Les sanctions visant la Russie continuent d’avoir des effets « imprévisibles » sur nos économies, tandis qu’il devient de plus en plus compliqué de savoir qui nous vend du gaz.
Nous voici parvenus à moins de 48 heures du comité de politique monétaire de la BCE et de ce qui pourrait constituer le « tour de vis » le plus violent de son histoire, avec une hausse anticipée de 75 points de base.
Après ce mouvement, qui propulsera le taux directeur au-delà des 1% (soit 100 points de base), deux resserrements supplémentaires de 50 points sont attendus d’ici mi-décembre, pour afficher un loyer de l’argent à 2% d’ici Noël.
Les marchés anticipent donc une hausse de 175 points avant d’accrocher les boules dans le sapin. Pourtant, l’euro dévisse de 0,7% pour inscrire un nouveau plancher historique de 0,988 face au dollar et 0,975 face au franc suisse.
Poids de la dette et poids de la guerre
Qu’est-ce les cambistes tentent de nous faire passer comme message ?
C’est assez simple : nos économies hyper-endettées ne peuvent pas supporter un coût de refinancement supérieur à 1,5%, et à plus forte raison 2%.
Et que ce soit 1,5% ou 2%, c’est totalement inefficace pour juguler l’inflation, c’est-à-dire la perte de valeur de l’euro.
Pour reprendre une formule célèbre : la BCE a voulu éviter la récession au prix d’une capitulation devant l’inflation. Le résultat, c’est qu’elle obtient de l’hyperinflation (techniquement, c’est au-delà de 7%) et que l’Europe bascule en récession.
Comme de surcroît, l’Europe – celle de Bruxelles et d’Ursula von der Leyen, pas celle des « pères fondateurs » – s’implique directement dans le conflit russo-ukrainien et flirte de plus en plus avec la co-belligérance qui est l’antichambre d’une Troisième Guerre mondiale, quel cambiste aurait l’envie de détenir la devise d’une zone économique qui pourrait – à la moindre maladresse de l’un ou l’autre de ses dirigeants – basculer dans le chaos et la destruction, en imaginant que des missiles commence à zébrer le ciel au-dessus de Paris et Berlin ?
Notre président a fustigé ce week-end certains pays européens (sans les nommer, mais tout le monde comprend qu’il évoque la Pologne, la République tchèque et les pays baltes) qui semblent tentés par une stratégie plus belliciste face à la Russie, dans l’espoir d’entrainer leur « protecteur » américain dans une guerre d’anéantissement, pour « en finir avec Moscou et le criminel fou du Kremlin ».
Personne ne doute en effet que c’est Vladimir Poutine qui a imposé à Gazprom une « maintenance prolongée » sur le gazoduc Nordstream-1 vendredi en fin de journée (après la clôture des marchés européens), ce qui a fait flamber le prix du gaz de 30% alors qu’une spectaculaire décrue s’était opérée la semaine dernière.
Un approvisionnement pas si différent
Mais la réaction catastrophée des marchés (actions, taux, changes) à l’annonce de la fermeture sine die de Nordstream-1 reflète-t-elle une impasse totale qui va plonger l’Europe dans la pénurie cet hiver ?
Ils semblent en effet totalement occulter le fait que, si le gaz ne passe plus par le nord, il continue de circuler à plein débit par le sud, en direction de la Roumanie, de la Hongrie, de la Pologne, via un lointain pays (c’est surement pour cela qu’il est « oublié ») qui s’appelle… l’Ukraine.
Car, dans sa folie de barbarie destructrice, Vladimir Poutine a lui aussi « oublié » de faire détruire les installations qui transportent le gaz russe vers l’ouest, tandis qu’il n’oublie pas de faire verser les redevances (des milliards de dollars par an) que Gazprom et d’autres fournisseurs doivent à Kiev pour permettre de délivrer du gaz à des pays appartenant à l’Otan.
Autrement dit, la Russie continue de verser de l’argent à l’Ukraine, ce qui lui permet de financer sa guerre (achat d’armes aux Etats-Unis)… contre la Russie, tout en fournissant au final du gaz à ses ennemis, membres de l’Otan qui ont décidé de s’en passer mais ne peuvent survivre économiquement que s’ils en reçoivent suffisamment, sans pour autant dire d’où il vient.
J’avoue que le télescopage de ce qui précède me donne des migraines, tout comme le « moment Lehman » pour des fournisseurs d’énergie comme Uniper, renfloué par le gouvernement Allemand, mais que ses banques créancières menacent de lâcher car son business model (grossiste en gaz à prix prédéterminé pour l’industrie) est mort.
L’Allemagne va par ailleurs consacrer 65 Mds€ au soutien du pouvoir d’achat des ménages allemands, après leur avoir déjà offert la possibilité de voyager de façon illimitée par train moyennant une carte à 9 € par mois, ce qui a permis aux ménages germaniques d’économiser des millions de litres d’essence et de diesel, autant de fioul supplémentaire dont pourront disposer les centrales thermiques pour permettre aux Allemands de se chauffer cet hiver si le gaz venait à manquer.
Interdisons les décos de Noël !
En France, Bruno Le Maire – qui nous avait annoncé l’effondrement du rouble (désormais au plus haut depuis avril 2017 face à l’euro) – fait le choix politique inverse : le gouvernement invite la SNCF à réduire la fréquence des trains cet hiver car un TER ou un TGV, ça consomme beaucoup d’électricité !
Une des solutions consisterait à supprimer les « TGV des neiges ». En effet, il se pourrait également que les stations de ski françaises ne rouvrent pas leurs portes cet hiver.
Sauf celles destinées à une clientèle qui n’a aucune limite budgétaire (Chamonix, Courchevel, Val d’Isère) car la courant nécessaire pour faire tourner les remontées mécaniques est devenu si cher qu’il faudrait doubler le prix du forfait ou alors réduire des deux tiers l’accès aux équipements empruntés par les skieurs (files d’attentes interminables dans le froid à la clé : c’est totalement dissuasif).
Il va de soi qu’il n’est plus question de gaspiller notre précieux courant avec des décorations lumineuses sur les chalets et des guirlandes électriques dans les sapins (nous anticipons que la vente et l’installation de ce genre de dispositifs énergivores devrait d’ailleurs être interdite par décret à l’issue d’un prochain conseil de défense spécial « décos de Noël »).
En revanche, aucun risque de fermeture pour les stations de ski russes comme Sotchi/Rosa Kuthor (pistes éclairées la nuit), Manzheroc ou le Mont Elbrouz, avec des forfaits allant de 20 à 42 € par jour.
C’est à se demander si la seule façon de ruiner efficacement l’économie Russe n’aurait pas été de lui imposer notre ministre de l’Economie !