Aujourd’hui, nous poursuivons notre analyse des conséquences des élections européennes sur le paysage politique français.
Dans l’épisode précédent, diffusé le dimanche 26 mai à 20h sur toutes les chaînes de France et de Navarre, Emmanuel Macron s’est retrouvé seul face à un champ de ruines politiques.
Les Républicains ont mis un certain temps à comprendre ce qui leur arrivait, à l’image de Rachida Dati prise en sandwich entre Daniel Cohn-Bendit et Gilbert Collard, dans une altercation à la hauteur de l’offre politique en présence sur le plateau de TF1.
Une fois de plus, la journaliste de Contexte Diane de Fortanier a fait mouche, en résumant parfaitement la campagne dans l’un de ces tweets lapidaires dont elle a le secret.
Quel élu LR recevra la palme de l’excuse la plus bidon du siècle ?
La riposte des Républicains ne s’est pas faite attendre. Nous avons très rapidement assisté à une avalanche de candidats LR à la palme de l’excuse la plus ridicule.
A chaud, le député du Pas-de-Calais Daniel Fasquelle a tenté d’expliquer que si Les Républicains s’étaient pris une telle déculottée, c’était parce qu’Emmanuel Macron n’avait pas été gentil avec eux :
Il est vrai que les députés LR avaient tout donné jusque dans la dernière ligne droite avant le scrutin, par exemple en déposant ce genre d’amendement indispensable à la sauvegarde des intérêts de nos concitoyens…
Combien d’années de politique faudra-t-il à Daniel Fasquelle, qui use les bancs de l’Assemblée nationale depuis 2007, pour adopter une attitude plus responsable ? Comme vous pouvez le constater, je ne suis pas le seul à me poser la question…
Olivier Maurice ne dit pas autre chose lorsqu’il rappelle que la droite a toujours eu le choix entre la défense de la liberté et la collaboration avec les valeurs de l’étatisme. Il écrit sur Contrepoints :
« [La droite] pâtit sévèrement de n’avoir pas compris que ses électeurs attendaient un message de conquérant, pas un message de victime. Il y a une énorme différence entre un électeur qui pense que la France est avant tout une des cinq grandes puissances mondiales et qui ne comprend pas pourquoi Microsoft, Apple, Facebook, Google, Amazon ne sont pas des multinationales françaises, et un électeur qui veut que le peuple prenne le pouvoir pour que l’État le protège de ces mêmes multinationales. Il existe une énorme différence entre Londres et Vichy. »
Trois jours après la déclaration du député Fasquelle, sans doute après une intense séance de brainstorming où toutes les facultés à disposition ont été mobilisées, Valérie Debord a débarqué sur le plateau de LCI avec l’explication suivante :
La vice-présidente du conseil régional du Grand Est n’a pas complètement tort. Mais de là à expliquer les 8% de son parti…
Les Républicains ont-ils vraiment vocation à perdurer en tant que parti politique ?
Quelques jours après les résultats, Benjamin Morel, docteur en science politique, constatait sur Le Figaro :
« Les électeurs LR sont plus des conservateurs libéraux, ses militants des gaullo-conservateurs et ses élus des centristes orléanistes. C’est un peu caricatural, mais les élus LR qui représentent la principale force du parti aujourd’hui sont assez proches d’une ligne LREM ; les électeurs qui restent à LR sont plus proches d’une ligne RN. C’est un enfer à gérer pour toute direction de parti. LR ne peut plus être un parti ‘attrape-tout’ comme il le fut jadis. Le grand parti du centre et de la droite, c’est une idée morte. »
Même si les troupes LR sont d’envergure assez réduite, comme le relève Hélène Kaplan, on pouvait s’attendre à ce qu’elles soient convoitées de part et d’autre de l’échiquier politique.
On ne se sera donc pas étonnés que Judith Waintraub, la directrice générale de l’ISSEP (Institut des sciences sociales, économiques et politiques) soit sortie du bois en voulant faire accroire qu’elle avait viré libérale quelque part entre les présidentielles et les européennes.
Il s’agit certes d’un indéniable progrès par rapport au programme du RN, mais il y a encore du boulot, comme le relève Daniel Tourre :
Pour ce qui est de Laurent Wauquiez, il a mis un peu de temps à savoir sur quel pied danser. Du haut de ses 8%, voici ce qu’il a trouvé moyen de déclarer une fois officialisés les résultats provisoires :
Heureusement, il n’aura fallu attendre qu’une semaine pour que le président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes renonce à ses fonctions de président des Républicains. Très curieusement, il n’aura pas réussi à rassembler suffisamment de soutiens pour garder sa famille politique réunie autour de son nom…
Heureusement, sans quoi la France aurait une nouvelle fois fait tache au niveau européen en termes de pratiques politiques…
La bonne nouvelle, c’est que Les Républicains ont réussi à trouver le successeur par intérim idéal à Laurent Wauquiez, compte tenu de l’état de santé de leur parti.
Emmanuel Macron ne fera pas de prisonniers
Le président l’a fait savoir par la voix de l’un de ses troisièmes couteaux qui vient de se faire recaser : lors des municipales, il n’y aura pas de quartier !
En réalité, à l’instar de Daenerys Targaryen, il y a belle lurette qu’Emmanuel Macron n’est plus dans une logique de distinction entre adversaires et ennemis politiques. Il n’y a plus pour lui que deux camps : le sien – et l’autre, qu’il convient de détruire.
Sur ces entrefaites, de nombreux élus locaux se sont découvert une passion soudaine pour le parti présidentiel.
Ainsi, le maire LR de Quimper, Ludovic Jolivet, a déclaré le 31 mai : « mon parti, Les Républicains, n’aurait pas dû se placer ostensiblement dans le sillage des populistes », avant de rejoindre la formation Agir, fondée par des ex-LR pro-Macron après la présidentielle. Quel dommage ! S’il s’en était rendu compte ne serait-ce qu’une semaine auparavant, il se serait épargné de passer pour un résistant de la 25ème heure…
A sa décharge, il est loin d’être le seul. Au 10 juin, pas moins de 72 élus locaux étaient en passe de rejoindre les rangs du vainqueur.
Evidemment, cet aplaventrisme ne pouvait qu’amuser le député Joachim Son-Forget, lequel a fait l’exact chemin inverse, sans cependant attendre que certains de ses petits camarades ne le suivent.
Les Républicains ainsi déchiquetés, certains observateurs voient désormais en Emmanuel Macron l’incarnation de la droite, voire le meilleur président issu de ce camp politique dans l’histoire récente.
Ils ont peut-être raison. Si tant est que l’on parle de la droite française post-Pompidou, celle qui s’est petit à petit éloignée du libéralisme pour finir par le rejeter en bloc, au point aujourd’hui de répugner à ne serait-ce que lui être associée.
Ce rejet du « L-word » est au final une excellente nouvelle, puisqu’il rendra plus difficiles d’éventuelles tentatives d’usurpation, comme le relève Daniel Tourre.
Au final, comme l’ont à nouveau prouvé deux personnalités de premier plan de l’équipe LREM, à chacun sa stratégie.
Ils ont gagné une nouvelle manche, alors gloire aux « vrais pros », et « allez la France » !