Quand des agriculteurs andins s’inquiètent d’inflation monétaire, c’est que quelque chose va vraiment mal… et les économies développées ne sont pas à l’abri.
Marta travaille pour nous au ranch, dans la maison. Elle descend de son puesto, dans la montagne, à pied – un trajet de six heures environ.
Elle et sa famille s’y connaissent à peu près autant en matière d’argent que le premier venu. Ils vivent dans une maison d’adobe, avec un sol en terre battue, sans micro-ondes ni lave-linge.
Leurs mains sont dures comme du vieux cuir. Ils ne reçoivent pas de journaux. Ne regardent pas la télévision. Ne lisent pas la Chronique.
Mais même Marta est au courant des dangers de l’inflation.
« Pouvez-vous me changer des pesos contre des dollars ? » a-t-elle demandé samedi.
On sait qu’on approche de la fin d’une bulle boursière quand les chauffeurs de taxi se mettent à vous donner des tuyaux boursiers. Où en est-on quand des fermiers habitant les hauteurs venteuses des Andes se mettent à faire du trading en devises ?
Perte de valeur
Le père de Marta, Martin, a épargné 300 000 pesos – accumulés au cours d’une vie de dur labeur. La somme, réunie en une pile de billets, dépasse les 30cm de hauteur.
Au taux de change pratiqué en ce moment sur le marché noir, il y en a pour 2 000 $ environ.
Si Martin conserve son argent sous un matelas tout bosselé, il pourrait bientôt ne plus rien valoir du tout. Toute une vie d’épargne – disparue, pouf !
Il n’a pas de compte en banque. Il n’a pas de carte de crédit. Il n’a rien autre qu’un tas de billets… et aucun moyen simple de se protéger contre la dévaluation monétaire de l’Argentine.
L’inflation, en Argentine, est à environ 50% par an. Le pays était sous confinement strict, pour tenter soit d’arrêter le coronavirus… soit de fournir une excuse au désastre économique en cours.
Dans les deux cas, le confinement semble ne pas avoir accompli grand’chose – le taux de mortalité lié au coronavirus est à peu près identique à celui des Etats-Unis… et la crise économique a empiré.
Nous n’avons aucun moyen de savoir ce qui va arriver ensuite. Mais si l’on se fie aux précédents historiques, les pesos continueront de perdre de la valeur par rapport au dollar US. Ensuite, le dollar perdra de la valeur par rapport à tout le reste.
Le dollar post-1971 a déjà perdu 96% de sa valeur en termes d’or. Dans les années qui viennent, il perdra quasi-certainement le reste.
Anormal
Pourtant, les investisseurs semblent ne pas s’en faire. Les actions touchent de nouveaux sommets. Qu’est-ce qui les fait grimper ?
Deux choses…
D’abord, d’autres « bonnes nouvelles » quant à un vaccin contre le coronavirus. Selon une thèse populaire, l’économie se verra administrer une injection dans l’épaule, et la vie reviendra à la normale.
Il n’est pas normal que les actions soient si chères, cependant. Il n’est pas non plus normal qu’une économie dépende de l’argent de la planche à billets.
Des entreprises ont été étouffées. Des emplois ont été perdus pour toujours. Les habitudes ont changé. L’Etat dit aux familles de ne pas se réunir pour Noël. Le Père Noël fait des stocks de masques.
La deuxième raison est encore plus absurde.
Maintenant que Joe Biden fait ses bagages pour emménager à la Maison Blanche, les investisseurs s’attendent à ce que la fausse monnaie coule aussi abondamment que sous Trump – il pourrait même y en avoir plus.
Nancy Pelosi et Chuck Schumer ont annoncé la semaine dernière que leur dernière proposition en date – 3 400 Mds$ de fausse monnaie en plus – n’était désormais plus qu’un « point de départ ». Est-ce « normal » ?
Quant à la Réserve fédérale, elle « imprime » de la nouvelle monnaie – dévaluant sa propre devise – au rythme de 11 Mds$ par jour. Est-ce « normal » ?
Grotesque et contre nature
De loin pas. L’ensemble du programme – dépenser, emprunter, imprimer… boom, bulle, krach… douleur, panique, renflouage… dépenser, emprunter, imprimer… boom, bulle, krach… douleur, panique, renflouage… – est grotesque et contre nature.
Le maillon faible, dans cette chaîne insensée, est le dollar US. Les autorités peuvent en imprimer – mais elles ne peuvent pas contrôler sa valeur.
Le Covid-19, associés aux confinements et aux restrictions, a rendu les gens craintifs. Les taux d’épargne ont grimpé. La vélocité de la monnaie – une donnée clé pour la valeur du dollar – a radicalement baissé… exagérant une tendance qui dure depuis près d’un quart de siècle.
Les dépenses de consommation, parallèlement, ont grimpé – grâce aux libéralités des autorités. Les économistes, naturellement, ont confondu ces dépenses avec de la « croissance »… et une « reprise ».
Ce n’était rien de tel. C’était aussi factice que le reste de l’édifice. La reprise… le dollar… les taux d’intérêts… la relance – un tas de sottises bidon.
De l’argent encore plus rapide
Attendez… que voyons-nous ? La Fed de St Louis rapporte que la vélocité de la monnaie – le taux auquel l’argent change de main – a soudain augmenté.
Est-ce un accident ? Une tendance ? Rien qui vaille la peine d’être mentionné ? Ou le bon moment pour quitter la ville au plus vite ?
Nous n’en savons rien… mais l’argent intelligent vend des dollars. Sur le site ZeroHedge :
« Dans une note datant de vendredi [dernier], Zach Pandal, stratégiste Forex en chef chez Goldman, prédit que ‘la dépréciation du dollar peut se poursuivre en 2021’ et écrit que ses prévisions croisées concernant l’USD se traduisent par un déclin de l’indice dollar élargi, pondéré par le commerce, sur les 12 prochains mois, ainsi que par une dépréciation réelle ‘soutenue mais ordonnée’ de 15% par rapport à son sommet de 2020 d’ici la fin 2024. »
Est-ce le début de la fin pour le dollar factice… les taux factices… la relance factice… les renflouages factices… la reprise factice… le boom boursier factice… et tout le reste ?
Il est trop tôt pour le dire…