La Chronique Agora

Trump : à quand le grand bouleversement attendu ?

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Promesses de relance, slogans martiaux et politique de perturbation : l’administration Trump affiche une ambition historique. Mais derrière les effets d’annonce, ni l’industrie américaine, ni l’emploi, ni même la réduction de l’Etat ne suivent.

Aucun analyste financier – aussi étincelantes que soient ses bretelles… et aussi tape-à-l’oeil que soit son noeud papillon – ne mérite la moindre attention s’il n’a pas traversé la révolution Reagan. C’est là qu’il a pu observer, en direct, la maladroite interaction entre le pouvoir politique et les politiques monétaires.

La promesse de Reagan de réduire l’emprise de l’Etat fut un échec : jamais le gouvernement ne s’était autant développé. Mais il eut le mérite de soutenir Paul Volcker, qui, lui, parvint à briser l’inflation galopante. Ce fut le point de départ d’un véritable boom économique.

Les jeunes analystes n’ont même pas conscience de la chance qu’ils ont. L’équipe Trump est la plus ambitieuse en matière de nouvelles politiques depuis Franklin Roosevelt. Mais la quasi-totalité de ces mesures finiront par se retourner contre leurs auteurs ou disparaîtront dans l’oubli.

La presse s’émerveille : l’équipe Trump « bouleverse » l’ordre établi, annonce-t-elle. Elle parle de politiques « qui changent la donne ».

Alléluia !

Les choses doivent être perturbées, car sans bouleversements, le pays file tout droit vers la crise et le chaos.

Mais à y regarder de plus près, le jeu reste à peu près le même.

Fortune rapporte :

« ‘Cela va entraîner la construction de nombreuses usines, notamment dans le secteur automobile’, déclarait Donald Trump en mars, au moment d’annoncer ses droits de douane. ‘Vous allez voir des chiffres d’emplois comme jamais auparavant. Beaucoup de gens vont fabriquer beaucoup de voitures.’

Mais ce grand plan pour relancer le travail des cols bleus pourrait bien se retourner contre lui. Les droits de douane de 25% sur les voitures importées, imposés par le président, risquent en réalité de détruire des emplois dans l’industrie automobile américaine… exactement l’inverse de l’objectif affiché. »

La véritable cause de l’effondrement de la capacité manufacturière américaine ne réside pas dans ses politiques de libre-échange passées, mais bien dans ses politiques monétaires qui favorisent la fausse monnaie !

Et sur ce front, aucune remise en question sérieuse n’a été proposée. Résultat : attendez-vous à des politiques plus souples… mais certainement pas à un véritable boom.

Prenez les slogans tapageurs de Trump : drill baby, drill (fore bébé, fore) et sa guerre commerciale. Là encore, l’effet stimulant promis sur l’industrie pétrolière américaine se fait attendre.

NBC News le rappelle :

« Le président Donald Trump veut relancer l’industrie pétrolière et gazière dans le cadre de son programme de domination énergétique. Mais dans les 100 premiers jours de son second mandat, les entreprises de forage et d’entretien des puits ont plutôt encaissé une sévère raclée. Les prix du brut américain sont tombés sous les 65 dollars le baril, en baisse de plus de 20% depuis le début de l’année. A ces niveaux de prix, il n’est tout simplement plus rentable pour de nombreuses sociétés d’augmenter leur production, selon une enquête de la Réserve fédérale de Dallas. »

Les producteurs à bas coût sont au Moyen-Orient et en Russie – pas aux Etats-Unis. Et quand les prix dégringolent, ce sont les producteurs marginaux qui trinquent, pas les géants du désert saoudien.

La politique énergétique de Trump était censée relancer l’industrie pétrolière américaine. Elle risque plutôt de la conduire à la faillite.

Bloomberg rapporte :

« Le pétrole a plongé après que l’OPEP+ a annoncé une nouvelle hausse massive de sa production. De quoi raviver les craintes d’un excès d’offre mondial, au moment même où la guerre commerciale pèse déjà lourdement sur la demande. »

Les politiques activistes échouent toujours. Pourquoi ? Parce qu’elles perturbent les arrangements naturels et spontanés que les individus concluent entre eux.

Livrées à elles-mêmes, les entreprises commercent avec qui elles veulent, et comme elles l’entendent. C’est ça, le vrai libre-échange : ne pas imposer ses diktats aux autres en matière de monnaie ou de main-d’oeuvre.

Mais l’équipe Trump débarque avec sa « politique commerciale ». Et que se passe-t-il ?

Le commerce ralentit. Les transitaires baissent la tête, les ports à conteneurs tournent au ralenti. Bloomberg rapportait récemment qu’un seul navire, en route vers le port de Long Beach, se voyait déjà infliger 417 millions de dollars de nouveaux droits de douane.

Finalement, qui paie la facture ? Les consommateurs et les investisseurs. Résultat : les gens obtiennent moins de ce qu’ils veulent… et le paient plus cher. Et pendant ce temps, l’administration se félicite de sa « victoire ».

Même lorsque les autorités fédérales s’efforcent de revenir sur des erreurs politiques antérieures, elles n’y parviennent pas.

Prenons les derniers chiffres de l’emploi, par exemple. Le DOGE a secoué la main-d’oeuvre fédérale. Selon la presse, des centaines de milliers d’employés fédéraux ont été mis à la rue. L’ensemble de l’establishment fédéral est donc censé être aussi silencieux et lugubre qu’une morgue vide.

Mais attendez… Les chiffres de l’emploi racontent une tout autre histoire. L’emploi total augmente, il ne diminue pas. Où sont donc passés ces fameux travailleurs fédéraux censés avoir disparu ? En y regardant de plus près, on découvre que le nombre de fonctionnaires fédéraux est aujourd’hui quasiment identique à ce qu’il était il y a un an, sous la présidence de Joe Biden.

Il y avait 2 378 000 employés fédéraux à l’époque. Devinez combien le mois dernier ? 2 379 000.

Certes, l’emploi fédéral est en légère baisse depuis janvier et a reculé de 9 000 en avril, mais il reste pratiquement au même niveau qu’il y a un an. Peut-être que l’enquête du BLS ne tient pas encore compte des travailleurs récemment licenciés qui perçoivent toujours leurs indemnités et sont donc comptabilisés comme « employés ». Nous en saurons plus le mois prochain.

Et du côté de l’industrie manufacturière ? Les droits de douane devaient inciter les entreprises à relocaliser leurs usines aux Etats-Unis. Si c’est le cas, elles n’ont visiblement pas encore commencé à embaucher. Les derniers chiffres montrent même que l’emploi manufacturier a reculé de 1 000 postes.

Ces derniers jours, l’Hannibal américain, Pete Hegseth, a annoncé une réduction de 20% du nombre de généraux de haut rang.

Newsweek rapporte :

« L’administration Trump réduit le nombre de généraux dans le but de réduire l’ampleur du Pentagone. »

Mais attendez encore… L’équipe Trump prévoit en parallèle d’augmenter le budget du Pentagone de 13%, pour le porter à 1 000 milliards de dollars – soit une hausse de 113 milliards.

Un bouleversement ? Un changement de donne ?

Pas vraiment.

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