Un enchaînement de décisions politiques depuis plusieurs années permet d’expliquer la chute des Bourses sur 2022, et pourquoi la situation ne va pas s’arranger de sitôt.
Un lecteur m’a récemment écrit pour me dire qu’il était perplexe.
L’économie n’est pas en si mauvaise posture, soulignait-il : la croissance est ressortie à 2,6% au troisième trimestre – supérieure aux prévisions –, les embauches et les salaires restent dynamiques, le chômage bas et la plupart des résultats d’entreprise ont surpassé les attentes.
« Alors pourquoi », demandait-t-il, « le marché actions est-il si désastreux, cette année ? »
Réponse : à cause des taux d’intérêt, des taux d’intérêt… et des taux d’intérêt.
Certes, les chaînes d’approvisionnement mondiales sont encore très perturbées (comme l’explique Jim Rickards ici). Et la guerre en Ukraine n’a rien arrangé.
Mais si les actions – et les obligations, d’ailleurs – subissent un marché baissier, cette année, c’est presque entièrement dû à la réaction de la Réserve fédérale (et du marché obligataire) face à la plus forte hausse de l’inflation jamais enregistrée en 41 ans.
Autrement dit, à une hausse brutale des taux.
Le niveau des taux d’intérêt est le premier indicateur pris en compte dans presque toutes les décisions financières importantes.
Quand le prix le plus important explose
Des taux d’emprunt immobilier affichant un plus bas record ont provoqué un boom de l’immobilier.
Ces microscopiques coûts d’emprunt ont permis aux consommateurs, entreprises et gouvernement de dépenser à moindre frais.
Avec des rendements au ras du sol, les obligations et les liquidités sont devenues peu attractives, par rapport aux actions.
Et les taux d’intérêt proches de zéro ont jeté de l’huile sur le feu du marché actions pendant près de 13 ans.
Mais, à présent, ils sont bien plus élevés. Et on le doit à trois mesures erronées prises par des gouvernements du monde entier.
La première, ce fut de fermer l’économie mondiale en réaction à la propagation du Covid-19, au lieu de réagir rapidement et efficacement afin de protéger la santé des plus vulnérables, à savoir essentiellement les personnes âgées et celles souffrant de comorbidités.
Si l’on avait réagi de façon moins draconienne, cela aurait également permis de prévenir la deuxième mesure erronée : l’explosion des dépenses publiques.
La pandémie allait de toute façon exiger une réaction budgétaire massive. C’était inévitable.
Mais selon une célèbre déclaration de Rahm Emanuel, « il ne faut jamais gâcher une bonne crise ».
Les politiciens ont fait en sorte que des milliers de milliards de dollars supplémentaires soient dépensés en projets à vocation électoraliste, et disons-le tout net, pour s’acheter des voix.
Aucun politicien ne voulait être accusé d’avoir fait trop peu. Alors ils se sont appliqués à en faire trop. (Après tout, ce n’est pas comme s’ils dépensaient leur propre argent).
Trop d’argent face à trop peu de biens et services : c’est la définition classique de l’inflation.
Lorsque vous fermez les entreprises et que vous inondez d’argent l’économie, le résultat est totalement prévisible : une inflation élevée.
Les esprits animaux sont lâchés
Ce qui l’était moins, ce fut la troisième mesure erronée : la décision officielle de la Réserve fédérale (et d’autres banques centrales), l’an dernier, de laisser flamber l’inflation bien au-delà de l’objectif des 2%.
Une fois que les chiens – ou les esprits animaux – ont été lâchés, il a été difficile de les contrôler.
Comme la Fed a laissé flamber l’inflation, elle a dû prendre des mesures très strictes : relever les taux d’intérêt par tranches de trois quart de points au rythme le plus rapide jamais enregistré en plus de 30 ans.
Ce n’est pas qu’un puissant remède, c’est un traitement risqué.
Si les banques centrales relèvent les taux d’un quart de point, en général, c’est parce que cela leur offre une chance de marquer une pause pour examiner les conséquences de leurs actes.
Est-ce que les ventes au détail baissent ? Est-ce que les recrutements ralentissent ? Est-ce que les investissements des entreprises chutent ?
Mais, quand l’inflation flambe – même si les chiffres publiés récemment ont révélé que les hausses de prix continuaient à se modérer –, on n’a pas le temps de réfléchir.
A la place, la Fed s’emploie donc à éteindre l’incendie qu’elle a allumé, en allant peut-être trop loin, au risque de faire sombrer l’économie dans une récession.
Ces trois mesures erronées – les confinements, l’explosion des dépenses publiques et l’effet décalé du resserrement de la Fed – sont les vrais coupables à l’origine du marché baissier de cette année.
Et si le sell-off a été ressenti différemment, par rapport aux précédents, c’est à cause de cela.
Au cours des 40 dernières années, lorsque l’activité économique a commencé à faiblir et le marché actions à chanceler, la Fed est généralement intervenue pour alléger les souffrances en baissant les taux.
Cela ne va pas arriver, cette fois.
La Réserve fédérale a un double mandat : le plein emploi et une faible inflation.
Le chômage s’approchant d’un plus bas record et l’inflation étant élevée au point de l’inacceptable, la banque centrale a le feu vert pour relever les taux.
Cela signifie que le fameux « put de la Fed » est mort, pour l’instant.
Si vous recherchez une lueur d’espoir, dans tout cela, la voici : ces facteurs sont largement admis, désormais, et déjà intégrés dans le cours des actions.
Toutefois, les marchés ont tendance à baisser exagérément, tout comme ils peuvent grimper exagérément.
Voilà pourquoi les actions ont amorcé un puissant rally lorsque les derniers chiffres de l’inflation publiés ont été meilleurs que prévu.
Un véritable changement d’orientation du marché est peut-être en cours, et il pourrait durer plus longtemps que ne le prévoient la plupart des investisseurs.
Demain, je vous indiquerai comment positionner votre portefeuille en conséquence.