La Chronique Agora

Les trois risques systémiques qui nous guettent en 2023

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Le début d’année est l’occasion, pour les investisseurs, de faire le point sur les prises de participation et d’adapter leur stratégie au contexte macroéconomique.

Si les traditionnels exercices de prédictions sur ce que feront les marchés relèvent plus du divertissement et de la divination que de l’analyse financière, prendre le temps d’évaluer la situation au 1er janvier est nécessaire pour maximiser ses profits et éviter les pertes sur l’année qui débute.

Car les années se suivent mais ne se ressemblent pas. Début 2021, il fallait investir dans un contexte de pandémie durable et de tensions sur les chaînes d’approvisionnement internationales. Début 2022, les investisseurs avisés se penchaient sur les questions énergétiques et anticipaient la pénurie (dont la guerre en Ukraine n’a été qu’un catalyseur, le prix du gaz en Europe ayant commencé à s’emballer dès l’été 2021).

En ce début 2023, voici les trois principaux changements de paradigme qui pourraient se répercuter sur nos investissements. Pour ceux qui se seront laissés surprendre, il s’agira de « menaces » ou de « risques » sur les marchés qui justifient de se séparer de ses actions dans un sauve-qui-peut général.

Ceux qui les auront anticipés, en revanche, y verront une simple redistribution des cartes macro-économiques… et une opportunité de gains.

Changement n°1 : bientôt un manque de pétrole ?

La guerre en Ukraine se prolonge, et avec elle les tensions économiques entre l’Europe et la Russie.

A dire vrai, je suis, en ce début d’année, bien plus optimiste quant à nos approvisionnements en gaz qu’il y a six mois. Notre tissu économique s’est adapté dans la douleur, mais il s’est adapté.

S’il ne faut pas espérer une résurrection miraculeuse des entreprises touchées de plein fouet par la hausse du prix du gaz, les survivantes qui parviennent encore à avoir une activité rentable sur la fin d’année 2022 devraient continuer de pouvoir travailler en 2023. Leur position pourrait même être plus solide qu’il y a un an si certains de leurs concurrents ont fait faillite dans l’intervalle.

L’approvisionnement en pétrole, en revanche, sera la prochaine crise à gérer. En réponse à l’introduction par l’Union européenne, le G7 et l’Australie d’un plafonnement du prix de l’or noir russe, le Kremlin pourrait réduire sa production de pétrole cette année.

Or, la production russe (toutes qualités de pétrole confondue) est de près de 10 millions de barils par jour (9,7 Mb/j sur les chiffres consolidés d’octobre 2022). La Russie est le second producteur en volume de l’OPEP+, et répond à elle seule à 10% de la demande mondiale.

Soyons clairs : de la même manière que nous ne pouvions pas nous passer du gaz russe sans effets majeurs sur notre économie, nous ne pouvons pas nous passer du pétrole russe, qui coule encore à flots aujourd’hui en passant par des pays tiers.

Si le gaz naturel représente environ 20% de l’énergie totale consommée en Europe, le pétrole représente 36%, soit 1,8 fois plus. Toute baisse de disponibilité aura donc des effets majeurs sur notre PIB. Comme pour le gaz en 2022, les acheteurs les moins solvables risquent de devoir s’effacer en cas de pénurie, et cesser toute activité.

Changement n°2 : une crise de liquidité digne des subprime ?

Le mois dernier, le géant Blackstone a dû plafonner les demandes de rachat de son fonds immobilier phare. Le PDG a eu beau jeu d’affirmer que les rachats de parts étaient dus à des « investisseurs en difficulté financière », le tour de passe-passe sémantique ne trompe pas. Mélanger causes et conséquences est un sophisme éculé, et le plafond de retrait imposé en urgence par Blackstone est un problème en soi – peu importe ce qui l’a causé.

Quelques mois plus tôt, nous assistions au Royaume-Uni à un véritable krach obligataire. Le 27 septembre, les emprunts à 30 ans britanniques (Gilt) ont vu leur rendement bondir de 115 points de base en une matinée. Bien sûr, la Bank of England a promptement rassuré les marchés en sortant l’artillerie lourde… mais le mal était fait, et le Gilt a retrouvé quelques semaines plus tard des niveaux quasi-identiques.

Évolution du rendement des emprunts d’Etat à 30 ans britanniques. Les flash-krachs ne font que confirmer la tendance de fond. Source : Marketwatch.com

Les plus jeunes analystes qui n’ont pas encore connu de crise financière majeure verront dans ces deux anecdotes des épiphénomènes… Ceux qui se souviennent des crises passées savent que les maillons les plus faibles de la chaîne économique craquent par définition les premiers.

Des tensions sur l’obligataire, des gérants de fonds qui ne peuvent répondre à la demande : voilà le signe indubitable d’un assèchement de la liquidité.

En 2023, malgré l’inflation, l’argent vaudra cher. S’il n’est jamais bon de liquider toutes ses positions et d’être cash-only, garder de l’argent pour être en mesure de ramasser le papier à bon prix pourrait être une stratégie gagnante dans les six prochains mois.

Changement n°3 : vivre sans la BCE ?

Voilà encore un changement de contexte que toute une génération d’investisseurs et de décideurs ne sait comment aborder : la disparition du rôle d’acheteur de dernier recours des banques centrales.

Après quasiment 15 ans de « quoi qu’il en coûte » monétaire, la sphère financière s’est habituée à pouvoir s’appuyer sur la BCE pour maintenir la stabilité – voire la hausse continue – du prix des actifs.

Nous n’avons eu de cesse, dans ces colonnes, de vous rappeler le rôle crucial qu’ont eu les largesses monétaires dans l’émergence de la « bulle de tout », qui a fait flamber de concert le prix des actions, des obligations, mais aussi de l’immobilier dans toute l’Europe.

Mais cet argent gratuit avait aussi un rôle d’anesthésiant pour les citoyens, les investisseurs, et les dirigeants. En maintenant des prix en hausse quasi-perpétuelle et en diminuant progressivement le coût de l’argent, la BCE a fait émerger une stratégie gagnante à tous les coups : vendre la volatilité et augmenter son endettement.

Au fil du temps, les acteurs économiques ont fini par intégrer ce mode de fonctionnement comme une évidence. Et toute une génération d’analystes, d’investisseurs, et même d’hommes politiques considère même cela comme la manière dont fonctionne une économie normale.

Ce n’est historiquement pas le cas, et 2023 pourrait être l’année du retour au fonctionnement classique.

Cette année, les Etats de la Zone euro vont devoir emprunter comme jamais. Les émissions de dette devraient dépasser les 1 200 Mds€ sur le Vieux Continent. Du côté des acteurs privés, les entreprises surendettées vont se heurter – certaines pour la première fois – au mur du refinancement et verront leur banque leur refuser d’ajouter de la dette à la dette. Chez les particuliers, les emprunteurs immobiliers vont voir les refus de dossier se multiplier, causant un assèchement de la demande.

Ces tensions croissantes surprendront ceux qui pensaient que la décennie 2010-2020 était la nouvelle norme. Les montages financiers basés sur le château de cartes de l’argent facile (comme le budget de l’État français) vont s’effondrer. Il est temps de revenir aux méthodes d’investissement de nos parents. Non pas qu’ils aient été dotés d’une sagesse qui nous fait défaut, mais parce que l’année 2023 pourrait, financièrement parlant, plus ressembler aux années au siècle passé qu’aux années 2000.

Si vous anticipez ces trois facteurs, vous maximiserez vos chances de traverser 2023 sans encombre.

Adaptez simplement votre allocation d’actifs en conséquence… et rendez-vous en décembre pour en récolter les fruits !

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