, un mélange assez hétérodoxe d’économie de l’offre et d’économie keynésienne.

Certes, il est difficile d’évaluer l’inflation venant d’un renforcement du protectionnisme US. D’après les calculs de Natixis au début de la présidence « Trump 1 », une taxation des importations de 20% aux Etats-Unis entraînerait (compte tenu d’un poids des importations autour de 15% dans le PIB US) une hausse de 3 points des prix intérieurs des Etats-Unis. Si tel était le cas, l’inflation rebondirait au-dessus de 5% en rythme annuel d’ici fin 2025.

Cette situation conduirait immanquablement à réviser à la baisse les perspectives de croissance : nous verrions un ralentissement des exportations dans un contexte de réponses au protectionnisme US, et un pouvoir d’achat des ménages pénalisé par l’inflation, ce qui pèserait sur la consommation. La Fed ferait face à un conflit d’objectifs inflation-croissance dans la conduite de sa politique monétaire, avec comme conséquence une poursuite de la repentification de la courbe des taux, mais par le haut (soit une forte hausse des taux longs US, pénalisés par les fortes anticipations d’inflation et stabilité des taux courts, donc une pause dans le cycle de baisse des Fed Funds).

Quoi qu’il en soit, la contradiction majeure du Trump Trade conjoncturel est de nature à accroître la volatilité sur les marchés de taux et de change, ainsi que sur les indices boursiers. En effet, nous allons être en présence de la mise en oeuvre d’une politique économique qui entraînera une appréciation du dollar. Or, cette appréciation ne correspond pas à la volonté de l’administration « Trump 2 », malgré un discours MAGA réaffirmé. La volonté de la nouvelle administration est de prendre des parts de marchés au monde entier.

Nous verrons dans notre prochain article les conséquences de cette guerre commerciale.

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