La Chronique Agora

Le trou noir des taux zéro

La Fed est piégée : les Etats-Unis croulent sous une dette insupportable… et sont prisonniers du « trou noir » des taux zéro.

« Nous n’allons probablement jamais sortir des taux zéro. »

C’est la conclusion du célèbre gestionnaire de hedge fund Kyle Bass.

M. Bass est d’avis que l’économie américaine va retomber en récession d’ici l’année prochaine et que la Fed décidera alors de ramener ses taux d’intérêt directeurs à zéro.

Un niveau auquel ils resteront bloqués pour toujours… un nouveau monde qui ne prendra jamais fin.

L’économie se retrouvera alors attirée dans le piège du « trou noir » des taux zéro :

« Comme nous l’avons tous constaté, une fois qu’une économie est attirée par le trou noir des taux zéro, il est quasiment impossible de s’en sortir […]. Les chiffres de la croissance économique vont ralentir et la croissance réelle pourrait tomber à zéro. Nous n’allons probablement jamais ressortir de la politique de taux zéro. »

Nous craignons que Bass ait raison.

Accro aux mesures de secours

Tel un homme branché à un appareil respiratoire, l’économie US est incapable de respirer par elle-même.

La crise financière de 2008 a provoqué une violente contraction de ses poumons. La Fed est venue à la rescousse, a branché les réserves d’oxygène… et ne les a plus jamais retirées.

N’étant plus utilisé, l’appareil respiratoire naturel de l’économie s’est donc progressivement atrophié.

A présent, retirez l’oxygène… et vous risquez d’avoir un sérieux problème sur les bras.

Le Dr. Powell a bien tenté de retirer cette assistance respiratoire – mais le patient s’est immédiatement mis à gargouiller, tousser et se débattre.

Il ne renouvellera pas sa tentative. En fait, il s’apprête même à donner encore davantage d’oxygène au patient.

Sauf que l’économie aurait pu respirer librement… si seulement ils l’avaient laissé reprendre son souffle par elle-même après la crise.

Au départ, elle aurait sans doute haleté de façon inquiétante.

Mais cela aurait permis d’apurer l’économie des excès de la bulle qui avait précédé… et de remplir graduellement ses poumons de l’air vivifiant du capitalisme honnête. Elle aurait réussi à reprendre son souffle par elle-même.

Au lieu de ça, elle doit maintenant supporter des tubes respiratoires.

Une charge insupportable

La dette totale des Etats-Unis, publique et privée, a augmenté de près de 21 000 Mds$ au cours de cette dernière décennie. Elle atteint à présent le montant invraisemblable de 73 000 Mds$.

Le PIB quant à lui représente 20 000 Mds$.

Cela signifie que pour chaque dollar de PIB, l’économie supporte une dette de quasiment 3,65 $.

L’économie croule littéralement sous ce fardeau.

Une hausse des taux d’intérêt augmenterait encore davantage le coût de cet endettement.  Toute augmentation significative des taux d’intérêt alourdirait trop fortement la charge… et l’économie s’effondrerait.

Comparez le ratio d’endettement par rapport au PIB d’aujourd’hui avec celui de l’année 1970 – lorsque les activités de la Fed étaient encore restreintes par l’étalon-or :

Non, l’économie ne pourrait pas supporter des taux d’intérêt plus élevés – ou même des taux d’intérêt conformes à la moyenne historique.

La Fed est piégée.

Un tigre de papier

Il y a un plus gros problème :

Comme nous avons cherché à le démontrer, la Fed ne peut pas augmenter les taux d’intérêt.

Cependant, réduire les taux d’intérêt ne fonctionnera pas non plus, ce serait comme essayer de redonner de l’oxygène à un cadavre. Le poids de la dette aujourd’hui est simplement devenu insupportable.

C’est ce qu’explique notre ancien collègue David Stockman :

« [Nous sommes à présent] dans une situation que l’on pourrait décrire comme le pic de la dette, qui reflète le fait qu’une large partie des ménages et des entreprises ont atteint le maximum de leur capacité d’endettement.  

Par conséquent, réduire les taux d’intérêt est de moins en moins efficace pour l’économie réelle en raison du poids absolument écrasant de la dette. En fait, au premier trimestre 2019, la dette US publique et privée totale représentait 73 000 Mds$, en augmentation de 21 000 Mds$ par rapport au précédent pic du quatrième trimestre 2007, juste avant la crise… 

Le poids de la dette par rapport au revenu national a plus que doublé (3,34x contre 1,48x) par rapport au ratio d’endettement traditionnel qui a prévalu durant un siècle, entre 1870 et 1970. Quantitativement, cela représente 40 000 Mds$ de dette supplémentaire que l’économie américaine doit supporter.  

Il va sans dire qu’il est de plus en plus difficile pour la Fed d’encourager les agents économiques à emprunter et à dépenser encore davantage, compte du fait que le revenu national nominal s’élève à 21 000 Mds$. C’est tout simplement un problème de rendement décroissant, avec des taux d’intérêt qui sont déjà quasiment au planchait et qui ne peuvent être que faiblement réduits – combiné au fait que la capacité d’endettement des agents économiques est déjà épuisée. » 

La Fed a donc en réalité beaucoup moins d’impact que ce que les gens pensent habituellement.

Comme nous l’avons déjà expliqué précédemment… la Fed est un géant aux pieds d’argile, un marionnettiste, un tigre de papier.

C’est la raison pour laquelle nous nous attendons à ce qu’elle échoue à faire face à l’inévitable récession à venir.

C’est également pour cette raison que nous anticipons cette fois-ci une tentative de sauvetage de l’économie par le biais de la politique budgétaire, et non monétaire.

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