La Chronique Agora

La menace du syndrome ukrainien

Les réunions du G20 sont aussi instructives par les silences ou les blancs concernant les grands sujets du moment et là, il est difficile de ne pas remarquer l’absence de toute référence à l’Ukraine. Un sujet particulièrement embarrassant puisque comme l’expliquait ce dimanche Olexandre Tourtchinov, le nouveau chef du Parlement ukrainien et chef de l’Etat par interim, l’Ukraine « est en train de glisser vers le précipice d’un défaut de paiement ».

Les premiers chiffres des besoins en capitaux du pays par la nouvelle équipe au pouvoir avoisinent 35 milliards de dollars sur les deux prochaines (tiens, c’est précisément le montant de la facture des Jeux Olympiques de Sotchi pour la Russie) ; à part le FMI, personne n’est capable de mettre sur la table une telle somme.

L’Ukraine, enjeu géostratégique pour la Russie

Quelle serait la réaction du Kremlin s’il se trouvait confronté à une sorte d’OPA amicale de puissances occidentales sur l’un de ses alliés historiques les plus stratégiques ?

Mais surtout, en imaginant que l’Europe décide de mobiliser tous ses moyens et que la BCE ouvre les vannes monétaires (façon QE-infinity comme la Banque centrale du Japon)… quelle serait la réaction du Kremlin s’il se trouvait confronté à une sorte d’OPA amicale – ou pire, une « odieuse mise sous tutelle financière » – de puissances occidentales sur l’un de ses alliés historiques les plus stratégiques ? Car l’Ukraine procure à la Russie des ports et des bases militaires ouvrant sur la mer Noire et le flanc est de l’Europe, des approvisionnements vitaux en céréales… et c’est l’un des principaux clients pour l’industrie de l’armement russe, quel que soit l’état des finances du pays. Vous voyez l’idée.

Chacun comprendra dans ces conditions la prudence de l’Europe qui doit en plus traiter avec Poutine de l’épineuse question Syrienne – un autre cas de régime allié infréquentable mais qui constitue pour Moscou une pièce essentielle sur l’échiquier géostratégique global.

« La plupart des informations dont je dispose ne peuvent pas être diffusées dans les médias. Pourtant, certaines pourraient vous permettre de réaliser des plus-values de 25%… 34,5%… 60%… et bien d’autres »

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En contraignant Poutine, qui s’efforce de ne jamais s’impliquer dans une cause perdue, à confier à ses principaux lieutenants (dont le Premier Ministre D. Medvedev) la tâche ingrate de soutenir jusqu’au bout Victor Ianoukovitch, l’Europe est peut-être parvenue pour une fois à s’imposer comme une entité diplomatique crédible. Et c’est maintenant le maître du Kremlin qui se retrouve en situation délicate. Non pas qu’il doive redouter de voir l’Ukraine faire sécession et « passer à l’ouest » (ce qui déclencherait une guerre civile dont même l’administration Obama ne voudrait pas endosser la responsabilité), mais l’exemple d’un régime corrompu et violent renversé par la rue risque d’inspirer d’autres mouvements de révoltes dans d’ex-républiques soviétiques d’Asie centrale, au demeurant beaucoup plus prospères que l’Ukraine qui, finalement, constitue un boulet financier pour Moscou depuis 10 ans.

Il s’agit le plus souvent de simili-pétromonarchies inféodées à Moscou et soumises à des dictatures autocratiques ubuesques (avec Président à vie élu avec 98% des suffrages).

Alors faute de promettre de sauver l’Ukraine, le G20 a opté pour une annonce spectaculaire : le décret d’une croissance additionnelle de +2% d’ici 2020. De quoi occuper un peu le microcosme journalistique et financier.

La « menace » du syndrome ukrainien

Car chacun sait qu’avec quelques mesures adéquates – et ne parlons même pas de quelques malheureux milliers de milliards de billets de Monopoly imprimés par les banques centrales –, il n’y a qu’à claquer des doigts pour que la croissance s’aligne sur les objectifs des puissants de ce monde…

Or quelqu’un semble s’être aperçu que ça ne marche pas à tous les coups.

Heureusement, en même temps qu’il identifiait le problème, il découvrait la solution – c’est à cela que l’on reconnait un cerveau supérieur et c’est pourquoi l’élite mondiale manipule légitimement les leviers de l’économie et pas nous. Ce pur génie n’est autre que Joe Hockey, un ministre australien étiqueté « conservateur », qui déclarait en préambule du sommet du G20 à Sidney (il jouait à domicile, cela autorise toutes les audaces intellectuelles) « qu’il fallait assouplir toutes les régulations car elles font obstacle à une allocation efficiente des ressources ».

Si nous persistons à vouloir réguler contre toute logique économique le capitalisme sauvage (euh pardon, libre et parfait), imparablement, c’est le syndrome ukrainien qui nous attend au bout du chemin.

Du pur Adam Smith au premier degré, une apologie de l’utopie ultralibérale la plus naïve (ou la plus cynique) qui consiste à laisser la « main invisible » continuer de nous conduire dans la joie et la bonne humeur vers un monde de prospérité, de richesse partagée et de démocratie ! Sous-entendu : si nous persistons à vouloir réguler contre toute logique économique le capitalisme sauvage (euh pardon, libre et parfait), nous nous dirigerons vers l’instauration d’un étatisme planificateur à la soviétique et, imparablement, c’est le syndrome ukrainien qui nous attend au bout du chemin.

Car il ne fait aucun doute que le modèle de développement européen (austérité, chômage de masse, croissance nulle, dumping salarial et fiscal intra-UE) est exactement ce à quoi le peuple ukrainien aspire et s’est montré prêt à verser son sang…

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