La Chronique Agora

Le triste anniversaire du « whatever it takes »

Mario Draghi, BCE, euro

Peu d’observateurs ont noté la durée symbolique de dix ans qui sépare exactement :

Mais il n’y a pas que cela.

A quoi sert la BCE

Le 21 juillet 2012, Mario Draghi déclarait que « l’euro est irréversible ». Le 21 juillet 2022, dix ans plus tard jour pour jour après cette déclaration fracassante, le même Mario Draghi présentait sa démission de la présidence du Conseil italien au président de la République, Sergio Mattarella, lequel l’avait refusée dans un premier temps, avant de se résigner à l’accepter et à dissoudre la Chambre dans la foulée.

Le départ de Mario Draghi – qui ressemble à un sauve-qui-peut – est un signal d’alarme pour l’avenir de l’euro. Sa présence au gouvernement italien et l’aura qu’il continuait d’exercer sur la politique monétaire européenne réconfortaient les investisseurs.

A l’inverse, sa successeur, Christine Lagarde, leur apparaît comme profondément incompétente depuis qu’elle a expliqué benoitement en mars 2020 qu’elle n’était pas là pour réduire les spreads entre les Etats de la zone euro. Elle s’était ensuite repentie – non sans avoir été dument gourmandée par la presse et les européistes – mais le mal était fait.

La BCE à nouveau contrainte de dégainer

Autre symbole, c’est cette même journée, décidément funeste pour l’euro, du 21 juillet 2022, que la BCE a divulgué les détails de sa nouvelle arme « anti-fragmentation » destinée, une fois encore, à sauver l’euro. Il aura suffi que la BCE annonce il y a quelques semaines le durcissement de sa politique monétaire, sur fond d’inflation et de conflit larvé entre les pays du « nord » et ceux du « sud » de la zone euro, pour que les marchés spéculent derechef sur l’éclatement de la monnaie européenne.

Si l’on regarde dans le détail, la BCE a annoncé la mise en place d’un « instrument de protection de la transmission » (IPT). Le principe qui se cache derrière ce jargon abscons est que la BCE pourra racheter des dettes souveraines dans le marché secondaire de façon illimitée, mais à des conditions drastiques, sans doute exigées par les pays du « nord », Allemagne en tête.

C’est, comme toujours avec l’euro, une cote mal taillée qui ne satisfait personne. Elle camoufle mal les intérêts divergents et même les oppositions féroces au sein du Conseil des gouverneurs. Rappelons d’ailleurs que dans une déclaration du 4 juillet 2022, Joachim Nagel, le président de la Bundesbank, s’était opposé à tout nouveau soutien aux pays endettés qui donnerait l’impression que ces derniers pourront bénéficier d’un financement avantageux pour toujours.

Parmi les conditions pour bénéficier de cet instrument, figure le respect des recommandations faites par le Conseil européen dans le cadre des grandes orientations des politiques économiques (les GOPEs) établies par l’article 121 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. C’est une nouvelle confirmation que ces recommandations ont un caractère obligatoire et que l’Union européenne a des moyens de rétorsion redoutables contre les Etats récalcitrants. C’est aussi une énième preuve que les responsables politiques français qui disent que l’on pourrait s’asseoir dessus dissimulent la vérité.

Il y a d’autres conditions : l’Etat bénéficiaire doit présenter une trajectoire budgétaire et fiscale agréée par la Commission européenne, et ne pas être ciblé par des procédures pour déficit ou déséquilibres macroéconomiques excessifs. Derrière ces conditions et, plus généralement derrière les annonces du 21 juillet de la BCE qui comprennent aussi le prolongement du réinvestissement des tombées des programmes d’achat d’actifs PSPP et PEPP, se profilent déjà de nouveaux affrontements entre le « nord » et le « sud » de la zone euro.

Il fait peu de doute que la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe, qui avait posé de sévères limites aux programmes de rachat d’actif de la BCE en mai 2020, sera encore invitée à s’exprimer.

Plus la réalité démontre que l’euro est voué à l’échec, plus les tenants du dogme européiste se cabrent et cherchent à imposer leur narratif face aux faits, et à « leur formidable éloquence » comme disait Friedrich Nietzche. Mais la vérité a un avantage sur le mensonge : c’est qu’elle dure.

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