La Chronique Agora

Tout ce qui est soutenu finit toujours par tomber

Bourse krach

Les marchés montent comme des montgolfières, à grands coups d’air (ou d’argent) chaud pour faire gonfler la bulle. Dans les hautes atmosphères, maintenir l’altitude devient cependant de plus en plus compliqué…

La loi de la gravitation s’applique aux marchés financiers comme elle s’applique aux engins volants : plus lourds que l’air, il faut que des forces soient exercées pour qu’elles puissent voler, léviter.

Avec la hausse des prix des actifs financiers, leur valeur d’usage recule en continu. Ils rapportent de moins en moins.

Mais pour que l’on continue de faire monter leur prix, il faut entretenir le Ponzi, c’est-à-dire qu’il faut insuffler « toujours plus de ce en quoi les prix des actifs dont exprimés, la monnaie ».

Plus de plus-values !

Pour remplacer la valeur d’usage déclinante des actifs et la baisse de leur utilité, il faut augmenter les plus-values, donc il faut sans cesse injecter de la monnaie et du crédit.

La valeur d’usage qui est de procurer des revenus et un rendement s’étiolant, il faut maintenir la valeur d’échange et la valeur d’échange. On est dans la parabole du pantalon à une jambe, il n’est pas fait pour être utile et être porté, il est fait pour être échangé, vendu et revendu.

Depuis plusieurs décennies, la tendance spontanée des marchés financiers est de chuter. Ils sont de moins en moins soutenus par leur valeur d’usage, leur valeur dite fondamentale.

Il faut pour s’opposer à cette tendance leur appliquer des forces à la fois continues et périodiques qui développent des contre-tendances. Parmi les forces continues vous retrouvez la baisse tendancielle longue des taux d’intérêt réels, et du côté des forces périodiques vous avez les achats de titres longs, les quantitative easing (QE) pratiqués par les banques centrales.

Face aux tendance entropiques, il faut tout simplement injecter et réinjecter de l’énergie. Les QE consistent en quelque sorte à envoyer des giclées d’air chaud dans les ballons, dans les montgolfières.

Ce que je présente comme une image ou une analogie n’en est pas une. Il y a similitude organique entre, d’un côté, la loi de la gravitation et, de l’autre, la tendance à la réconciliation entre l’univers imaginaire des marchés financiers et l’univers réel, pesant, de l’économie.

Il y a tendance à la réconciliation générale – que dis-je, universelle ! – entre d’un côté l’imaginaire que les hommes se créent, les romans qu’ils se racontent, et de l’autre le vrai monde, celui de la vie, de la mort et de la finitude.

Ou au moins plus de signes monétaires…

On peut créer autant de signes monétaires que l’on veut, mais ils créent de moins en moins de pétrole pour faire tourner la machine économique.

En clair, les rêves permettent n’importe quoi, ils sont purs désirs, mais on finit toujours par se réveiller. L’épreuve du réel est un « jugement d’impossible » et non pas un « constat d’en même temps », Macron devrait retenir cela.

L’imaginaire se déroule dans le mythe enfantin de l’infini et du sans limite, tandis que le monde réel s’épuise, se cogne dans la finitude et la rareté, dans l’effort et la dépense d’énergie.

Il n’y a que parce que les prolos se tapent le réel et que les détenteurs de capitaux s’attribuent le surproduit que les kleptocrates croient que tout est possible et qu’ils développent des « politiques de quoi qu’il en coûte »… puisque ce sont les autres qui paient.

Le « quoi qu’il en coute » des autorités est toujours un « quoi qu’il nous en coûte à nous », pas à eux !

La manipulation des signes a sa logique, sa combinatoire et elle est, pour durer, obligée de se déconnecter de plus en plus de la réalité. Elle devient de moins en moins efficace, elle produit de l’inadaptation.

Au final, plus de dettes

C’est ce que les financiers veulent dire lorsqu’ils reconnaissent que le rendement d’un dollar de dettes nouvelles produit de moins en moins de dollars de croissance économique réelle, il faut plus de 7 dollars de dette nouvelle pour un dollar de PIB supplémentaire !

Le rendement décroissant des artifices, le gaspillage croissant et les effets secondaires non voulus – en expansion exponentielle, comme par exemple la spéculation destructrice –, expliquent tout cela.

On gaspille de plus en plus d’énergie pour entretenir le mensonge, la pourriture, la dette, les promesses. Le poids du monde repose de plus en plus sur une base qui se rétrécit.

C’est la division suprême du travail : il y a ceux qui jouissent et il y a ceux qui produisent.

Ce que je veux vous faire toucher du doigt, c’est une forme, une structure du monde moderne, la structure de la dissociation. L’intelligence a cessé d’être un outil pour transformer le monde, elle est devenue une drogue pour s’envoyer en l’air.

L’imaginaire, la rhétorique, les combinatoires de signes, les romans, les narratifs, tout cela diverge de plus en plus d’avec le réel, devient de plus en plus difficile à entretenir, à faire léviter.

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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