▪ On dit que c’est l’argent qui fait tourner le monde… mais depuis quelques décennies, ce n’est plus tout à fait vrai. Ce qui fait tourner le monde, désormais… c’est la dette.
C’est le cas aux Etats-Unis, comme l’expliquait Bill Bonner encore cette semaine :
"[…] l’économie américaine — et l’empire — sont devenus de plus en plus dépendants de la dette rien que pour continuer comme si de rien n’était. La dette ne sert plus de ‘coup de fouet’ ; elle est désormais nécessaire uniquement pour faire du surplace. Sans elle, le marché s’effondre… et l’économie entre en récession, voire en dépression. C’est ce qui est arrivé en 2008-2009. Le secteur privé a cessé de s’endetter… et l’enfer s’est déchaîné".
C’est tout autant le cas en Europe — et plus particulièrement en France… où le gouvernement se voit sommé de "faire quelque chose" sous peine de s’attirer les foudres de Bruxelles (et des agences de notation).
Hélas, soulignait Simone Wapler en février dernier, "le gouvernement de la France ressemble à un riche qui ne veut pas réduire son train de vie, qui gémit dès qu’on veut lui arracher un grain de caviar de la bouche, qui exige du cachemire là où du lambswool fait l’affaire. Je vais vous faire grâce des multiples dépenses superflues et gaspillages épinglés par la Cour des comptes. C’est tragi-comique".
▪ Enfin… ce serait surtout tragique si les autorités n’étaient pas aux aguets, fidèles au poste, prêtes à injecter toujours plus de liquidités dans un système qui tourne de plus en plus dans le vide.
Et si un pays donne des signes de vouloir vaguement "rentrer dans le rang" — comme la Fed et son taper de pacotille –, d’autres se tiennent prêts à prendre la relève, afin que, surtout, surtout, rien ne vienne interrompre le flux.
Philippe Béchade décortiquait ce système dans le Pitbull il y a quelques jours :
"Si nos parlementaires européens se penchaient très en détail sur le bilan de la BCE depuis le début de la crise grecque, je suis convaincu qu’ils découvriraient que des astuces comptables recouvertes par des justifications — tout aussi alambiquées que manifestement fumeuses — ont permis de dissimuler le non-remboursement chronique de dizaines de milliards avancés à toute une panoplie de banques insolvables à travers l’Europe, et pas seulement celles associées aux PIIGS".
"Si la BCE se lançait à son tour dans un QE (M. de Carmignac suggère directement à Mario Draghi qu’il soit de 50 milliards d’euros par mois, soit l’équivalent de 70 milliards de dollars à peu de choses près), cela reviendrait à officialiser une politique d’expansion monétaire qui a en fait cours depuis plus de quatre ans, sous la forme d’une non-stérilisation complète des liquidités avancées au système bancaire".
"La Bundesbank, à mon avis, ferme les yeux depuis le début et pour une excellente raison : c’était ça ou acculer un bon nombre d’emprunteurs à la faillite, c’est-à-dire faire surgir une multitude de Lehman sur le sol européen".
"En discutant avec les uns et les autres (économistes, gérants, journalistes…), je réalise à quel point les marchés prennent leurs désirs pour des réalités : je perçois la conviction unanime que la BCE va agir contre l’euro ‘trop fort’ par le biais d’une baisse de taux (qui ne servira à rien) puis de la mise en place d’un programme de rachats de créances commerciales détenues par les banques".
"Et je ne trouve absolument personne qui soit capable de me décrire par quel mécanisme (évident si possible) de nouvelles liquidités offertes aux banques vont avoir un impact sur les prix".
"C’est tout de même assez vertigineux de prendre la mesure de la force de cette illusion au sein de la communauté financière : 11 QE successifs en 23 ans n’ont jamais recréé d’inflation au Japon ; les prix ont atteint leur plancher aux Etats-Unis au plus fort du QE3 de la Fed, l’Angleterre voit ses injections gonfler des bulles stratosphériques dans l’immobilier londonien alors que les prix stagnent par ailleurs… Mais si c’est Draghi qui le fait, alors la déflation sera vaincue".
"Comment ? Ah mais ça, c’est justement un secret de fabrication qu’il garde jalousement et nous expliquera le moment venu".
"La véritable explication de l’appétence des marchés pour le QE n’est-elle pas plutôt : ‘il nous faut notre shoot mensuel de liquidités et il faut augmenter les doses… sinon, on fait un malheur !’"
Certes mais… à quand l’overdose massive et inévitable ?
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora