La Chronique Agora

Un bon niveau d’achat

dette, taux d'intérêts et marché obligataire

Le point de vue de la plupart des analystes est erroné, l’économie ne peut supporter la hausse des taux longs et les actions vont lourdement chuter.

C’est une journée de mai typique en Irlande. Il fait environ 9°C. Le temps est gris et nuageux.

Nous sommes à Youghal – qui se prononce yawl – pour suivre nos projets de rénovation immobilière. Les échafaudages sont en place. Les sols et la toiture ont été enlevés de manière à pouvoir inspecter les poutres et remplacer celles qui doivent l’être.

Les travaux sont en cours

« Elles est en remarquablement bon état, pour une aussi vieille maison », a dit l’architecte.

Nous installons une petite véranda en verre à côté de la cuisine. Nous avons demandé ce que cela donnerait pendant l’été.

« Mais c’est l’été », nous a-t-il répondu.

Pendant ce temps…

D’un creux à un autre

Nous surveillons une importante nouveauté : le rendement du bon du Trésor US à 10 ans. Il a atteint un sommet de sept ans hier, à 10 points de base au-dessus des 3%.

Qui s’en soucie ?

Eh bien, il y a plus de 200 000 milliards de dollars de dette dans le monde. La majeure partie de cette somme est liée – directement ou par alliance – au marché des obligations souveraines américain. Ces dettes sont donc considérablement influencées par la dette US.

Les rendements du 10 ans US ont grimpé de près de 200 points de base après avoir atteint un plancher en juillet 2016. La dernière fois que les rendements étaient à des prix aussi élevés, c’était à peu près à l’époque où votre correspondant est né, quelques années après la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Le cycle entier, d’un creux à un autre, a duré près d’une vie… 68 ans. A présent, il semble (parce qu’on ne peut jamais être certain) que tout recommence. Nous renaissons… au tout début d’un nouveau cycle.

Deux camps

Déjà, les génies financiers de la télévision se préparent à 4%. De ce que nous pouvons voir, ils sont divisés en deux camps.

L’un déclare que ces 4% nuiront aux marchés actions. Jim Cramer, par exemple, pense que les actions perdront 20% lorsque les 4% de rendement seront atteints.

L’autre camp affirme qu’un rendement à 4% ne posera pas de problème ; l’économie est assez vigoureuse pour le supporter.

Les deux ont probablement tort.

Le premier point de vue est plus ou moins aligné sur le « modèle Fed ». Les investisseurs comparent ce qu’ils peuvent obtenir avec les bons du Trésor au taux de dividende du marché boursier. Lorsque les bons du Trésor grimpent, les actions doivent chuter pour fournir des rendements compétitifs.

Mais non, disent les autres… en termes réels, 4% fait seulement 2%… et notre super économie actuelle peut gérer ça sans problème. Après tout, le chômage est quasi-inexistant. L’inflation est sous contrôle. Et un boom se prépare, dû à la relance générée par les baisses d’impôts.

L’idée de base, c’est que l’économie est forte. Les profits des entreprises devraient grimper, suivis par les actions.

Il y a un corollaire à cette hypothèse : les rendements augmentent non pas en réaction à des craintes d’inflation ou d' »encombrement » (crowding out) de la part de la Fed, mais en réaction à la vigueur de l’économie.

Les taux d’intérêt devraient grimper à mesure que les entreprises et les individus contractent des crédits pour pouvoir augmenter l’investissement et la consommation… tout cela aiguillonnant l’économie vers une croissance encore plus rapide.

Cela nous rappelle une blague que nous avons entendue…

Un ingénieur, un médecin et un économiste partent randonner dans les Alpes. Après un temps, ils réalisent qu’ils sont perdus. Ils étudient la carte. L’ingénieur suggère de revenir sur leurs pas. Le médecin propose une petite pause pour se reposer.

Mais l’économiste se lève d’un bond, triomphant, et pointe du doigt un sommet à l’horizon :

« Là ! Vous voyez cette montagne ? C’est là que nous sommes ».

Le problème avec ces deux points de vue, c’est que nous ne sommes pas là où ils pensent que nous nous trouvons.

Nous sommes au sommet d’une montagne extrêmement escarpée, avec une économie accro aux taux super-bas… tandis que les actions sont valorisées pour le Mont Everest.
[NDLR : Qu’est-ce que cela implique pour vous en tant qu’investisseur français ? Plus d’explications en cliquant ici.]

Finance bullesque

Le Dow était sous les 8 000 points lorsqu’il touché le fond pendant le dernier krach du crédit. Aujourd’hui, il est au-delà des 24 000. Ce n’était pas une ascension normale ou naturelle. Le Dow a plus que triplé, mais pas l’économie qui le soutient.

Le PIB US était de près de 15 000 milliards de dollars en 2008. 10 ans plus tard, il n’est qu’à 20 000 milliards de dollars. Ce n’est pas le triple. Ni le double. Ni même une augmentation de 50%. Ce n’est qu’un petit bond de 33%.

En d’autres termes, nos randonneurs ne sont pas arrivés là en mettant un pied devant l’autre… et en suivant la piste du PIB. Non, ils ont flotté jusqu’au sommet sur la « finance bullesque » – environ 12 000 milliards de dollars injectés dans les marchés par les principales banques centrales de la planète.

A présent, cette bulle perd de l’air. Descendre de la montagne ne sera pas facile. Des cous vont être brisés. Des coeurs aussi.

L’indicateur préféré de Warren Buffett est le ratio actions/PIB. Il compare le prix des immobilisations américaines – les grandes entreprises US cotées – et la production.

Source : www.longtermtrends.net

En toute logique, les prix des actifs devraient refléter ce que ces entreprises produisent. Selon Buffett, tant que la valeur des actions se monte à 80% du PIB ou moins, les investisseurs peuvent acheter en toute sécurité. Quand les prix des actions dépassent ce niveau, prudence.

Aujourd’hui, le PIB américain est donc de 20 000 milliards de dollars. Et la valeur de toutes les actions est d’environ 28 000 milliards de dollars (pas besoin d’essayer d’être précis… ce n’est pas une science).

Cela nous donne un ratio de 1,42 (il est aussi élevé pour une raison évidente, mentionnée ci-dessus : les actions ont grimpé bien plus rapidement que le PIB).

On est plus haut qu’en 2000… et qu’en 2007. Le précédent record, établi au premier trimestre 2000, était de 1,51 – soit près du double de la moyenne de long terme.

Voici donc le tableau dans son ensemble : les taux d’intérêt grimpent. Les actions baissent.

Nous sommes d’avis que lorsque les marchés boursiers comprendront ce que des taux à 4% signifient vraiment, ils paniqueront… et ils chuteront plus gravement que prévu, plus rapidement qu’on le pensait.

Lorsque les prix reviendront dans la zone d’achat préconisée par Warren Buffett – ce qu’ils feront tôt ou tard – les actions auront perdu environ 45% de leur valeur actuelle. Le Dow à 11 000 points, en d’autres termes.

Lorsqu’on en sera là, achetez !

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