La Chronique Agora

Comment les politiques de taux bas amènent le chômage

▪ Les banques centrales appliquent une politique monétaire dogmatique dont le credo est que baisser le coût du crédit relance la machine économique. C’est pour notre bien qu’elles se substituent à un marché concurrentiel dans lequel des épargnants choisiraient librement de prêter (ou non) avec un taux d’intérêt qu’ils jugeraient adapté à l’environnement économique et au risque qu’ils perçoivent.

Pardon, cher lecteur, ma dernière phrase comporte quatre gros mots : épargnant, choisir, librement, risque. Ceci ne rentre pas du tout dans le dogme officiel. Le dogmatisme escronomique dit que pour éviter tout risque, il faut des épargnants (des riches qui arrivent à dépenser moins que ce qu’ils gagnent et à qui la taxation n’a pas tout pris) qui prêtent docilement leur argent au tarif qu’un banquier central clairvoyant aura décidé. Tel est le consensus qui nous suce la moelle et ne nous laisse que l’impôt sur les os.

Les gouvernements et les banques centrales détruisent consciencieusement l’emploi depuis plus de quarante ans

Car ce faisant, les gouvernements et les banques centrales détruisent consciencieusement l’emploi depuis plus de quarante ans. Que cette bêtise soit partagée ne nous sera que d’une maigre consolation.

Glissez-vous une minute dans la peau d’un industriel contemplant un investissement qu’il ne peut financer sur ses fonds propres. Il devra donc emprunter.

Supposons que notre industriel soit un équipementier automobile ou aéronautique, un fabricant d’électronique, un industriel de la mine. Je prends exprès des secteurs qui :

Notre industriel va donc calculer son retour sur investissement en fonction du coût de son emprunt. Un enfant du primaire de la vieille école comprend facilement que plus le taux d’emprunt est faible, plus le retour sur investissement est facile. Si j’emprunte à 2%, une rentabilité de 5% me suffit largement. Donc plus le taux est bas, moins le projet a besoin d’être rentable. Cela a deux conséquences :

▪ Retournons dans la peau de notre industriel…
« Pour maintenir mes marges, je dois maîtriser mes coûts. Or une chose est très probable : l’évolution des charges sociales et des salaires de mes employés sera supérieure au taux d’emprunt que je vais négocier avec mon banquier. A dire vrai, une des rares prévisions quasi-certaines de mon business plan est que Bercy et l’URSSAF ne me feront pas de cadeaux et que impôts et charges vont évoluer à la hausse. Donc plus mon nouveau projet supprime de main-d’oeuvre en mécanisant et modernisant mes chaînes de production, plus je suis confortable avec les risques de mon nouvel investissement. Moins je risque de voir mes marges déraper ».

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Bref, vous l’aurez compris : les entrepreneurs saisissent l’opportunité des taux bas pour moderniser leurs usines et se prémunir des dérapages des coûts de main-d’oeuvre.

Notre capitaine d’industrie poursuit sa réflexion.

« Par ailleurs, mes risques sont encore réduits si dans les 10 ans qui viennent les taux d’intérêt évoluent à la baisse. Supposons qu’au terme, mon pari s’avère un peu décevant alors que j’ai emprunté à 5%. Si je peux me refinancer en empruntant à nouveau à 2,5%, ce ne sera quand-même pas une catastrophe, j’arriverai toujours à défendre mon dossier face à mon banquier. Au contraire, si j’ai besoin d’emprunter à nouveau mais à 7% au lieu de 5%, je ne pourrai plus justifier que ‘ça passe’. Mon banquier s’apercevra que ‘ça casse’. »

En baissant les taux d’intérêt, les banques centrales favorisent de mauvais investissements, une surcapacité et une destruction précoce de l’emploi

Donc, en baissant les taux d’intérêt, les banques centrales favorisent de mauvais investissements, une surcapacité et une destruction précoce de l’emploi au plus mauvais moment, en période de crise. Au contraire, en laissant naturellement monter les taux en période difficile, on ralentirait ce processus et on s’assurerait que le capital se dirige dans de bons projets.

▪ Quelques preuves de ce que j’avance
Comme ce que vous lisez est moins populaire que la théorie de l’euthanasie keynésienne du rentier, vous allez me demander des preuves autres que la logique de mon jus de crâne. Les voici, ô lecteur sceptique au sens critique si aiguisé.

Voici l’évolution des taux d’intérêt à 10 ans aux Etats-Unis de 2002 à 2014

Vous constatez que nous sommes passés de 5% à moins de 3%. Depuis plus de 11 ans, les taux baissent.

Pendant ce temps, le taux de participation à l’emploi, c’est-à-dire le nombre de gens qui travaillent parmi les gens en âge de travailler, diminue. Il est passé de 66,4% à 62,8%.

Taux de participation à l’emploi


Source : www.tradingeconomics.com

Vous constatez que lorsque les taux étaient stables, le taux de participation à l’emploi l’était également. Puis, lorsque les taux ont diminué, le taux de participation à l’emploi s’est écroulé.

Et tenez, je ne suis pas avare. Deux preuves valent mieux qu’une. En France, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Voici l’allure des taux d’emprunt depuis 2002. Nous sommes passé de 5% à 2%.

Le taux de participation à l’emploi de la population soumise à la concurrence a diminué d’environ 2% en six ans de taux bas

Le graphique de notre taux de participation à l’emploi n’est pas disponible, mais voici les chiffres : nous sommes passés de 50,3% en 2002 à 50,6% en 2013, selon les chiffres de la Banque mondiale. « Et alors », me direz-vous, « la belle affaire ; vous voyez bien que chez nous c’est différent et que les faibles taux d’intérêt ne détruisent pas d’emploi ». Erreur, c’est sans compter notre « traitement social » du chômage : nous recrutons des fonctionnaires, des emplois jeunes… Les emplois salariés de la fonction publique sont passés de 5 179 881 en 2005 à 5 493 900 en 2011, soit 6% de hausse. En réalité, le taux de participation à l’emploi de la population soumise à la concurrence a diminué d’environ 2% en six ans de taux bas (car n’oublions pas que dans notre beau pays, un quart de la population active est fonctionnaire).

Evidemment, il n’est pas possible (même si quelques uns en rêvent encore) de construire une société dans laquelle tout le monde serait fonctionnaire. Donc, dans leur travail, certains sont soumis à la concurrence et d’autres ne le sont pas. Les employés soumis à la concurrence mondiale sont pénalisés par des taux d’intérêt maintenus artificiellement bas.

▪ Soyons fous
J’entends déjà messieurs Mélenchon et Montebourg clamer « puisqu’il en est ainsi, fermons les frontières, revenons au franc, dévaluons, imprimons des francs pour faire tourner la machine et tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ».

La fausse monnaie et le protectionnisme n’ont jamais avantagé les populations qui y sont soumis

Il me semble que tout cela a déjà été essayé par le passé… sans grand succès. La fausse monnaie et le protectionnisme n’ont jamais avantagé les populations qui y sont soumis. Tous ces dirigistes ont un problème : ils croient savoir mieux que tout le monde, ils n’ont pas confiance dans « le peuple » qu’ils prétendent protéger de ses propres erreurs. Le peuple est simplement bon à les élire mais pas apte à juger sur le terrain de son environnement économique, du niveau du risque et des prix (taux d’intérêt).

Soyons fous, hardis, ré-vo-lu-tion-naires. Supposons que les taux d’intérêt se fixent librement. Les épargnants — vous, moi, tout un chacun — décident ou non de prêter leur argent. Si les conditions économiques sont risquées, ils ne veulent pas prêter, ou alors ils prêteront mais à des taux élevés. A ce moment, beaucoup d’entrepreneurs trouveront le crédit hasardeux, les projets seront plus difficilement rentabilisés. Ils reporteront à plus tard leurs investissements ou se focaliseront sur ceux qui sont les plus sûrement rentables. La hausse naturelle des taux, du fait d’un environnement perçu comme plus risqué, freinera le chômage.

Toutefois, il est vrai qu’aujourd’hui, l’argent des épargnants compte pour peu. Lorsqu’une banque a 1 euro de dépôt, elle peut prêter 99 euros qui n’existent pas pour des mauvais projets, surtout si elles sont « trop grosses pour faire faillite ». Mais les pires choses ont une fin. Les mauvais crédits auront donc une fin, les taux remonteront un jour et le vrai capital qui n’aura pas été détruit dans l’effondrement de la pyramide de mauvaises dettes pourra naturellement se diriger vers des investissements sains… si on le laisse faire.

[NDLR : Retrouvez Simone Wapler jour après jour dans La Stratégie de Simone Wapler… et appliquez ses conseils pleins de bon sens à votre épargne ! Il suffit de cliquer…]

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