La Chronique Agora

La Sécurité sociale sera le premier maillon faible à remettre à plat

La Sécu française est dans le rouge… et les autorités tirent la sonnette d’alarme – d’autant que la réforme des retraites se profile déjà à l’horizon : elle sera douloureuse et punitive.

Les comptes de la Sécurité sociale ont atteint des profondeurs abyssales, avec une dette nouvelle cumulée de 70 milliards sur 2020 et 2021. La Cour des Comptes vient de publier un rapport prônant des réformes structurelles pour maîtriser les dépenses de santé. Plus que jamais, le modèle français de protection sociale dysfonctionne, coûte cher et remplit mal sa mission.

Nous l’avons déjà évoqué, les comptes de la sécurité sociale atteignent des déficits dont l’ampleur n’aurait jamais été imaginée il y a encore cinq ans. Avec une dette nouvelle de 70 milliards en deux ans, c’est tout un modèle contributif qui se trouve mis en cause.

Le naufrage de la masse salariale prive mécaniquement notre opérateur monopolistique de protection sociale d’une part non négligeable de ses recettes. C’est vrai pour la retraite. C’est aussi vrai pour l’assurance-maladie, mais dans une moindre mesure, puisque les recettes de celle-ci sont fortement fiscalisées.

La Cour des Comptes plaide pour des réformes de structure

Face au désastre qui s’annonce, la Cour des Comptes vient de rendre son avis annuel sur la situation et il détonne par son énergie. Alors qu’Emmanuel Macron a remplacé, à sa tête, le très libre Didier Migaud par l’obligé Pierre Moscovici, la Cour des Comptes ne mâche pas ses mots.

Il faut vraiment noter l’audace que cette sortie représente pour un Moscovici qui tient son bâton de maréchal des mains même du président de la République.

Que dit la Cour ? On retiendra surtout que, s’agissant de l’assurance-maladie, les magistrats de la rue Cambon préconisent des réformes de structure qui exerceraient une pression à la baisse sur les dépenses. Le rapport épingle la mauvaise habitude de sabrer dans les dépenses en diminuant ou en dégradant les prestations, sans toucher aux dysfonctionnements même de notre système de santé.

Il a fallu la crise du Covid-19 et sa mauvaise gestion par la bureaucratie sanitaire pour qu’un nombre important de Français comprenne que nous ne disposons pas du meilleur système sanitaire du monde, et que cette dégradation du service ne s’explique pas seulement par un problème de moyens.

Depuis plusieurs mois, ils assistent aux blocages imposés par des fonctionnaires rigides enfermés dans leur cage dorée appelée Agence régionale de santé ou ministère de la Santé, aux errements d’une classe politique mal préparée à la gestion de crise, et ils comprennent que, même en majorant fortement les dépenses (ce que fait le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022), les problèmes resteront.

Progressivement, la conscience vient qu’il ne faut pas forcément dépenser plus (mais avec quel argent ? la crise dévaste tout), mais qu’il faut dépenser mieux.

La réforme des retraites pointe le bout de son nez

La question de la réforme de l’assurance-maladie est à ce stade posée par la Cour des Comptes, mais elle est encore occultée par le gouvernement.

Pour l’instant, celui-ci affiche plutôt son intention de s’occuper des retraites. Bruno Le Maire a encore rappelé qu’il s’agissait d’une priorité pour le gouvernement.

Dans la pratique, on sait tous que la mesure incontournable sera d’allonger la durée de cotisation d’au moins quatre trimestres. Mécaniquement, cette mesure est parfaitement connue et maîtrisée. Elle peut s’étaler dans la durée, avec un allongement d’un trimestre par an pendant quatre ans, et elle permet de maintenir une paix sociale satisfaisante tout en rétablissant progressivement les comptes. Il faut plusieurs années avec que cet étalement ne produise un véritable effet sur les comptes.

Si l’on est pressé, en revanche, il faut allonger brutalement et le plus vite possible. C’est pourquoi les spécialistes préconisent d’ordinaire de retarder l’âge de départ purement et simplement : c’est impopulaire, mais la mesure a un effet immédiat sur la trésorerie en tarissant temporairement le flux de liquidation des dossiers.

L’inconvénient de cette mesure est qu’elle fait hurler tout le monde, particulièrement ceux qui sont impatients de partir à la retraite et qui découvrent dans le journal qu’ils doivent finalement attendre un, voire deux ans de plus pour partir.

Macron osera-t-il prendre ces mesures impopulaires avant 2022 ? On peut avoir un doute, mais il sera dans tous les cas obligé d’acter par une loi l’absorption de l’AGIRC-ARRCO par le régime général.

Celle-ci est en effet enclenchée techniquement. Elle suppose de lourds investissements informatiques peu agiles et très coûteux. La locomotive est donc sur les rails, et il reste à savoir désormais le nombre de wagons qu’elle tirera derrière elle : allongement de durée de cotisations (à peu près acquise), gel des revalorisations pour trois ans (à peu près acquises), report de l’âge légal de départ (plus douteux), modification des règles de calcul (de moins en moins probable), y compris pour la fonction publique (relativement peu imaginable).

Dans tous les cas, l’esprit du temps est à la réforme contrainte, à contrecœur, douloureuse et punitive. Elle ne viendra pas toute seule, et tout indique que la fiscalité du patrimoine sera durcie en même temps pour faire passer le morceau, comme l’a montré le débat budgétaire en commission des Finances.

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