La Chronique Agora

Sommes-nous « trop négatifs » ?

inflation, marché actions, dette

Bill répond à une demande régulière formulée par certains de nos lecteurs…

« Chaque coucher de soleil apporte la promesse d’une nouvelle aube. »
~ Ralph Waldo Emerson

De retour à la maison, après deux jours de voyage, faisons le point. Est-ce que quelque chose d’important a changé ?

L’économie et les marchés suivent-ils toujours le scénario que nous avions prévu ?

Mais attendez…

Nous avons demandé à nos chers lecteurs ce qu’ils pensaient de nos chroniques. Nombre d’entre eux ont fait remarquer que votre correspondant était « trop négatif ».

Ouf ! Nous avions peur d’être trop positif. Nous craignions de ne pas vous avoir signalé avec suffisamment d’avance et de détails l’arrivée du krach, de la dépression, de l’hyperinflation, de la révolution, de la guerre, de la pauvreté et des morts en masse qui adviendront à l’avenir.

Néanmoins, aujourd’hui, nous allons répondre à cette demande. Nous ne changeons pas notre fusil d’épaule. Mais nous allons essayer d’être plus optimistes quant à la catastrophe à venir.

Acheter le marché

Vous vous souviendrez que Wall Street était autrefois un marché d’actions et d’obligations. Chaque titre était analysé, inspecté, pesé et jugé. Les investisseurs recherchaient les meilleures d’entre eux et les échangeaient, en fonction de leurs suppositions et de leurs opinions.

Puis la Fed est entrée en jeu… prudemment… progressivement… puis avec insistance. Martin Zweig a été l’un des premiers à noter que Wall Street avait changé… ce n’était plus un marché d’actions, mais un investissement à part entière… un « marché boursier », dans lequel les investisseurs pouvaient miser leur argent comme des parieurs à Las Vegas… un endroit où jouer avec son argent.

Au lieu de faire de véritables études, un investisseur pouvait simplement « acheter le marché »… par exemple en achetant un ETF… et sa fortune augmenterait (ou diminuerait) avec l’ensemble du marché boursier.

Zweig a également remarqué que sur ce nouveau marché, la clé du succès était de comprendre le rôle de la Fed.  « Ne luttez pas contre la Fed », conseillait-il.

Après avoir stoppé l’inflation en montant ses taux à 20% en 1980, l’objectif de la Fed a été par la suite de faire baisser les taux et de faire monter le marché boursier, et ce durant les 40 années qui ont suivi. De 1982 à 2022, le Dow Jones a doublé une fois… deux fois… trois fois… quatre fois… CINQ FOIS.

Mais, en 2020, le marché obligataire a atteint son pic. Les taux d’intérêt ont atteint des niveaux historiquement bas (lorsque les obligations augmentent, les rendements diminuent)… et ont ensuite entamé une hausse historique. Le marché obligataire haussier de quatre décennies (avec des rendements de plus en plus faibles) était arrivé à son terme.

Mesuré en argent réel

L’année dernière, la Fed a, elle aussi, changé de cap. Elle monte désormais les taux d’intérêt, et fait baisser les cours des actions. Voici ce que rapporte le Wall Street Journal :

« La Fed a tenté de freiner l’investissement, les dépenses et l’embauche en augmentant les taux, ce qui rend les emprunts plus coûteux et peut faire baisser le prix d’actifs tels que les actions et l’immobilier. Le taux décidé par la Fed influence les coûts d’emprunt, dans l’ensemble de l’économie. »

Les spéculateurs mettent du temps à comprendre la situation. Ils posent une oreille sur les rails… écoutant attentivement les bruits qui pourraient annoncer l’arrivée du « Pivot Express ». Ils sont persuadés qu’il roule dans leur direction et que les choses reviendront bientôt à la « normale ». En attendant, ils continuent d’« acheter les creux », et s’attendent à un retour à des marchés florissants, avec des taux d’intérêt très bas.

Comme nous l’avons souligné, les 22 dernières années n’ont guère été « normales ». Et les actions ne peuvent pas constamment monter. Jusqu’à présent, au XXIe siècle, même le plus grand investisseur de tous les temps, Warren Buffett, n’a pas gagné un centime. Pas en monnaie réelle, l’or.

Vous commencez à trouver cela trop « négatif » ? Voyons plutôt le bon côté des choses. Les Etats-Unis sont en plein déclin… avec de la fausse monnaie, de fausses guerres… et une fausse prospérité depuis 22 ans ; heureusement, la société phare de Buffett, Berkshire Hathaway, n’a pas perdu de valeur. En or, elle n’a ni plus ni moins de valeur qu’en 1999.

Voilà où nous en sommes aujourd’hui. Le programme n’a pas vraiment changé depuis que le marché obligataire a touché le fond et que la Fed a changé de cap. Les taux d’intérêt ont augmenté, les prix des actifs ont baissé.

Et à partir de là, il n’y a que des bonnes nouvelles.

Actuellement, la dette des consommateurs, des entreprises et des gouvernements continue d’augmenter. Les emprunts augmentent la quantité d’argent en circulation, ce qui entraîne une hausse des prix (inflation).

Du côté ensoleillé de la rue

Grâce à l’erreur de la Fed – qui a maintenu les taux d’intérêt à un niveau beaucoup trop bas pendant trop longtemps –, nous avons bien trop de dettes, dont une grande partie ne pourra jamais être remboursée. Mais (plus de positivité !), c’est à cela que servent les récessions. Tenter d’entraver les récessions et les corrections de marché revient à prévenir les incendies de forêt épisodiques. Le petit bois sec ne fait que s’accumuler, ce qui crée un danger encore plus grand.

C’est ce qui s’est passé. Telles des branches mortes tombées à terre et des aiguilles de pin, les Etats-Unis ont accumulé quelque 90 000 Mds$ de dettes, dont environ 50 000 Mds$ de matière inflammable « excédentaire » (supérieur aux normes traditionnelles). Bonne nouvelle pour un pyromane !

Alors… continuons avec les perspectives météorologiques du côté ensoleillé de la rue :

Pour l’instant, tout va bien. Un faible taux de chômage (mesuré par les autorités américaines) et un taux de consommation satisfaisant (grâce à l’emprunt) permettent à la Fed de poursuivre sa politique de relèvement des taux, sans engendrer de souffrance trop grande.

Jerome Powell a déclaré la semaine dernière :

« Les dernières données économiques sont meilleures que prévu, ce qui suggère que le niveau final des taux d’intérêt est susceptible d’être plus élevé que ce que nous avions anticipé précédemment. »    

Et (les bonnes nouvelles ne s’arrêteront jamais ?!) les taux plus élevés de la Fed auront probablement l’effet souhaité par la Fed – les actions chuteront, les taux d’intérêt augmenteront, les emprunts diminueront, les dépenses de consommation chuteront… et les emplois disparaîtront. Et la dette diminuera – du fait de défauts de paiement, de faillites et d’amortissements… et/ou, plus tard, par l’inflation.

Oui, une petite ombre plane sur cette analyse jusqu’alors ensoleillée. Il est simple de refuser un hamburger lorsque l’on vient de manger un steak. Il est beaucoup plus difficile de le faire lorsque l’on est affamé.

Lorsque les périodes de vaches maigres arriveront – que les actions s’effondreront et que l’économie entrera en récession –, nous nous attendons à ce que l’appétit de Powell pour un pivot soit irrésistible.

Et il ne sera pas seul. Oui, la Fed est sujette aux mêmes modes et tendances que le reste du gouvernement. Les nouvelles recrues à la tête de la Fed sont susceptibles de favoriser un gouvernement plus fort, de creuser des déficits plus importants, d’imposer un taux d’intérêt plus bas et des politiques monétaires plus souples.

Ce serait une « grave erreur », selon Larry Summers, de doter la Fed de décideurs gauchistes, dovish, et wokistes. Cela amènerait les gens à s’attendre à plus d’inflation, et donc à « intégrer une prime d’inflation plus élevée dans les taux d’intérêt… ce qui conduirait probablement à des taux longs plus élevés, et donc des taux hypothécaires plus élevés, qui pénaliseraient ces mêmes personnes que les progressistes veulent aider ».

Même là, le verre est à moitié plein et à moitié vide. Le secteur du logement a déjà commencé à décliner. Des taux hypothécaires plus élevés le feront chuter plus rapidement. Des prix plus élevés… et des taux d’intérêt hypothécaires plus élevés… empêcheront les gens d’acheter des maisons qu’ils n’ont pas vraiment les moyens de s’offrir.

Comme vous le voyez, cher lecteur, tout finit toujours par s’arranger.

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