La Chronique Agora

La dette grecque n’empêche pas les marchés de rester euphoriques

▪ La Grèce, la Grèce, la Grèce… impossible d’échapper à cette thématique lundi, au lendemain d’un week-end de toutes les rumeurs concernant les difficultés d’Athènes et la situation de faillite du pays.

La nuit portant conseil, et surtout l’oubli… Pfuitt ! Envolées comme par magie, les angoisses à propos de la restructuration de la dette grecque (30% de perte sur les créances existantes). Oubliées aussi, les inquiétudes concernant une sortie de la Zone euro — ce qui permettrait à la Grèce de reprendre la main sur son destin économique, laissant au passage une ardoise colossale aux bailleurs de fonds ; la moins-value tournerait dans ce cas autour de 50% des encours.

Mais au fait, qui sont les principaux créanciers de la Grèce et qu’est-ce que cela représente en réalité ? Pas moins de 72 milliards d’euros de dettes souveraines sont à risque mais le gros morceau, ce sont les 165 milliards d’euros d’émissions obligataires des banques locales.

Sur un total de 237 milliards d’euros de dettes grecques, les banques françaises en détiennent 98 milliards d’euros ; les banques allemandes 72 milliards d’euros, avec une répartition à peu près équivalente d’un tiers d’emprunts d’Etat et deux tiers d’émissions du secteur privé.

Aujourd’hui, les emprunts à deux ans grecs se négocient à plus de 25% de rendement, le 10 ans à seulement 10,5%. Autrement dit, la restructuration est imminente. Après, « on aura le temps de voir venir »…

Acheter du papier court constitue non plus un pari risqué mais bien un coup de poker avec une paire de deux en main, tandis les joueurs adverses n’ont jamais relancé les enchères à moins de détenir un brelan d’as ou une couleur.

Pour reprendre l’expression d’un responsable du crédit hypothécaire chez Goldman Sachs (spécialiste des CDO pourris en 2008) : « celui qui parviendrait à fourguer du deux ans grec à un pigeon mérite une prime ginormous » (contraction de gigantic et enormous).

Celui qui se laisserait convaincre ne peut être qu’une sorte d’hybride d’éléphant rose, de licorne et de cochon volant… tout en un !

▪ Mais attendez… de telles créatures existent et elles sont plus nombreuses que vous ne le croyez. Nous pouvons même ajouter qu’elles sont dotées d’une mémoire de poisson rouge.

Les problèmes de refinancement de la Grèce, qui alimentaient toutes les conversations la veille, ont disparu du radar. Il en va de même pour les inquiétudes au sujet du prix des matières premières.

Le marché a retrouvé mardi ses bons vieux réflexes de permabull décérébré : ne prendre en compte que les bonnes nouvelles et ignorer tout ce qui mériterait de se creuser un peu les méninges.

Tepco avouait mardi matin être dans l’incapacité de gérer les conséquences financières et techniques de la série d’explosions de Fukushima. Cela a à peine fait l’objet d’un entrefilet sur les sites d’information économiques.

La banque du Japon n’a qu’à imprimer l’argent nécessaire, quitte à le larguer sur les réacteurs éventrés. Ces derniers continuent d’ailleurs d’émettre de la radioactivité comme au premier jour, dans l’indifférence médiatique générale.

Fukushima, ce n’est pas un « vrai sujet » ; la banqueroute grecque non plus.

▪ Ce qui méritait la une des journaux et des sites boursiers, c’était le rachat de Skype par Microsoft pour un montant astronomique de 8,5 milliards de dollars.

Cela a été un véritable électrochoc haussier pour Wall Street. En plus de la monnaie de singe déversée par la Fed, voilà que les OPA à des prix idiots, dignes de l’an 2000, sont de retour.

Quand on ne sait plus quoi faire de son argent, on ne tarde pas à en faire… n’importe quoi !

Et pour des commentateurs qui s’ennuient, s’il se passe soudain quelque chose et que ce quelque chose comporte plein de zéros, c’est de toute façon fôôôrmidable.

Rappelons que le chiffre d’affaires de Skype ne dépasse pas le milliard de dollars et que son coeur de métier ne rapporte pas d’argent. Les communications gratuites font en revanche perdre des milliards aux opérateurs de téléphonie classique, soi-disant au profit des utilisateurs.

Joindre un correspondant à l’autre bout de la planète ne coûte pas plus cher que d’interpeller un voisin au bas de son immeuble. Voilà certainement une des variables sur laquelle la Fed s’appuie pour démontrer qu’il n’y a pas d’inflation.

Quand tous les services seront gratuits (ou ne coûteront qu’un peu de salive)… quand tous les Américains auront un potager… quand tous les déplacements s’effectueront de nouveau à cheval (pour circuler à 30km/h dans les centres-villes et à 50km/h sur les autoroutes, c’est largement suffisant), nous parions que la stabilité des prix — incluant l’alimentation et l’énergie — sera enfin une réalité.

Mais de la réalité, les marchés s’en soucient en fait fort peu !

▪ Nous avons même pu lire mardi après-midi que Wall Street se réjouissait du tassement du prix du pétrole, qui ne bougeait pas d’un cent sur le NYMEX.

Le baril de WTI a d’ailleurs fini par prendre un dollar supplémentaire, bien que le CME ait augmenté les « marges » (dépôts de garantie) requises pour prendre des positions à terme — les instructions proviendraient de la Maison Blanche.

Et si les nouvelles ne sont pas bonnes, les permabulls vous dégainent leur botte secrète, c’est-à-dire les chiffres « moins pires que prévus ».

Ils se sont donc réjouis que les prix à l’importation n’aient progressé que de 2,2% en avril après +2,6% en mars aux Etats-Unis.

▪ De quoi faire oublier la rechute de la confiance des ménages qui recule de 50,2 vers 45,7. Pas de quoi émouvoir Wall Street qui a doublé ses gains au cours des 90 dernières minutes de la séance à +0,8% sur le S&P et +1% sur le Nasdaq. Il s’agissait de ne pas perdre de terrain par rapport aux places européennes, en hausse de 1,2% en moyenne.

La Bourse de Paris a gagné 1,15%, les investisseurs faisant l’impasse sur la chute de 0,9% de la production industrielle française au mois de mars. Les opérateurs n’ont voulu retenir que la hausse de 2,1% sur l’ensemble du premier trimestre 2011.

L’INSEE devrait cependant revoir à la baisse la croissance hexagonale dans une fourchette de +1,4 à 1,8% (contre 2% attendus par le gouvernement).

C’est à peu près le genre de hausse du PIB qui se dessine aux Etats-Unis au deuxième trimestre 2011. Cela mérite bien la mise en place d’un QE3 musclé… ou, dans la négative, d’une fuite discrète de Ben Bernanke par les sous-sols de l’immeuble de la Fed à Washington.

Qu’il ne se déguise surtout pas en Père Noël s’il est maintenu à son poste jusqu’à la période des fêtes : tous ses potes de Wall Street le reconnaîtraient immédiatement !

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Du chômage à l’immobilier US, les nouvelles sont contradictoires

Bill Bonner

▪ Nous avons du mal à suivre le rythme.

Un article nous dit que les choses vont en s’améliorant. Le suivant nous dit que la situation empire.

La semaine dernière, par exemple, nous pensions assister enfin à la baisse que nous attendions de longue date. Puis les actions se sont reprises — tout comme le pétrole et l’or. Ce dernier a repassé la barre des 1 500 $.

Idem pour l’économie. Nous avons eu des nouvelles sur la situation de l’emploi américain, par exemple. A peine avons-nous eu le temps d’absorber l’article de Reuters, jeudi dernier :

« Le nombre d’Américains ayant fait une demande d’allocations chômage a grimpé à un plus haut de huit mois la semaine dernière, tandis que la croissance de la productivité ralentissait au premier trimestre, assombrissant les perspectives d’une économie qui lutte pour prendre de la vitesse ».

« La hausse surprise des demandes d’allocations chômage a été attribuée à des facteurs aussi divers que les licenciements dus aux vacances de printemps ou l’introduction d’un programme d’allocations d’urgence, tandis que les économistes déclaraient que cela corroborait les rapports indiquant une perte d’élan dans la création d’emplois. D’autres chiffres cette semaine montraient une croissance de l’emploi plus faible dans les secteurs de l’industrie et des services ainsi qu’un recul des embauches privées, suggérant que les données de vendredi, surveillées de près [par les marchés], pourraient se révéler plus faibles que ce que prévoyaient les économistes ».

Et puis une fois vendredi arrivé, les nouvelles étaient entièrement différentes. Un article du Financial Times nous apprenait que « les marchés ont été stimulés par de bons chiffres de l’emploi ».

A en croire les chiffres publiés, l’emploi américain avait grimpé !

▪ Le même genre de retournement de situation s’est produit sur le marché de l’immobilier — mais dans l’autre sens. La semaine dernière, un article nous apprenait que les ventes ont été étonnamment vigoureuses… impliquant même que le marché de l’immobilier avait enfin « épuisé son potentiel de baisse ».

Lundi, le Wall Street Journal annonçait toutefois qu’il n’était pas si épuisé que ça :

« Les prix de l’immobilier ont enregistré leur déclin le plus important depuis 2008 au premier trimestre [de cette année], poussant de nombreux économistes à reculer leurs estimations quant à la fin du marché baissier de l’immobilier ».

« Les prix de l’immobilier ont chuté de 3% au premier trimestre [2011] par rapport au trimestre précédent, et de 1,1% en mars par rapport au mois précédent, plombés par une abondance de maisons saisies sur le marché, selon des données qui devraient être publiées lundi par le site immobilier Zillow.com. Les prix chutent depuis 57 mois consécutifs, selon Zillow ».

Que faut-il croire ?

Ce qu’il faut croire, c’est que nous sommes dans une Grande Correction. Mais elle a du mal à s’exprimer. Chaque fois qu’elle ouvre le bec, les autorités arrivent avec du ruban adhésif.

La Grande Correction veut dire la vérité — il y a trop de dette dans le système ; la majeure partie de la « croissance » actuelle est factice ; les mauvaises dettes doivent être effacées. Mais les autorités veulent la bâillonner. Elles veulent prêter plus d’argent… et faire semblant que le problème va disparaître.

Résultat, les « nouvelles » que nous obtenons sont brouillées. Indéchiffrables. Il faut écouter attentivement pour comprendre ce qu’elles signifient vraiment.

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Les petites valeurs sortent indemnes des crises du premier trimestre… et surperforment !

Jean Chabru

▪ La croisée des chemins, le mois de tous les dangers ou, finalement, la confirmation que nous sommes bel et bien dans un marché haussier : voilà l’enjeu de ce mois de mai.

Si je me réfère à 2005 — l’année qui ressemble le plus à ce début 2011, boursièrement parlant — nous avions alors connus un rally haussier sur l’indice valeurs moyennes de 14% ; ce dernier avait été stoppé net mi-avril avec une baisse de plus de 6% en quinze jours. Puis le rally s’était poursuivi sur le reste de l’année et l’indice avait terminé au plus haut à près de 6 100 points, matérialisant un gain de 38% sur l’année. Pour le moment nous sommes en retard par rapport à 2005 avec un gain d’un peu plus de 8% depuis le 1er janvier. Allons-nous subir une nouvelle et traditionnelle consolidation ?

Le principal élément qui militerait pour une consolidation est le manque de soutien lié à la fin des publications de résultats des sociétés. En plus, beaucoup de gérants à qui j’ai pu parler regardent avec circonspection ce nouveau mois boursier.

Dans le même temps, certains signes semblent confirmer la « solidité » (je reviendrai sur cette soi-disant solidité) du trend actuel. Le plus étonnant est que la nuée de cygnes noirs qui s’est propagée fin mars — mêlant problèmes géopolitiques et économiques sur fond d’accident nucléaire — a certes affecté les investisseurs, mais finalement pas plus que cela.

Et que dire de la dégradation de la note des Etats-Unis ? Une simple séance de consolidation aussi vite oubliée. Le biais optimiste reste réel mais la question est de savoir : est-il suffisamment ancré ? Est-ce une réelle solidité ou de l’aveuglement ? Une technique boursière pour tirer le marché encore un peu plus haut et entériner un optimisme forcé ?

En l’absence d’informations positives provenant des sociétés, les opérateurs recommencent à broyer du noir… Finalement, le baril de pétrole menace la croissance mondiale tout comme l’envolée des matières premières et il n’y a aucune raison de se réjouir. Ces sujets me préoccupent aussi depuis quelques mois. L’inflation sur le pétrole et les matières n’est que partiellement compensée par la chute du dollar — qui commence également à devenir pénalisante pour un grand nombre de sociétés exportatrices.

Et le problème des dettes souveraines est loin d’être réglé… Mais finalement, que représentent réellement les dettes européennes en comparaison des 14 000 milliards de dollars annoncés par l’Oncle Sam ? La dette américaine représente 10,8% du PIB prévu en 2012. Une annonce qui n’a pas échappé au gouvernement chinois, principal créancier, qui a demandé expressément aux Etats-Unis de prendre des « mesures responsables ».

Les Chinois détiennent 868 milliards de dollars en T-bonds. Il n’en reste pas moins que, selon les experts, la mise en garde du S&P implique qu’il y a 30% de chance pour que la note de la dette souveraine US soit dégradée dans les deux ans… On imagine le tsunami que cela provoquerait.

En gros : nous sommes assis sur des bombes à retardement mais jusqu’ici tout va bien…

▪ Pourtant, loin de ces questions macro-économiques, nos chères PME françaises résistent et continuent de battre des records. Selon une étude que j’ai réalisée avec mon équipe sur les chiffres d’affaires du quatrième trimestre 2010, les 154 valeurs du CMS 190 que nous suivons affichent une progression de leur chiffre d’affaires agrégé de 14% en dépit d’une base de comparaison beaucoup moins favorable. La première conclusion de cette étude est que les valeurs moyennes continuent de connaître une reprise plus vive que les sociétés du CAC 40.

Les 32 valeurs non financières de l’indice parisien ont enregistré une hausse de 7% de leur chiffre d’affaires au quatrième trimestre. L’effet de base était identique pour les deux panels.

Cette surperformance économique se retrouve d’ailleurs dans les indices boursiers avec un CMS qui progresse de 17% sur les douze derniers mois. Pour l’exercice 2011, après une croissance agrégée de 13% attendue des sociétés clôturant à fin décembre, les chiffres indiquent une progression attendue de 8,4%.

Je reste donc confiant dans le potentiel des valeurs moyennes… en dépit de ce mois de mai tendu qui s’annonce !

 

[Jean Chabru est le rédacteur en chef de Small Caps Profits, un service de recommandation ultra-efficace se concentrant sur les petites valeurs. Spécialisé dans le segment des small et midcaps, Jean Chabru et son équipe de spécialistes mettent à votre disposition l’une des plus grandes bases de données françaises sur les petites valeurs. Le but ? Vous positionner sur des petites valeurs explosives avant le reste des investisseurs… et attendre que le marché s’en aperçoive et fasse monter les cours !]

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Les principes d’investissement de Peter Cundill

Chris Mayer

▪ Il est sans doute le meilleur investisseur dont vous n’ayez jamais entendu parler. Il a débuté en 1975 et a rapporté à ses investisseurs un rendement annuel cumulé de 15,2% pendant les 33 années qui suivirent ! Si vous aviez investi 10 000 $ avec lui et les lui aviez laissés, vous auriez eu un million de dollars en 2007.

Il s’appelait Peter Cundill. Sa méthode d’investissement est le sujet d’un nouveau livre écrit par Christopher Risso-Gill, qui fut directeur chez Cundill Value Fund pendant 10 ans. Intitulé There’s Always Something to Do [« Il y a toujours quelque chose à faire », NDLR], l’ouvrage est un résumé de la méthode Cundill. Son titre est inspiré d’une phrase d’Irving Kahn, un doyen de l’investissement (né en 1905) et toujours président de Kahn Bros., qui gère 450 millions de dollars. Kahn a dit : « il y a toujours quelque chose à faire. Il suffit juste de mieux regarder, d’être créatif et un peu souple ».

Cundill était, comme tant d’autres grands investisseurs, un fervent disciple des idées exposées par Ben Graham dans les années 1930. Graham a une longue liste de disciples et d’admirateurs, dont Warren Buffett, le susmentionné Kahn, Cundill et beaucoup d’autres (y compris votre chroniqueur).

Bien qu’elle s’inspire en grande partie de la pensée de Graham, la pierre angulaire de la méthode de Cundill est l’idée d’une marge de sécurité. Vous n’achetez que ce qui est bon marché et bien soutenu par une estimation réaliste de la valeur intrinsèque. Il s’agit d’une approche un peu désuète qui exige minutie, patience et beaucoup de discipline. C’est une méthode qui s’intéresse plus à ce qui se passe dans les lignes des bilans qu’à ce que déclarent les présidents de la Réserve fédérale ou les baratineurs des médias. « Concernant la direction que prendra le marché, je suis un agnostique », a souvent écrit Cundill. « Je n’ai pas de point de vue ». Son objectif était de trouver des titres sous-évalués. Un point c’est tout.

Le livre regorge de « faits de guerre » pour montrer comment Cundill a appliqué ces idées tout au long de sa carrière. Mais le livre recèle également pléthore d’idées intéressantes sur l’investissement, tirées des discours de Cundill, de ses lettres aux actionnaires et de son journal personnel.

J’ai apprécié la pensée de Cundill sur le moment opportun pour vendre car il utilisait une idée que j’ai mise en oeuvre à maintes reprises : « lorsqu’une action double, vendez-en la moitié — vous aurez alors une position libre ». Vendre est la chose la plus difficile en investissement. Personne n’y excelle. Mais cela semble être une approche raisonnable qui protège les bénéfices durement gagnés et aide à contrer les erreurs.

On trouve également pléthore de commentaires intéressants sur le processus d’investissement. Selon Cundill, « 99% de l’effort d’investissement est de la routine, de l’investigation banale, de la vérification et de la double vérification — on construit ainsi laborieusement un réseau d’informations à partir de simples liens jusqu’à ce qu’il constitue un tableau complet ». Je suis entièrement d’accord. Et je repense à tout le temps passé à faire du travail de routine comme assister à des conférences trimestrielles, à lire attentivement divers rapports, circulaires, etc.

Un travail peut-être peu glamour mais nécessaire. Cundill accomplissait lui-même ce travail. « Tout ce dont j’ai vraiment besoin ce sont des rapports et résultats d’une entreprise ; cela plus un bon stylo, une calculatrice de poche et de la patience ».

▪ D’autres aspects des idées de Cundill doivent également être soulignés. Il avait un point de vue égalitaire concernant l’investissement. « Si c’est assez bon marché », écrivait-il, « peu importe ce que c’est ». Cundill avait également une approche internationale. « J’ai beaucoup voyagé », écrivait-il. « Je ne vois donc pas beaucoup plus de risque à investir dans des pays étrangers qu’en Amérique du Nord ».

Où Cundill trouvait-il ses idées ? « On trouve les bonnes affaires parmi les choses impopulaires, les choses que tout le monde déteste. La clé est qu’il faut avoir de la patience ». Il aimait étudier les titres qui affichaient de nouveaux plus bas. Il aimait lire les nouvelles pour voir ce qui se trouvait en difficulté. Il aimait également se tenir au courant de ce que les autres grands investisseurs faisaient. « Il est notoire que les bons poètes empruntent et que les grands poètes volent. Voyez donc ce que vous pouvez trouver ».

En outre, il n’avait pas peur de détenir des liquidités. Cundill avait souvent des positions en liquidités très importantes, parfois à hauteur de 40%. Beaucoup d’investisseurs feraient bien de s’inspirer de son approche.

Son idée selon laquelle l’investissement est un jeu de généraux, et non de comités, est aussi une idée que je trouve intéressante. « A ma connaissance, on n’a jamais eu de bon résultat obtenu par des institutions dirigées par des comités… En réalité, les résultats exceptionnels sont atteints par des dictateurs ». La plupart des meilleurs investisseurs sont des aigles solitaires, même si, naturellement, il existe quelques célèbres associations qui fonctionnent bien, également. (Je pense à Warren Buffett et Charlie Munger.)

On trouve aussi dans le livre une méthode de sélection de titres fort intéressante. Elle s’appelle « les six magiques ». Grosso modo, il faut rechercher un titre qui se négocie à 60% de sa valeur comptable, à six fois les profits et offre un rendement de dividendes de 6%. J’ai passé ces filtres sur le marché actions d’aujourd’hui, sur les capitalisations supérieures à 500 millions de dollars, et j’ai trouvé une action qui remplissait ces critères : Navios Maritime.

Pour Cundill, l’investissement n’est pas seulement une question d’intelligence. « Autant de gens intelligents échouent dans l’investissement que de gens stupides. Les gens intellectuellement actifs sont particulièrement attirés par des concepts élégants, qui peuvent avoir pour effet de les détourner des vérités plus simples, plus fondamentales ».

Autre idée : « tôt ou tard, le marché fera ce qu’il a à faire pour prouver à la majorité qu’elle a eu tort ». C’est là une réflexion forte. Il est important de réfléchir aux hypothèses non étudiées que vous détenez. Que prenez-vous pour acquis ? Peut-être ne le devriez-vous pas.

J’ai souri lorsque j’ai lu la remarque suivante de Cundill : « j’ai la chance d’avoir le genre de vie où rien ne différencie le travail du jeu. Je ne sais pas si je suis en train de travailler ou de jouer ».

Cundill est mort cette année à 72 ans. Grâce à ce livre, les futurs investisseurs ne perdront pas ses perles de sagesse. Ce livre enrichit la bibliothèque des livres d’investissement.

 

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